Eric Pras et Jocelyne Pérard co-présideront le Comité d’Orientation Stratégique de la future Cité Internationale de la Gastronomie et du Vin de Dijon. Le seul 3 étoiles bourguignon et la présidente de la seule chaire Unesco consacrée au vin dans le monde guideront le destin culturel d’un complexe dont certains acteurs seront dévoilés ce mardi en présence d’un « convive » prestigieux : François Hollande en personne.
Par Dominique Bruillot
L’étau se resserre enfin autour du projet culturel de la Cité Internationale de la Gastronomie et du Vin. Il aura fallu la visite (presque) surprise du président de la République, en ce premier jour de printemps, pour lever le voile sur quelques aspects majeurs de cet immense chantier tant gastronomique qu’urbanistique. Au-delà des 250 millions d’euros qu’il est censé injecter dans l’économie locale, son premier défi sera de se montrer digne du statut revendiqué de temple mondial des arts de la bouche.
Alors, sans mettre plus que ça les petits plats dans les grands, avant même de connaître ce fameux et très attendu menu culturel qui sera progressivement servi au public par les porteurs du dossier, François Rebsamen a invité François Hollande à sa table dijonnaise. Le temps de lui faire la lecture des suggestions du moment.
Deux présidents, une orientation
En premier lieu, pour gouverner, il faut une gouvernance. Celle-ci a été confiée à Eiffage. Depuis qu’il a remporté en 2014 l’Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI), le groupe bâtisseur a l’obligation de « s’entourer d’acteurs culturels et touristiques de renom ». Cela vaut surtout pour le comité d’orientation stratégique, dont la lourde responsabilité sera de « fixer les grandes orientations des espaces culturels et définir la charte des valeurs, dans le respect des deux labels Unesco ». Entendez par là, le Repas gastronomique des Français et les Climats de Bourgogne.
Les co-présidents de ce COS sont donc bien choisis. Ils sont Bourguignons, ouf ! L’un est le dernier chef à avoir conservé ses trois étoiles au Michelin dans la région, l’autre, Côte-d’Orienne de naissance, préside la seule chaire Unesco consacrée au vin dans le monde, implantée qui plus est sur le Campus de Dijon. Eric Pras (Lameloise à Chagny) et Jocelyne Pérard ont mis leur réputation en jeu dans l’affaire, posant il est vrai, les bases d’une légitimité bourguignonne rassurante pour les observateurs locaux.
Leur mission ? Valider en premier lieu les expositions permanentes et temporaires qui animeront les 1700 m2 prévus à cet effet. Ils devront aussi travailler en bonne intelligence avec les deux acteurs opérationnels choisis par Eiffage : S-Pass, un groupe animateur de 70 sites dont le Zénith de Dijon ; Abaque, une agence spécialisée dans les parcours muséographiques et l’ingénierie culturelle, réalisatrice entre autres choses de l’exposition temporaire « À table » au Palais de la découverte à Paris.
Ferrandi, cinémas et librairie gourmande
Pour le reste, quelques bonnes nouvelles éclaircissent l’horizon des belles promesses de la Cité Internationale de la Gastronomie et du Vin. Ferrandi, dont on connaissait déjà la venue, affine son projet, annonçant qu’elle occupera 750 m2 pour recevoir 110 étudiants et développer des formations courtes. Le Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB), par ailleurs très engagé dans le développement de la Cité des vins de Beaune, se réserve 70 m2 à Dijon pour y animer des ateliers et des activités œnotouristiques. C’est déjà un grand pas en avant et une façon noble, pour l’institution viticole beaunoise, de prendre pied en douceur à Dijon.
Le Ciné-Ducs et le Supernova, libérés de toute contrainte, promettent désormais de faire cohabiter art et essai et cinéma généraliste dans un multiplexe réunissant 13 écrans et plus de 2 000 fauteuils, « love fauteuils » et nouvelles technologies compris. À quand donc, le premier vrai festival du film gourmand ?
La petite nouveauté vient de Paris, avec l’annonce de la création in situ d’une petite sœur de la Librairie gourmande, présentée comme la plus « ancienne et importante librairie dédiée à la gastronomie et à l’œnologie dans le monde ». Il sera malgré tout intéressant, une fois installée, de la confronter à une autre référence dans le domaine, l’Athenæum à Beaune. Mais en la matière, personne ne s’en offusquera, abondance de biens ne nuit pas, bien au contraire.
Hilton arrive à Dijon
Il conviendra aussi de resituer cette partie gourmande dans un ensemble qui couvre 6,5 hectares dans sa globalité et porte en lui de sérieux enjeux urbanistiques. La transformation d’une partie des bâtiments de l’ancien hôpital général en hôtel Hilton 4 étoiles de 125 chambres, ne manquera pas à ce titre de susciter l’intérêt.
Nous parlons ici des extensions datant des XVIIe et XVIIIe siècles, au sud du site. Par le biais d’un contrat de franchise, le groupe Naos exploitera le prestigieux complexe et encadrera par la même occasion la stratégie d’implantation du géant hôtelier américain, déterminé à muscler sa présence en France où il ne compte pour l’instant « que » 8 établissements.
La directrice marketing et innovation de Naos, Christine Reverchon, promet en tout cas qu’il « s’intégrera dans la Cité » et que ce sera « un projet ambitieux, international, pour lequel (nous nous) attachons à respecter les valeurs de la ville de Dijon, l’écocitoyenneté, le tourisme dans un lieu qui ne sera pas simplement un hôtel mais un lieu de vie convivial. » Du bloc opératoire au spa, quel beau challenge !
Écoquartier en devenir
La partie immobilière du projet global de la « Cité » (ndlr : par facilité, on ne va pas, à chaque fois, reprendre l’intégralité du libellé officiel), qui n’est pas de la moindre incidence, va aussi permettre à 90 foyers bienheureux d’intégrer les futurs appartements de la partie historique de l’hôpital, réhabilitée par le groupe François Premier, autour de la Cour de Jérusalem.
Elle trouvera surtout consistance dans l’écoquartier qui occupera le reste de l’espace reconverti, intégrant, outre quelques centaines de logements en accession et à loyer modéré, trois résidences (étudiants, séniors et touristes) et un espace boisé classé de plus de 3 000 m2. Pour faire court, un bien bel écrin vert et des lits pour tous vont embrasser la « Cité ».
Au plus près des bâtiments, on sera enfin très à l’affut de ce que le Village by CA (CA comme Crédit Agricole), donnera. La banque prévoit d’en faire une quinzaine de ce type en France, créant les conditions d’un « écosystème dans lequel se rencontrent les startups et les grands groupes, le privé et le public. » Autrement dit, en Bourgogne, tout ce qui gravite autour du pôle Vitagora et du réseau Foodtech. C’est un peu moins glamour que les madeleines de Proust procurées par les tartes de mémé, mais ça nous propulse dans l’avenir de notre nutrition. Ben oui, les dégustations, ça ne fait pas tout !