Moins prestigieuse (et bien moins chère) que sa rivale du Périgord, la truffe dite de Bourgogne ou de Champagne (Tuber uncinatum) mérite tout autant l’attention des amateurs de nature et de gastronomie. Haut lieu de cette « truffe grise », le terroir haut-marnais s’organise pour faire découvrir au plus grand nombre, du 2 au 4 décembre, les secrets de ce trésor enfoui dans les bois des pays de Chaumont, Langres ou Joinville.
Par Nadège Hubert
Pour Bourgogne Magazine N°51
Photos : Maison départementale du tourisme de Haute-Marne
Discrète, la Tuber uncinatum n’est une vedette comme sa cousine du Sud-Ouest, mais c’est bien de cette sombre pépite au goût de terre et de noisette que l’on se régalait aux tables parisiennes du XIXème siècle. Délaissée pendant un temps, la truffe grise revient peu à peu sur le devant de la scène. Plus précoce que la périgourdine, la truffe de Champagne (ou de Bourgogne, c’est selon, les deux régions s’arrogeant l’appartenance d’un champignon qui n’a cure des frontières administratives), disons la truffe grise pour ne froisser personne, présente également l’avantage d’entrer en symbiose avec une grande diversité d’arbres.
« Pour que la truffe s’épanouisse, il faut plusieurs essences d’arbres et impérativement un arbre fruitier au moins. Il faut aussi un sol pauvre et caillouteux », précise Jean Genevois, ancien chef de cuisine du Terminus Nord de Chaumont, qui voue une passion à la truffe de Haute-Marne. Les noisetiers, charmes, hêtres, pins noirs, tilleuls et autres fruitiers lui permettront de prospérer à condition que l’emplacement bénéficie d’une bonne exposition au soleil.
Cachée à quelques centimètres sous terre, la pépite arrondie et bosselée passe inaperçue aux yeux du néophyte. Bien que son parfum soit reconnaissable, il faut un nez entrainé pour déceler la trace olfactive menant au bon filon. Depuis longtemps, le groin des cochons a cédé la place aux truffes des chiens dressés au cavage. Contre une petite récompense, le meilleur ami de l’homme devient un chasseur délicat indispensable. Jean Genevoix l’a bien compris et compte sur la collaboration de ses labradors pour dénicher l’objet de tant de convoitise.
Nature, en assaisonnement seulement
Bien que la récolte s’étende de septembre à mars, les trufficulteurs confirment que la période la plus favorable prend fin en décembre. En cuisine, la truffe grise peut ensuite se conjuguer de mille façons, avec de la volaille, du gibier ou du foie gras notamment. Mais toujours crue, nature : « Il ne faut surtout pas la cuire car elle perdrait son goût. La truffe grise se cuisine en assaisonnement, râpée par exemple, pour que sa saveur de sous-bois et de noisette imprègne le plat. » Jean Genevois ne manque pas de souligner la capacité de la truffe à embaumer toute une cuisine. Plus surprenant, la saveur de la truffe grise peut aussi servir de base à une glace ou se marier aux saveurs du chocolat.
Pour profiter de l’intensité gustative de la truffe grise, il faut certes y mettre le prix, (entre 200 et 400 euros le kilo selon la qualité et la saison), mais on est loin des sommets de sa rivale du Périgord (jusqu’à 1 500 euros le kilo). À ce tarif, la truffe grise demeure un plaisir ponctuel tout à fait accessible : une truffe de quelques grammes simplement râpée sur une omelette ravira la tablée sans la ruiner… un joli petit goût de fête en prime.