Ademe BFC : cap sur la ruralité

L’Ademe, agence nationale en charge de la transition écologique, renforce son action en direction des communes rurales pour les aider à relever les défis environnementaux. Jean-Luc Saublet, son directeur régional, nous explique comment.

Jean-Luc Saublet (en haut à gauche), directeur régional de l’Ademe. © Ademe BFC

La ruralité est un des enjeux du siècle. Comment l’Ademe la prend-elle en compte ? Fait-elle l’objet de politiques spécifiques ?

Jean-Luc Saublet : La ruralité est effectivement un immense enjeu, tout particulièrement dans la région Bourgogne-Franche-Comté, qui regroupe 3 000 des 34 934 communes françaises, bien au-delà de son poids démographique national. Nous sommes dans une région très rurale. Notre agence travaille depuis longtemps avec les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale), mais n’avait jusqu’à récemment pas d’action directe au niveau communal. Nous avions un peu raté cette dernière marche. Sous l’impulsion de Sylvain Waserman, notre nouveau président-directeur général, nous développons une nouvelle stratégie visant à proposer des réponses à chacune des collectivités, y compris les communes.

Et quelle est cette politique communale ?

La problématique que nous avons identifiée tient au manque d’ingénierie. Les maires des petites communes ont besoin d’informations, voire de formations, sur les enjeux écologiques et la transition énergétique. Ils ne disposent pas, actuellement, d’experts susceptibles de les épauler. À cet effet, nous mettons en place le réseau « Élus pour agir », un réseau d’élus référents, spécifiquement formés à ces questions. Nous invitons chaque commune à désigner un ou deux élus, que nous accueillons pour une journée, en présentiel ou en visioconférence, ainsi que pour une session de deux heures chaque trimestre. Nous savons que le temps des édiles est précieux et nous essayons d’en faire un très bon usage. Durant ces sessions, les élus rencontrent les meilleurs experts nationaux sur des questions environnementales, comme, par exemple, le zéro artificialisation nette (ZAN). Aujourd’hui, nous avons recruté 200 communes en Bourgogne-Franche-Comté, mais nous espérons atteindre 300 d’ici à la fin de l’année. Le congrès des maires ruraux devrait nous y aider.

C’est un dispositif national ?

Oui, le réseau « Élus pour agir » est national. Dans notre région, nous ajoutons une dimension supplémentaire : l’échange entre pairs. Nous invitons les élus d’une commune à partager leur expérience sur un projet qu’ils ont mené, par exemple la mise en place d’un réseau de chaleur communal, avec les autres élus du réseau. Cela permet d’avoir une approche complémentaire, très proche du terrain.

Le manque d’ingénierie se fait aussi sentir vis-à-vis des énergies renouvelables. Aidez-vous les maires à faire face à ces questions ?

Il est vrai que les maires de petites communes peuvent se sentir désemparés face à des opérateurs privés voulant, par exemple, installer un parc éolien ou photovoltaïque. Pour pallier ces difficultés, nous avons mis en place, depuis 2017, le programme « Générateur Bourgogne-Franche-Comté », que nous renforçons actuellement. Il s’agit d’un réseau régional d’appui à l’ingénierie territoriale et à l’innovation économique et sociale, qui fournit un accompagnement juridique sur ces questions. Il ne s’agit pas de dire si le projet est bon ou non, mais d’aider les communes à maîtriser l’environnement juridique de ces projets et à mieux les négocier. Aujourd’hui, dans la région, nous avons trois conseillers, hébergés au sein des syndicats d’énergie de Saône-et-Loire, du Doubs et du Jura, qui rayonnent dans toute la région. Nous recrutons un quatrième conseiller, spécialisé dans la participation citoyenne à ces projets d’énergie renouvelable. Nous poussons cette dimension, car elle permet d’améliorer l’acceptabilité des projets, qui est parfois discutée. En intégrant les citoyens dès les phases d’étude, on constate que les projets sont bien mieux acceptés par les populations. Cela permet de limiter les oppositions et donc de favoriser la transition énergétique.

Dans une région agricole comme la Bourgogne-Franche-Comté, la méthanisation semble être une source d’énergie vertueuse. Est-ce un secteur qui se développe ?

À notre grande surprise, pas tellement. Il y a bien sûr le très gros programme de Dijon Céréales qui fonctionne depuis cet été à Cérilly et qui représente à lui seul 25 % des besoins de Dijon Métropole. Mais c’est l’arbre qui cache la forêt, si j’ose dire. Il n’y a pas beaucoup de nouveaux projets de méthaniseurs, alors même que les prix de rachat du gaz produit ont été revus à la hausse et sont aujourd’hui intéressants. Mais, en Bourgogne-Franche-Comté, la méthanisation a du mal à décoller. Je vous avoue ne pas vraiment comprendre pourquoi. Il y a sans doute des questions d’acceptabilité des nuisances, et peut-être aussi le renchérissement des coûts de construction, mais ce lent démarrage demeure paradoxal pour une région qui offre de gros gisements de matière organique méthanisable, surtout aujourd’hui avec la collecte séparée des biodéchets.