Congrexpo, organisateur historique du Salon des antiquaires, ne cachait plus sa tentation de lâcher cet événement pourtant historique à Dijon. Une entente a finalement été trouvée avec les professionnels. Patrick Damidot, co-fondateur avec Jérôme Henry de l’association Dij’Antik, donne rendez-vous aux chineurs du 20 au 25 mai, pour une 45e édition restaurée dans son jus originel. Comme l’exige toute bonne pratique du métier d’antiquaire.
Propos recueillis par Dominique Bruillot
Pour Dijon-Beaune Mag #64
Photos : Christophe Remondière
Dijon-Beaune Mag : C’est quoi un antiquaire à Dijon aujourd’hui ?
Patrick Damidot : Dijon était une ville florissante sur ce marché, comme en témoigne encore le quartier des antiquaires. On a moins de clients qu’auparavant, c’est une réalité liée à un problème de culture générale car on aime toujours ce que l’on connaît. Quand on n’a pas été formé à ça, on n’a pas d’intérêt à ça. Les couples se font et se défont, les gens déménagent plus souvent pour des raisons professionnelles, ils ont moins cette culture de la maison dans laquelle on vit toute sa vie. C’est pourquoi notre métier est porté par un devoir pédagogique.
Comment inciter chacun à venir vous voir ?
Tout n’est jamais complètement noir, ni complètement blanc, il y a quand même une population intéressée. On a une vocation éducative, vis-à-vis des jeunes, que l’on peut aider au départ avec des petits crédits par exemple. Leurs goûts s’affinent ensuite, on les accompagne.
Un antiquaire, c’est peut-être trop l’image du passé ?
Il y a une véritable modernité dans ce métier. Certaines choses qui étaient dans l’air du temps il n’y a pas trente ans, peuvent devenir des antiquités. Même si du point de vue fiscal, un objet d’antiquité doit avoir un siècle d’âge, la réalité est autre. L’art décoratif de Nancy, les vases de Gallé étaient quantités négligeables pour quelqu’un comme mon père, il y a 60 ans. Aujourd’hui, ce sont des références.
Qu’est-ce qui, dans notre environnement actuel, pourrait prendre le même chemin ?
La difficulté pour le savoir, c’est qu’il y a beaucoup de rééditions, à l’image de Tolix. C’est bien, mais ils continuent à fabriquer leurs chaises et sont copiés. Cela pourra difficilement prendre une vraie valeur car la rareté n’est pas entretenue.
Il faut donc être en péril pour avoir de la valeur ?
Les antiquités du XVIIIe ou du XIXe siècles ont traversé des révolutions, affronté des incendies. Refaire une commode en marqueterie datant de Louis XV, ça coûte aussi cher qu’à l’époque. C’est donc bien la rareté qui en fait le prix. Sur le contemporain, la réédition fournit la demande autant qu’on en veut.
D’où vient votre ADN d’antiquaire ?
Il est familial, je ne sais rien faire d’autre. Je suis la troisième génération rue des Forges, un choix assumé très jeune. J’ai repris la boutique en 75, j’avais 24 ans, c’est ma maison et j’aime ça. Non seulement j’ai pu choisir, mais je n’ai pas l’impression d’aller au boulot. Le problème de ce métier c’est le stress, financier notamment.
Ah bon, vous prenez des risques ?
Bien évidemment. Quand il faut acheter une collection par exemple, il faut aller voir sa banque. La frustration de ce métier c’est qu’il faudrait être capable d’acheter tout le temps sans jamais avoir besoin de vendre. Ceci dit, j’aime les objets et les trouver. Chaque fois que j’en achète un, je le mets dans la voiture, je le regarde et je me dis : « Tu es fou d’avoir acheté ça ! ».
Pourquoi le monde des antiquaires a-t-il repris la main sur le Salon des antiquaires ?
L’organisateur voulait arrêter ce salon qu’il ne jugeait pas rentable. Avec quelques confrères nous avons travaillé sur des solutions possibles. Ce salon a quarante-quatre ans d’existence derrière lui, il fallait qu’il continue. Jérôme Henry pensait comme moi, nous avons ensemble créé Dij’Antyc, l’association qui va l’organiser sur six jours du 20 au 25 mai.
Le cahier des charges va-t-il changer ?
Non, on va continuer à sélectionner les exposants mais sans peine car on a eu très vite des retours favorables. On le fait un peu moins long, ce qui correspond à un souhait général et un peu moins grand, tout en restant dans l’esprit de ce qui a été fait auparavant.
Qui vient ?
Les collectionneurs et acheteurs viennent en principe le premier jour, ils ne veulent pas manquer l’objet convoité. D’autres viennent faire une promenade éducative ou bien se promènent avec des pièces qu’ils veulent faire estimer. D’ailleurs un expert peut délivrer sur place des certificats à la demande.
Et côté exposants ?
Les gens viennent de Bourgogne-Franche-Comté mais aussi de Lyon, voire de Bretagne comme pour les objets de fouilles… Il y aura toujours des nouveautés à trouver et de quoi chiner. Notre métier a encore de l’avenir, la vie est un balancier, je suis persuadé qu’il reviendra en force.