Vin & Société représente les 500 000 professionnels de la filière vins. L’association a frappé un grand coup avec son site cequivavraimentsaoulerlesfrancais.fr. Des milliers de clics de soutien ont semble-t-il ébranlé les lignes de ceux qui assimilent le vin à une drogue. Parmi ces résistants à l’hygiénisme ambiant, l’acteur Pierre Arditi, fervent supporter des bourgognes, n’est pas le dernier à s’exprimer de manière charpentée. On ne va pas assassiner Bacchus comme ça !
La cigarette de Coco Chanel et la pipe de Jacques Tati ont compté parmi les premières victimes de la loi Evin. Côté vins, l’étau liberticide semble se resserrer sous la pression notamment de l’ANPAA, Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie. Si le combat de cette dernière est plus que respectable, la mise en pratique de la loi et son interprétation posent problèmes. Souvent, au terme d’une longue et coûteuse procédure, cour d’appel et cour de cassation se contredisent.
Le vin tricard sur internet ?
Aux frontières impalpables de la publicité et de l’information, les juges ont déjà renvoyé dans leurs 22 quelques grosses campagnes publicitaires (y compris en Bourgogne), et infligé de sévères sanctions à l’encontre de grands médias. La nouvelle campagne sur les bordeaux, qui mise sur la convivialité, est présentée à l’étranger avec des couples mis en scène. En France, elle est complètement déshumanisée. Paris Match, dont les journalistes ont voulu célébrer « Le triomphe du Champagne » dans un dossier, en a eu plein la coupe en retour, avec une amende salée de 30 000 euros. Le très sérieux quotidien Les Echos, pour avoir oublié de publier le message modérateur de circonstance, a lui aussi reçu son bonnet d’âne.
Mais le pompon a été décroché fin septembre avec l’apparition d’une série de mesures envisagées, drastiques, dont la première imposerait tout (c)bonnement « l’interdiction de parler du vin sur internet ». Autrement dit, fini les sites des vignerons pour présenter leurs appellations, réduits au silence les bloggeurs et bloggeuses spécialisés, découragés les pays importateurs qui ne voudront plus travailler avec un pays aussi contraignant. C’est ce que souligne avec force l’association Vin & Société qui, au nom des 500 000 acteurs de la vigne et du vin qu’elle entend représenter, a interpellé les plus hautes autorités avec son site cequivavraimentsaoulerlesfrancais.fr. Un site qui montre, en passant, des photos de François Hollande et Jean-Marc Ayrault le verre aux lèvres. Plusieurs centaines de milliers de signatures sont recueillies en quelques heures. Et, comme par miracle, la première des mesures évoquées plus haut a disparu cul sec de la circulation, au prétexte qu’il s’agissait d’un malencontreux copier-coller. No comment.
Entre fierté nationale et drogue dure
Plus sérieusement, Audrey Bourolleau, déléguée générale de Vin & Société, que nous avons jointe par téléphone, sent bien le coup venir à quelques semaines des débats sur la loi de santé publique : « Les lignes se tendent, il n’y a même plus de notion de modération, plaide cette dernière, alors que nous cherchons la discussion, voire à créer une instance dédiée au vin, avec toutes les parties concernées. » Au-delà des incertitudes, le silence gouvernemental pèse sur le moral des acteurs de la filière. Comme si, en un rien de temps, le vin était passé du statut de fierté nationale à celui de drogue dure.
Tout récemment, dans le cadre du château du Clos de Vougeot où il présidait le chapitre des Vendanges, le grand amateur de vin qu’est Pierre Arditi y est allé de sa verve, verre à la main : « Quand on boit du vin, on boit d’abord l’âme de celui ou celle qui le fait, a rappelé l’acteur en s’adressant aux 500 personnes présentes dans le cellier, mais certains esprits chagrins nous prennent pour des enfants irresponsables. Je ne pense pas que nous soyons une compagnie de pochetrons qui se bourrent la gueule et prennent nos voitures pour dégommer tout ce qui passe devant. Je crois que le vin et la manière dont la France fait du vin, en tant que premier producteur mondial, est unique et culturel. Les plus grands vins sont fait ici, en particulier en Bourgogne. Il y a d’autres choses dont nous pouvons avoir honte dans le monde. » Santé !… par les plantes Monsieur Arditi.
PS : Dernier soubresaut de cette polémique, les propos assez radicaux de Patrick Elineau, directeur général de l’ANPAA, dans la revue américaine Wine Spectator du 7 octobre dernier (lire article complet sur www.winespectator.com), qui cite la censure de la pornographie en Australie ou l’interdiction faite aux sites web néo-nazis comme exemples dont pourraient s’inspirer les Français pour mettre fin aux discussions sur le vin dans les médias, notamment sur Twitter et sur les blogs.
Dominique Bruillot.