La sage Bourgogne anticipe la reconnaissance de ses Climats par l’Unesco en installant une Conférence territoriale au-dessus de tout clivage. On attendait deux coprésidents à la tête de l’organisme de gestion pour réunir vin et politique. Finalement, Pierre-Henri Gagey, l’actuel président du BIVB devra faire ménage à trois, mais pour la bonne cause, avec François Rebsamen et Alain Suguenot.
Présenter un projet est une chose, montrer que l’on saura le gérer en est une autre. Dans la dernière ligne droite de la candidature des climats du vignoble de Bourgogne au patrimoine mondial de l’Unesco, la Conférence territoriale est là, en relais de l’association initialement porteuse du projet et présidée par Aubert de Villaine, pour blinder le deuxième aspect. Tout ce que la Bourgogne compte d’élus agissant sur le territoire, tous bords confondus, de la plus petite commune à la plus grosse agglomération, est rassemblé dans ce groupement, mais pas seulement. On y trouve aussi les représentants du monde viticole, pour une raison aussi évidente que le nez du vin se trouve au milieu de la figure d’un vigneron : 85% du territoire est concerné par la vigne.
Pour autant, on s’attendait à une coprésidence à deux. Ce sera un ménage à trois au final. Pierre-Henri Gagey, qui sera bientôt libéré de sa présidence du Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne, en conformité avec les statuts de l’interprofession, trouve là un rôle à sa mesure. Mais sa coprésidence, il devra la partager avec les deux « ducs » de la politique régionale : François Rebsamen et Alain Suguenot, respectivement sénateur-maire et député-maire des deux villes d’entrée.
Diplomatiquement, la bipolarisation tant politique que culturelle de l’axe Dijon-Beaune a été plutôt bien négociée. Alors que rien ne l’y obligeait, plus motivée que jamais par ce dossier, la Bourgogne ne s’est donc pas contentée de prendre les devants en faisant la démonstration qu’elle peut gérer ce bien potentiellement universel qu’elle défend. Assis Côte à Côte sur le socle commun des Climats, ses chefs savent enterrer la hache de guerre quand il le faut et placer les enjeux de la démarche bien au-dessus des toits vernissés des clochers qui peuplent la prestigieuse faille sismique. On applaudit à tout rompre.
Lundi dernier, dans le cadre rassembleur du Château du Clos de Vougeot, tout le monde semblait ravi de cette issue. Yves Dauge, l’ex-maire de Chinon, devenu le patron de l’association des biens français du Patrimoine Mondial, partage cet enthousiasme. Selon lui, c’est sans appel, la « Bourgogne est dans un processus exemplaire. »
Filippetti aux premières loges
Le calendrier risque de se bousculer un peu. L’association qui a porté jusque là cette candidature va poursuivre son travail dans l’attente du rôle différent, mais en tout cas important, qui lui sera attribué en cas de réussite de l’affaire. La Conférence territoriale porte en elle les germes de la commission technique permanente qui, comme son nom l’indique, rassemblera tous les techniciens (directeurs généraux des services et autres directeurs de collectivités) naturellement impliqués dans le territoire.
On peut même dire que le moral est au beau fixe et que les objections sont balayées aussi vite qu’elles arrivent. Le dossier Champagne ? « Cela n’a rien à voir » plaident-ils d’une seule voix, « l’Unesco ne classe pas des vins. La Champagne joue sur l’idée de ses maisons et des caves, la Bourgogne sur ses climats. » En tirant un peu les « verres » du nez de nos élus en croisade, on apprend aussi que le dossier bourguignon est tout près d’être présenté à l’Unesco. Aurélie Filippetti serait en mesure de s’en assurer dès la fin novembre selon François Rebsamen.
Quoiqu’il en soit, la décision finale est annoncée pour l’été 2015. Auparavant, dans environ une année, il faudra gérer la visite des experts Icomos (Conseil International des Monuments et des Sites). « Nous saurons les recevoir, comme il le faut, sans en faire de trop non plus », temporise Aubert de Villaine.
Malgré toutes les vertus qu’on prête aux uns et à l’autre (sous entendu aux experts et à la bouteille), ce ne sera quand même pas un joli flacon de romanée-conti qui influencera leur jugement. N’allez pas croire !