Ce que les Hospices de Beaune doivent à Antoine Jacquet

Sans faire de bruit, Antoine Jacquet incarnait l’esprit solidaire insufflé par Nicolas Rolin et Guigone de Salins. La disparition brutale de l’emblématique directeur des Hospices laisse un grand vide et bien des interrogations pour la suite. Alain Suguenot et Albéric Bichot, respectivement maire de la ville et premier acheteur de la Vente, rappellent qui était vraiment leur ami…

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Par Michel Giraud
Pour Dijon-Beaune Mag

Photo : Michel Joly

Discrètement, le petit panonceau barré de son nom devrait bien figurer à la tribune de la 156e Vente des vins des Hospices de Beaune, le 20 novembre prochain sous les Halles la ville. Alain Suguenot y tient. Mais Antoine Jacquet ne sera pas là. Il s’en est allé le 16 octobre dernier, à l’autre bout du monde, en Chine. Il faisait là-bas ce qu’il aimait par-dessus tout : promouvoir l’institution qu’il dirigeait depuis 1998. L’hommage sera discret, à l’image de l’homme. « Antoine n’aimait pas être mis en avant », rappelle le député-maire de Beaune. Franc-comtois d’origine, le directeur d’hôpital était la figure de proue de l’un des plus symboliques domaines viticoles de Bourgogne. « On va continuer sans lui, pour lui, mais il nous manque terriblement » soupire Alain Suguenot. Son successeur ne devrait pas être nommé « avant six mois ». Il devra faire fructifier le travail d’un homme auquel les Hospices doivent beaucoup. Hommage.

Le bâtisseur

« Nous n’avions pas besoin de parler pour nous comprendre, dit avec pudeur Alain Suguenot. Nous avions fait nos études ensemble. Outre sa famille, il consacrait sa vie à l’institution. Il veillait avec une rigueur et une intelligence très vive sur les 1 600 personnes qui travaillent dans toutes les entités qui constituent les Hospices de Beaune. Il aimait dire : « je ne suis que de passage ». Il savait qu’il dirigeait un hôpital unique en son genre, au fonctionnement atypique, à l’héritage exceptionnel. Il avait cette capacité à mêler le respect de l’histoire, de la tradition hospitalière beaunoise à la construction d’un hôpital de progrès. Nous perdons un homme brillant, un bâtisseur sans cesse tourné vers l’avenir. »

Le visionnaire

« Il a piloté de main de maitre la refonte du Centre Nicolas Rolin il y a trois ans » poursuit Alain Suguenot. Ce site abrite notamment l’Établissement d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes, l’Unité de soins de suite et de réadaptation pour adultes ou celle de prise en charge des malades d’Alzheimer. « Le nouvel hôpital dans lequel nous sommes en train d’injecter 50 millions d’euros, c’était aussi son ouvrage. C’est encore avec lui que nous avons imaginé le nouveau pôle IRM, que beaucoup de villes plus importantes nous envient. C’est toujours avec Antoine que nous avons mesuré l’importance de créer le centre d’autodialyse dont Beaune sera bientôt doté. »

© Jean-Luc Petit
Alain Suguenot était un ami très proche du directeur des Hospices © Jean-Luc Petit

Le fidèle

 « Il était extrêmement attaché aux Hospices de Beaune dans leur particularité, dit encore de lui l’édile, par ailleurs président de l’institution. Lorsque fut évoquée la création d’un groupement hospitalier territorial (GHT) dans lequel nous aurions dû être rattachés au CHU de Dijon, il est monté au créneau à mes côtés pour demander une dérogation auprès de la Ministre. Nous ne voulions pas entrer dans un mastodonte. Nous voulions continuer de faire vivre notre propre GHT, celui du sud de la Côte-d’Or. Un fonctionnement à taille humaine, au plus près d’un territoire qui s’étend de Nuits à Beaune, d’Arnay-le-Duc à Seurre, où les attentes des 120 000 habitants sont fortes. Antoine ne voulait pas galvauder tout le travail accompli. »

Le pari Christie’s

« Il avait eu le courage de ce souffle nouveau, se souvient Alberic Bichot, de la maison Albert Bichot, acteur incontournable de la vente, devenu au fil des rencontres ami d’Antoine Jacquet. La tradition voulait que le commissaire-priseur de Beaune dirige la Vente des vins. En 2005, il a bousculé l’ordre établi en faisant un véritable appel d’offres. Il a révolutionné le fonctionnement de la vente. Christie’s est arrivée. Cela aurait pu être une autre grande maison. Mais au final, à travers cela, Antoine a participé à un véritable élan dans le rayonnement international de l’événement. À l’époque des dents ont grincé, mais force est de constater aujourd’hui que cela aura été un vrai plus ».

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Albéric Bichot, plus gros acheteur de la Vente, rend hommage à Antoine Jacquet. © Jean-Luc Petit

L’audacieux

« Que dire aussi de l’arrivée de Ludivine Griveau, poursuit Alberic Bichot. Dans un monde que certains qualifient parfois de machiste, il a eu l’audace de confier les rênes du domaine des Hospices à une femme, à une jeune femme dirais-je même, qu’il savait compétente et talentueuse. Sous son classicisme apparent, il était réellement novateur. Il gérait l’hôpital au quotidien, une grosse machine qui lui prenait énormément de temps. C’était son métier premier. Ce n’était pas à la base un homme du vin. Il l’était devenu, et jamais il n’oubliait le domaine, avec beaucoup de respect pour le travail des hommes et des femmes. »

Le bienfaiteur

« Ces dernières années, rappelle enfin Albéric Bichot, il donnait de plus en plus de sa personne en allant, avec les équipes de Christie’s, promouvoir lui-même la vente à l’étranger. Il répétait sans cesse que c’était pour l’hôpital, pour la bonne cause. N’oublions pas qu’en toute discrétion, il a continué d’attirer de nouveaux bienfaiteurs. Ces dernières années, grâce à lui, de nouveaux legs sont venus agrandir le domaine des hospices. Au moins quatre nouvelles cuvées ont rejoint une liste déjà longue, je pense au chablis 1er cru, au saint-romain, au pouilly-fuissé. Il était à la manœuvre pour accroitre le cercle des donateurs, et ainsi poursuivre fidèlement l’œuvre de Nicolas Rollin et de Guigone. »