Sans publicité et avec la fébrilité d’une ouverture ambitieuse, la brasserie Le Pré aux Clercs By Georges a effectué son premier service ce jeudi. « L’esprit Blanc » a bel et bien pris place face au Palais des ducs de Dijon. Georges Blanc y était, nous aussi.
Par Dominique Bruillot
Photos : Jonas Jacquel
« Sans passion, pas d’élévation ! » Ce sera sans doute, parmi d’autres déjà visibles, l’une des prochaines citations imprimées sur les murs de la nouvelle brasserie Le Pré aux Clercs By Georges Blanc, en référence au chef qui drive, au sens strict du terme (il n’est pas l’investisseur), la cuisine de cet établissement refondateur de l’esprit de la place de la Libération.
Jeudi 27 juillet, à la surprise de beaucoup, le lieu a ouvert au public. Avec un succès évident puisque le personnel fraîchement constitué (un savant alliage d’anciens de la maison Billoux et de recrutements) a même dû freiner les ardeurs et refuser de servir plus… afin de servir mieux.
Les temps ont changé
Le Pré aux Clercs et son clone le B9 ne sont plus : vive Le Pré aux Clercs version Jean-Paul Madaleno ! Nous avons déjà eu l’occasion de suivre la transformation annoncée (et inéluctable) de ce temple historique de la cuisine dijonnaise, longtemps dévolu au jugement suprême du guide Michelin, qui lui accorda avec raison son étoile. Mais aujourd’hui, les temps ont changé. Sous l’impulsion d’un entrepreneur lucide, il est devenu une grande brasserie à la lyonnaise. Autres temps, autres mœurs, on peut aussi s’en réjouir.
Les Dijonnais et les touristes de passage ont apprécié la nouvelle grande terrasse (une centaine de couverts), qui fait désormais la devanture d’une table pragmatique et résolument attractive. Au piano, le chef maison a fait son apprentissage à Vonnas, dans le 3 étoiles de Georges Blanc, avant de prendre pied à Dijon. « Sa carte est cadrée mais il a toute liberté pour alimenter la proposition du jour ! ».
Car telle est la règle du jeu entre le grand chef médiatique et le propriétaire de l’établissement, qui a voulu donner à la « place de la Lib », un espace vivant où la bonne chère se savoure à l’envi, sans trop de chichi, avec une cuisine 100% « l’Esprit Blanc » (c’est un concept assumé), « de qualité et conviviale ».
Ticket d’entrée, 14 euros
Concrètement, le plat du jour est à 14 euros. En ce jour J, une cannette avec une sauce au cassis dont nous avons personnellement apprécié l’unité et la vivacité, loin du « plâtras » épais auquel cède souvent ce genre de plat. En entrée, pour quelques euros de plus, un croquant de légumes sauce Epoisses qui rappelle volontiers que l’acidité est source d’excitation… surtout quand elle est bien maîtrisée.
Surtout, c’est à l’intérieur que cela se passe. En regroupant les deux tables historiques dans un seul tenant, sous la conduite de l’architecte de la chaîne des brasseries Blanc (9 établissements entre Rhône-Alpes et Bourgogne), Jean-Paul Madaleno a eu le nez fin : Dijon a désormais sa vraie brasserie à la lyonnaise, digne d’une métropole qui se revendique en tant que telle.
Sobre et jouissif, jouant sur des tons chaleureux et vivants, l’établissement ouvre directement sur la place, avec un espace large et accueillant. Il est pleinement acteur de son environnement, propice à une rencontre gourmande et amoureuse autant qu’à un rendez-vous d’affaires, avec un atout qui appartient évidemment au champ de compétences de son promoteur : le vin. Si Jean-Paul Madaleno a su déléguer de manière habile la gestion de la partie cuisine au chef Blanc, il apporte avec lui à Dijon son expertise des grandes bouteilles de la Bourgogne.
Grands noms du vin
Exploitant par ailleurs le Caveau de la Tour à Meursault, créateur avec succès d’une formule similaire à Chalon-sur-Saône (Le Saint-Georges by Georges), ses allocations inédites et exceptionnelles sur la place dijonnaise ont de quoi séduire les amateurs éclairés que Dijon cherche à fidéliser. Des grands noms du vin comme Ramonet, De Montille, Bruno Colin, Jean-Marc Roulot et autres ont leurs lignes dans la carte des vins. Avec l’assurance, en soutien, que ces belles bouteilles seront disponibles à toute heure (le principe même d’une brasserie), sans en passer par un cadre élitiste et pompeux.
Sans doute avons-nous là le début d’une nouvelle ère gourmande, sincèrement bourguignonne, face au Palais des ducs. On vous le confirmera avec le temps.