Marie-Guite Dufay, présidente de « la région la plus rurale de France »

Louant l’importance des maires, la présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté tient à être du rendez-vous de la ruralité. Marie-Guite Dufay sera présente au congrès national des maires ruraux, du 27 au 29 septembre à Arceau et Saint-Julien.

Marie-Guite Dufay est présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté depuis 2016. © Jean-Luc Petit

L’AMRF revendique la prééminence du socle « Commune-Département ». Quid de la Région dans tout cela ? 

Marie-Guite Dufay : Cette prééminence est réelle et s’explique par le poids de l’histoire. Près de 200 ans séparent le socle commune-département des régions. Bourgogne et Franche-Comté ont fusionné en 2015, couvrant un vaste territoire de près de 50 000 km2. Cela peut donner le sentiment d’une collectivité moins dans la proximité. Les faits et l’exercice des compétences démontrent au contraire que les régions ont un rôle de premier plan dans bien des domaines du quotidien : les transports scolaires gratuits – 125 000 élèves pris en charge via 3 000 circuits, l’éducation à travers notre compétence lycées, avec 128 lycées publics pour 104 000 lycéens, le sport, la culture, le patrimoine, les formations sanitaires et sociales dispensées dans les Instituts et écoles de la région… Près de 5 400 élèves infirmiers et kinésithérapeutes sont formés chaque année en région, contribuant à une offre de santé de proximité.

170 millions d’euros issus de la Région sont fléchés dans des projets portés par des communes et leurs groupements. Où sont vos priorités ?

La Région est en effet engagée en faveur d’un aménagement équilibré et différencié de son territoire. Elle investit 170 M€ dans 35 contrats de territoire couvrant toute la Bourgogne-Franche-Comté sur la période 2022-2026. Nous accompagnons les projets des collectivités, communes, intercommunalités, qui contribuent à l’attractivité, à l’emploi, à la cohésion mais également à la transition écologique. Je pense à la construction d’équipements publics (petite enfance, tiers-lieux, maisons de santé, etc.), à la rénovation énergétique performante du bâti public, au renforcement des centralités, à l’alimentation de proximité, à la création de pistes cyclables, à la sobriété foncière et à la réhabilitation de friches. En investissant massivement dans les transitions, les services publics et l’attractivité, la Région est indéniablement l’un des moteurs du développement local.

Vous êtes fidèle aux rendez-vous des maires. Pourquoi est-ce si important à vos yeux ? Que retenez-vous de ces moments à leur contact ? 

Ils sont les premiers relais et remparts de notre démocratie. Ils sont en première ligne des attentes et des sollicitations de leur population. Ils sont la courroie de transmission, ils sont à une place idéale d’interface pour articuler la vie quotidienne et les projets structurants. Ce n’est pas pour rien que l’assemblée régionale compte nombre de maires, d’adjoints et de conseillers municipaux dans ses rangs. Je tiens à saluer leur engagement  et celui des équipes municipales. Être à leur contact, c’est un moment d’échanges, d’écoute réciproques. C’est comprendre leurs projets, leurs expériences, leurs problématiques et aussi inquiétudes. La Région veut être au rendez-vous.

La gestion des fonds européens agricoles est un autre sujet central pour la Bourgogne-Franche-Comté. Cela n’est pas de tout repos. Comment travaillez-vous avec le monde agricole ?

L’agriculture est une activité majeure et historique de notre région. Elle est l’essence de nos territoires et participe à l’équilibre et l’attractivité de nos zones rurales. Elle modèle les paysages et notre environnement et produit ce qu’il y a de plus essentiel, l’alimentation. Aux côtés du monde agricole, je me suis mobilisée très fortement pour la hausse des crédits européens (Feader) de la programmation actuelle. Nous avons réussi. Tout l’objectif est de déployer ces crédits au mieux, malgré les difficultés conjoncturelles, les règles administratives drastiques de l’Europe et un transfert de certaines mesures, de l’Etat vers les Régions, qui je le regrette n’a pas été à la hauteur. Il s’agit bien de soutenir l’installation des jeunes, la modernisation des exploitations, les investissements dans les bâtiments et les équipements et en totale concertation avec le monde agricole.

Les maires ruraux prêchent parfois dans le désert médical. Que fait la présidente de Région, fille de médecins, pour structurer l’offre de soins de proximité ?

Nous manquons cruellement de médecins, les maires ruraux sont les premiers à alerter. Depuis une vingtaine d’années, nous avons pris à bras le corps le sujet brûlant des déserts médicaux, dans le cadre de notre compétence « aménagement du territoire », quand bien même la compétence première et obligatoire appartient à l’Etat. Nous soutenons la coordination d’une offre de soins de proximité à travers les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP). Nous avons été la première région de France à lancer ce dispositif, dans l’Yonne, et restons la  première avec plus de 150 maisons de santé en service. C’est une fierté et nous devons poursuivre ce maillage en partenariat avec l’ARS. Une autre solution agile se met en place à titre expérimental et à laquelle je crois beaucoup : un centre du collectif national Médecins solidaires, à Chantenay-Saint-Imbert (Nièvre). Ces médecins généralistes viennent chaque semaine exercer dans l’un des quatre centres existants en France, dont celui de la Nièvre. En trois mois, 1 000 consultations ont été effectuées à Chantenay par 14 médecins du collectif. C’est aussi cela l’offre de soins de proximité.

En voiture ou en train, la mobilité est un autre sujet phare. Comment gérer cette crise liée à la mobilité en milieu périurbain et rural ?

Pour une région rurale comme la nôtre, où l’habitat est moins concentré, c’est un sujet de premier plan. La difficulté réside dans le fait de faire coïncider des attentes individuelles et le déploiement d’un service collectif. Nous sommes, en Bourgogne-Franche-Comté, devant un mur d’investissements, que ce soit pour préserver nos lignes ferroviaires, ou améliorer notre réseau routier. À nous, avec les territoires, d’être innovants et solidaires, pour favoriser non seulement le report modal, mais l’intermodalité, essentielle pour s’adapter aux réalités de nos territoires, aux réalités des déplacements, aux réalités des aspirations de tous, de pouvoir bénéficier de modes de transport décarbonés, moins polluants, résilients et accessibles.

En BFC, une dizaine de communes ont profité de l’opération « Villages du Futur ». Avec quels résultats ?

De 2021 à 2023, élus et habitants de 9 communes de 270 à 1 500 habitants des huit départements, accompagnés par des équipes techniques, ont coopéré pour construire collectivement l’avenir de leur village. Il s’agissait aussi de nourrir la réflexion sur le rôle et l’apport de la Région auprès des communes rurales. Au final, les formes de mobilisation ont été variables. Si la participation citoyenne a bien alimenté des dynamiques collectives, la projection dans le futur est restée un peu plus complexe et en-deçà des attentes initiales. Cela dit, de l’avis de tous, l’exercice a été passionnant, enrichissant. Il confirme les besoins d’ingénierie, de conseils, d’animation, d’appui et de montée en compétences des communes et territoires ruraux, ainsi que leur nécessaire mise en réseau.  

À titre plus personnel enfin, en quoi vous sentez-vous proche du monde rural ?

Je viens du Cantal, département rural par excellence. La Région que je préside est la plus rurale de France : plus de la moitié de sa population réside dans une communale rurale. C’est notre ADN. Les vins de Bourgogne, le massif du Jura, la charolaise ou la montbéliarde, le trait auxois, le trait comtois… tous ces trésors sont nés de cette ruralité. Et si la Bourgogne-Franche-Comté est aussi très industrielle, ayons toujours en tête que toute une part de notre industrie était et demeure rurale !