Après avoir enfin trouvé une entente avec le CHU pour la prise en charge des frais de désamiantage du terrain qu’elle lui rachète, la Ville de Dijon a fait un grand pas en avant dans son dossier de Cité de la Gastronomie. On en saura beaucoup plus le 2 février (ou plus tôt), avec la présentation très attendue du groupe Eiffage.
Par Dominique Bruillot
Certains projets ont besoin d’un coup de désamiantage pour avancer. Ainsi en est-il de la Cité de la Gastronomie. En votant ce lundi le rachat des terrains de l’ancien hôpital à son CHU, Dijon a en effet débloqué une situation quelque peu figée par la question de l’amiante. Dans l’ordre des choses (il en faut toujours un), c’est en effet la Ville qui doit faire sienne cette acquisition avant de la céder à sont tour à l’opérateur désigné pour la construction de la Cité tant attendue (et des 500 appartements qui vont autour): le groupe Eiffage. C’est comme ça, on y peut rien.
La perspective de cette transaction avait très tôt invité certains esprits chagrins à mettre les pieds dans le plat: le CHU, pas très bien en forme par ailleurs, n’allait-il pas être le dindon de la farce de cette affaire? Un point de vue que François Rebsamen balaye d’un trait par un simple constat: « Le prix de 14,2 millions a été fixé par les domaines ». Pas faux. Mieux (ou pire c’est selon), il a fallu pour y arriver négocier la prise en charge du désamiantage des bâtiments alors que, rappelle encore le maire de Dijon, cette charge doit en principe être absorbée par le vendeur. Prix de cette cerise (un peu pourrie) sur le gâteau: environ 4 millions d’euros toutes calories confondues.
Au bout du compte, on a fait moitié-moitié sur l’affaire de l’amiante et la cession a été actée. Seuls sont provisionnés au détriment du CHU les actes de dépollution (a priori identifiés à ce jour), qui interviendront avec la première phase des travaux.
Autre bizarrerie de ce billard à trois bandes, la variabilité des estimations. Alors qu’ils évaluent le terrain à 14,2 millions d’euros dans le cadre d’une transaction entre hôpital et collectivité, les services des domaines en donnent 13 millions lorsqu’il s’agit de faire la même opération entre la Ville et Eiffage. L’acheteur-revendeur, spectateur malgré lui de cette réglementation dont nous avons le secret dans notre pays, perd donc 1,2 millions d’euros pour avoir fait le lien… Ça fait cher le passage.
Chers gardiens
« Cela tient aux critères du projet, qui relèvent de la culture désormais », constate avec fatalité François Rebsamen, rappelant au passage que cette décision de son conseil a déjà le mérite de soulager immédiatement l’hôpital des 100000 euros (cent mille) qu’il lui faut débourser mensuellement pour le gardiennage du site. Soit 1,2 millions d’euros par an ! En matière de gestion, il est à croire que le diable se niche dans les détails. Il ne reste plus aussi qu’à brûler un cierge dans la chapelle de l’hôpital général pour faire en sorte que l’archéologie ne s’en mêle pas trop maintenant.
Cette petite gymnastique sonnante et trébuchante ne doit pas nous écarter de la finalité de toutes ces manœuvres: la bienheureuse Cité de la Gastronomie, caisse de résonnance gourmande et universelle du Repas gastronomique des Français, phare prestigieux (et tout autant universel) des Climats de Bourgogne. On en saura beaucoup plus, paraît-il, le 2 février prochain. Eiffage, armé de son PDG et de ses plus hauts représentants _n’oublions pas que le groupe, dont le nom provient de Gustave Eiffel, joue en quelque sorte à domicile_, présentera son projet dans la globalité.
Nous saurons alors, sur la globalité des 200 millions d’euros engagés, ce que représente la Cité de la gastronomie proprement dite. Nous cernerons mieux qui seront les invités à cette table prometteuse, quelle y sera la place réelle de la gastronomie. Nous connaîtrons surtout l’identité du partenaire d’Eiffage, une agence culturelle d’envergure internationale de toute évidence, qui sera le porteur de la « ligne éditoriale » de la cité promise.
François Rebsamen en profite pour réaffirmer sa volonté de ne pas impliquer les fonds de la Ville dans ce dossier qui mijote de longue date, sans perdre la maîtrise du piano du chef qu’il est dans ce dossier. « Avec Eiffage, nous décidons ensemble », maintient le maire, précisant au passage que l’intervention directe de Dijon se limitera finalement à ce qui la touche le plus en son cœur de ville inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco: la création d’un centre d’interprétation historique dans l’ancienne morgue de l’hôpital.
Une bien belle idée. On est plus sceptiques concernant le destin du Pavillon français de l’Exposition Universelle de Milan que la Ville de Dijon avait imaginé acquérir pour un montant de 3,5 à 4 millions d’euros. François Rebsamen se montre très dubitatif sur ce sujet. Surtout depuis qu’on lui a annoncé qu’avec le coût du remontage, le budget de cette séduisante opération pourrait atteindre 12 millions d’euros ! A ce prix-là, même pas en rêve, le pavillon peut rester en kit. « J’attends d’en savoir un peu plus sur la position de l’Etat, mais sans grand espoir » conclut l’élu.
Certains rêves seront toujours inaccessibles. Même au pays de l’universalité.