Alors que le centre d’interprétation d’Alise-Sainte-Reine fête ses dix ans, DijonBeaune.fr et DBM feront chaque mois la rétrospective d’une année au MuséoParc Alésia. Focus sur 2012 après J.-C, millésime fondateur et hautement gaulois.
Bienvenue en 2012. Razzia sur les Oscars pour The Artist. Poutine revient au pouvoir. Facebook fait son entrée en bourse. Le Costa Concordia s’échoue dans les eaux italiennes. Felix Baumgartner saute en chute libre à 39 km d’altitude pendant que Neil Armstrong et Whitney Houston font le voyage inverse pour rejoindre les étoiles. Coronavirus, lui, n’est qu’un simple fantassin romain sorti de notre imaginaire. Plus près de nous, en Gaule, François Sauvadet l’assure dans les colonnes du quotidien local : « L’année 2012 sera assurément une grande année gauloise. » Normal, le Conseil général qu’il préside est le principal financier du MuséoParc Alésia, à hauteur de 27 millions d’euros.
Pas à Montevideo ou Moscou
La première pierre de ce grand projet pédago-ludique avait été posée quelques années plus tôt, en octobre 2009. C’est ici, au pied de la colline d’Alise-Sainte-Reine (700 habitants), dans la plaine des Laumes, qu’est né le mythe fondateur de la nation française, celui du siège de Vercingétorix par les troupes de César en 52 av. J.-C. À l’emplacement de la bataille originelle (7 000 hectares, soit les 3/4 de Paris), un centre d’interprétation de 52 m de diamètre a poussé : quatre niveaux, un intérieur en béton immaculé, un bel habit en résille de mélèze, une coiffe façon terrasse d’une centaine de jeunes bouleaux et de chênes. 8 hectares de gazon et 8 000 végétaux comme décorum. Plus loin, on a aussi reconstitué deux lignes de fortifications romaines.
Bernard Tschumi est venu, a vu, et a conçu le MuséoParc. « Nous ne cherchons pas à faire du spectacle », évacuait-il d’emblée. Le célèbre architecte a réappris la bataille, humblement, pour se frotter aux interprétations historiques. « Cette dualité entre la plaine, où se trouvaient Jules César et son armée, et l’oppidum, ou Vercingétorix et ses troupes étaient retranchées, nous a beaucoup interpelés et inspirés. Cette idée d’encerclement a emmené la forme du bâtiment, qui n’aurait pas pu être transplantée à Montevideo ou à Moscou. » Le résultat est là, impressionnant. Mais un MuséoParc n’est pas un musée. Le centre d’interprétation, tel est son petit nom, propose avant toute chose un parcours thématique.
Les objets et leur propos muséographique viennent en complément. Ici, tout ce qui se rapporte au siège d’Alésia est dans le thème traité. La notion « d’immersion » est importante. Différents médias sont là pour ça : objets reconstitués sur site, multimédia, films, écrans tactiles, etc. Avec un préalable pour cette exposition permanente : une double lecture adultes et enfants.
140 000 !
Et ça cartonne. En l’espace de sept mois, le MuséoParc Alésia franchit le cap inespéré des 140 000 entrées. Les Journées du Patrimoine attirent 6 500 curieux en un week-end. « Nous allons faire sauter les bouchons de crémant de Bourgogne », jubile Laurent de Froberville, l’ancien directeur (2011-2016). Nous sommes alors en pleine « gallo-mania ». 2012 a tout d’un grand cru. Cette année-là, le regretté Jean-Jacques Beineix vient même tourner sur place quelques images pour son indispensable documentaire Les Gaulois, au-delà du mythe (disponible sur YouTube). Sébastien Pitoizet s’en souvient bien : ici, il fait « partie des meubles » comme il le dit avec humour. Arrivé en 2010 après un stage concluant, l’assistant communication et webmaster était déjà de la petite équipe dont les bureaux occupaient l’ancien presbytère du village. « Il nous fallait préparer l’inauguration, le site internet, même si les réseaux sociaux n’étaient pas vraiment la priorité absolue à l’époque. Le buzz s’est fait de lui-même, avec une couverture presse dense, qui a créé une grosse attente. L’effet nouveauté, propre à chaque équipement culturel, a fait le reste. »
Cet élan fut d’autant plus marquant qu’il a connu une première impulsion très particulière. Le jour de l’inauguration officielle du MuséoParc, jeudi 22 mars 2012, on ne sait toujours pas si François Fillon, premier ministre du gouvernement Sarkozy pour quelques mois encore, va débarquer. On a sérieusement pensé qu’il annulerait, quelques heures après le dénouement des attaques terroristes de Montauban et de Toulouse. Mais le ministre a fini par poser son hélicoptère, accompagné du préposé à la Culture, Frédéric Mitterrand. Avec dignité, il a dressé un parallèle entre cette inauguration et ce que la France venait d’éprouver, dans un discours particulièrement mémorable pour les gens sur place. Extrait : « On peut être frappé que ce mythe soit celui d’une défaite. Mais il est des défaites fondatrices, et la nation française trouve dans ce mythe d’Alésia l’image de l’adversité qui l’a si souvent frappée et dont elle s’est toujours relevée. » Alésia jacta est : ainsi en était jeté le sort du MuséoParc. Inoubliable.