Elle a connu Dijon au Moyen Âge. Depuis, les deux ne se quittent plus. La maison Millière est une des plus anciennes maisons à pans de bois de la ville, et son charme opère encore sur tout le monde : Bourguignons bien sûr, mais aussi touristes, historiens, et cinéastes de bon goût…
Par Eva-Marie Debas
Rubrique Chouette secret,
avec l’Office de tourisme de Dijon
Elle veille sur la rue depuis plus de cinq siècles. Malgré de nombreuses infortunes, la pittoresque maison rue de la Chouette a traversé le temps pour offrir aujourd’hui un service de restauration typiquement bourguignon. Classée « monument historique » depuis 1943, elle est aussi l’une des dernières à restituer l’aspect originel des « villes de bois », où le colombage était roi. Chouette témoin.
La maison voit le jour en 1483. À l’époque, Guillaume Millière et son épouse Guillemette Durand, artisans drapiers originaires de Beaune, deviennent propriétaires d’une bicoque au 10 rue de la Chouette. Ils décident alors de la détruire pour en édifier une plus grande. Le couple adressera tout de même à la Ville une supplique pour une réduction d’impôt, dont l’original est conservé aux Archives Municipales. À quelques décennies près, il aurait sûrement pu trouver de l’aide auprès de son arrière-petit-fils, qui fut vicomte maïeur de Dijon (l’équivalent de maire) de 1571 à 1575. Anecdote mise à part, cet emplacement fut parfait pour les deux marchands. Ils firent prospérer leur commerce pendant des années.
Nouvelle vie en 1998
Des fondateurs, la Maison Millière ne garde aujourd’hui que le nom, et un écusson sculpté dans la pierre, où un lion protège leurs initiales enlacées. À l’époque, seuls les hommes d’Église étaient lettrés. Aux numéros de rue, on préférait donc les représentations graphiques qu’il fallait interpréter.
Plus tard, la maison passe entre les mains d’autres marchands et artisans. Elle résiste aux siècles, malgré des arrêtés municipaux interdisant la rénovation des maisons en bois (celles-ci étant trop souvent la cause d’incendies dans la ville). Face au manque d’entretien et au capricieux climat dijonnais, ses poutres multi-centenaires tiennent le choc. Jusqu’à une nécessaire fermeture pendant des décennies. Elle est finalement rénovée en 1927, et se mue en entrepôt d’une quincaillerie.
En 1998, une seconde restauration donne une nouvelle vie au bâtiment. Un an de travaux réalisés par des maîtres compagnons, sous l’oeil tendre et avisé d’un couple d’artisans passionnés, Lydia et Jean-François Lieutet. L’établissement est encore aujourd’hui tenu par ces amoureux de l’art, qui proposent un salon de thé, une restauration traditionnelle et une boutique d’objets artisanaux, dans l’enceinte même de ce qui servait d’échoppe jadis.
Que dis-je une maison, une péninsule !
La Maison Millière doit son charme à son architecture de la fin du Moyen Âge. Ses arcades gothiques en anse de panier, son banc de pierre, ses ornements et ses colombages en croix de Saint-André fascinent à coup sûr les passionnés d’histoire. De plus, la chouette et la salamandre ne sont pas les seuls animaux de la rue… Juchés sur le toit, un chat noir en étain et un hibou grand-duc en céramique participent au rituel. Paraît-il qu’il ne faudrait pas regarder le chat après avoir touché la chouette, car il pourrait nuire aux vœux. Le grand-duc, lui, serait là pour assurer l’envoi du message vers le ciel… La Maison Millière est superstitieuse.
Et célèbre, aussi ! Comme l’abbaye de Fontenay et l’hôtel de Vogüé, elle fut un lieu de tournage de Cyrano de Bergerac, de Jean-Paul Rappeneau (1990). En vérité, une seule courte scène fut tournée devant la façade, où Cyrano court après Roxanne. Mais peu importe la durée d’apparition, Dijon reste fier d’avoir servi de décor à un film « césarisé », que beaucoup considèrent, à raison, comme un chef d’œuvre. Puis, Gérard Depardieu et Anne Brochet se sont peut-être assis sur le banc de pierre…
La Maison Millière
10, rue de la chouette, à Dijon
www.maison-milliere.fr
03.80.30.99.99