C’est un événement fort pour Dijon : Jean-Pierre Billoux va se retirer des fourneaux après une carrière exemplaire, laissant à son successeur le soin d’apporter la signature de Georges Blanc dans son futur ex-établissement Le Pré aux Clercs. Petite mise en bouche pour de grands changements programmés !
Par Dominique Bruillot
Au mot chef, nous avons toujours préféré celui de cuisinier. Ce mot évoque l’artisan, celui qui sait, celui qui fait. Celui qui, plutôt que de faire l’esbroufe, avec une communication « tintamaresque » et futile comme on la pratique désormais, préfère partager sa passion et sa vision de sa cuisine dans la simplicité. À l’ancienne, au nom du goût et des choses de la vie.
Jean-Pierre Billoux est de cette veine. Pour avoir échangé régulièrement avec lui autour de ses plats, nous le confirmons, la main sur le cœur. À l’âge de 71 ans, après près de six décennies de pratique derrière lui (on commence tôt dans ce genre de métier), sa passion est intacte. Il prend autant de plaisir à réinventer et « orientaliser » un plat de poissons d’eau douce qui lui rappelle le Digoin de ses origines gourmandes que concocter, dans les règles de l’art, un menu grand siècle digne de sa table.
Ce beau et bon cuisinier prend sa retraite. Lui et son épouse « MF », indéfectible gardienne du temple dijonnais qu’est Le Pré aux Clercs, ne l’auront pas volé. Et la bonne nouvelle, c’est que l’affaire ne se fera pas n’importe comment, surtout pas dans la précipitation, mais avec un projet mûrement réfléchi qui continuera à faire de la place de la Lib, the place to be quand on veut manger bon et croire encore aux valeurs de la Bourgogne.
La Lib by Georges
Dans les prochains jours, les signatures seront apposées car les deux hommes ne reviendront pas en arrière sur leur entente : Jean-Paul Madaleno reprendra les rênes du Pré aux Clercs et du B9 voisin, après avoir tenté en vain d’autres emplacements sur Dijon. Une providence pour la ville et une belle façon pour le cédant de tirer sa révérence.
Les travaux seront rapidement menés, car la nature a horreur du vide. Un nouvel établissement verra donc le jour, sans doute dans un esprit brasserie de haut niveau, à la lyonnaise, car il portera en lui la signature du triplement étoilé bressan Georges Blanc.
L’acquéreur a déjà expérimenté cette cohabitation avec Georges Blanc au Terminus à Chalon-sur-Saône. La table astucieusement nommée By Georges est une réussite. Elle rappelle que la cuisine est placée sous l’autorité bienveillante de l’infatigable grand cuisinier de Vonnas dans l’Ain (aîné de trois ans de Jean-Pierre Billoux faut-il le rappeler), tout en étant gérée de manière autonome sur place, pour un positionnement qualitatif sans être exclusif.
Formule dijonnaise différente
À Dijon, la formule devrait être différente. Elle pourrait s’apparenter à la brasserie lyonnaise Le Centre By Georges qui connaît un grand succès dans la capitale des Gaules. Au final, c’est la capitale de la Bourgogne-Franche-Comté qui fait le pli, renforçant ainsi le positionnement gastronomique de la plus symbolique de ses places, non pas royale mais ducale.
Depuis la fenêtre de son bureau, François Rebsamen aura donc désormais le loisir de vanter les mérites gustatifs de sa ville, avec deux grands noms de la cuisine mondiale dont les pianos se touchent pratiquement : Blanc et Loiseau (∗). En bons voisins, leurs petites notes ne manqueront donc pas d’alimenter harmonieusement la partition plus que jamais attendue de la future Cité de la Gastronomie et du Vin.
(∗) Loiseau des Ducs, 3 rue Vauban, est le voisin immédiat du Pré aux Clercs.