L’acquisition par une Chinoise de la Pièce de charité des Hospices de Beaune n’est que la pierre qui masque la mine de jade. En réalité, les Chinois, attirés par le luxe dont se parent les vins de Bourgogne, ont sauvé en partie le bilan de cette saison touristique en Côte-d’Or. On mise aussi beaucoup sur Alésia par ailleurs.
En drainant 4 touristes sur 10 dans la Région, le département de la Côte-d’Or demeure le moteur bourguignon en la matière. On se console comme on peut. En réalité, les statistiques qui courent de janvier à septembre, révèlent une saison « maussade », de l’aveu répété du président de Côte-d’Or Tourisme Jean-Pierre Rebourgeon.
Ce phénomène fait écho a un mal français. Alors que l’Europe progresse dans son ensemble, l’Hexagone, pourtant si fier de sa première industrie, attire moins de visiteurs étrangers. En interne, les classes moyennes et les classes aisées continuent à voyager, mais dépensent moins. « Les gens recherchent la gratuité dans les sites », constatent les professionnels. Une tendance qui pèse aussi sur la baisse des nuitées dans l’hôtellerie : 31 000 de moins que l’année dernière en Saône-et-Loire, 20 000 dans l’Yonne et, à moindre mal, 7 800 de perdues en Côte-d’Or. Le temps de chien du printemps a fini de plomber les comptes.
A moindre mal malgré tout, parce que sans les Chinois, le bilan aurait été sérieusement noirci. Napoléon l’avait dit bien avant Peyrefitte : quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera. Le continent asiatique a donc débarqué de manière spectaculaire sur la Côte viticole. Ce tsunami touristique se traduit par 30 000 nuitées supplémentaires dans les hôtels de la côte viticole, principalement. On s’attend aussi à ce que d’autres pays émergents, comme le Brésil et la Russie, renforcent les mutations en cours d’un marché hôtelier qui approche 2,8 millions de nuitées sur l’ensemble de la Bourgogne. Si les Belges ne boudent pas la destination et conservent leur rang de leaders, avec près de 120 000 nuitées en Côte-d’Or, c’est bien le côté brillant des grands vins, porté par la rareté des récents millésimes, qui bouscule la donne. Les nouveaux riches Chinois – il y aurait plus de millionnaires en Chine que d’habitants en France, faut-il le rappeler ? –, aiment ce qui brille. Le bourgogne, c’est le Vuitton de la dégustation, le Chanel du « géosensoriel », la Rolls de l’art de vivre. En plein dans la cible.
Conclusion : on a beau expliquer ces résultats par le « tassement des grands chantiers, l’effet de crise », dixit Pascale Lambert, directrice de Côte-d’Or Tourisme, ou encore l’âge du capitaine, le public visé a changé. Et pour le fidéliser, rien ne remplacera le voisin de pallier, celui qui, bien que non directement concerné par le destin économique du secteur touristique, dira au voyageur de passage que la région est formidable, que la Bourgogne saura l’accueillir, qu’une poignée de mains n’est pas sans lendemain. Bref, que la Bourgogne est formidable.
Alésia, une victoire ?
Formidable ? Les grands sites le sont. Ils ne souffrent pas de la crise lorsqu’ils sont imaginatifs. Le grand chantier de rénovation du Musée des Beaux Arts, tout comme le vénérable Jardin des sciences, ont attiré 70 000 visiteurs de plus que l’année dernière sur Dijon. Ils sauvent, tout comme nos Chinois vénérés, la face meurtrie d’un secteur touristique mi-figue, mi-raisin par ailleurs. Si l’Hôtel-Dieu de Beaune maintient son niveau d’attractivité, le Pays beaunois qui l’entoure perd 2 500 visiteurs. Vézelay, désormais soumis à des contrôles fiables, chute aussi en fréquentation (86 000 visiteurs en moins). En Côte-d’Or, deux des plus beaux villages affichent des situations différentes. Flavigny-sur-Ozerain croule sous les visites (+31%), « boosté » il est vrai par l’effet Alésia. Le château de Châteauneuf-en-Auxois, dans un village pourtant toujours aussi fréquenté au dire des professionnels de la place, attire moins de monde. Pauvre de lui, il est payant. Aujourd’hui, crise aidant, on veut bien profiter du paysage, s’offrir l’argument culturel qui va avec, mais pas payer les suppléments de visite.
Dans les étendues sauvages du nord de la Côte-d’Or, Alésia ressemble à l’Ovni touristico-culturel sur lequel tous les regards se fixent. Ce lieu de défaite gagne petit à petit sa bataille. De 140 000 visiteurs en l’an 1 après FS (entendez François Sauvadet, président du Conseil Général et promoteur du projet), le Muséoparc franchira la barre des 100 000 visiteurs cette année. « Une baisse qui n’a rien de vraiment surprenant », tient à préciser Laurent de Froberville, son directeur, « il est habituel de constater que les projets de cette ampleur, une fois l’effet nouveauté dépassé, peuvent chuter en fréquentation de l’ordre de 15 à 30% l’exercice suivant. » L’enquête menée auprès de 2 000 visiteurs semble, au contraire, rassurer les opérateurs. Marc Frot, président de la SEM gestionnaire, estime en effet qu’un juste dosage entre la dimension ludique du site et son apport culturel sera la potion magique qui conduira Alésia à son vrai rythme de croisière. Sur le terrain de la pédagogie, comme dirait César, il y a bien de la marge de manœuvre. 70% des gens seraient en effet persuadés, avant de s’y rendre, qu’on célèbre ici la victoire de Vercingétorix. On en reste genoux à terre.