À Beaune, les Papillons Blancs œuvrent pour favoriser l’insertion sociale par le travail. L’Entreprise Adaptée Viticole en fait la démonstration chaque jour : les personnes en situation de handicap sont des « ouvriers » à part entière, l’esprit volontaire et les deux pieds dans la terre.
Par Michel Giraud
Pour Dijon-Beaune Mag #66
Photo : Jean-Luc Petit
C’était il y a presque deux ans maintenant, le temps d’une rencontre. Ce jour-là, Edouard Erqué nous avait accueillis dans les locaux de l’Entreprise Adaptée Viticole de Beaune. Sa fierté ? Nous montrer son diplôme : Brevet professionnel des aptitudes, option Travaux de la vigne et du vin. La reconnaissance de son métier d’ouvrier d’exploitation viticole. Une vraie victoire. Deux ans plus tard, c’est encore plus haut que nous avons retrouvé Edouard, non sans un certain plaisir.
Philippe Vega, le directeur de l’EAV, raconte la suite de l’histoire : « Aujourd’hui, Edouard est détaché en entreprise depuis le mois de mai. Il a intégré l’un de nos partenaires, le domaine Labry à Auxey-Duresses. Il est actuellement en période d’essai, et si tout va bien en avril prochain, il quittera notre structure pour intégrer le domaine de façon définitive. » Edouard est arrivé à l’EAV il y a dix-sept ans maintenant. Le jeune homme a rencontré des difficultés personnelles. Il coupe : « J’ai eu la chance d’aller à l’école jusqu’en fin de 4e. Je sais lire, je sais compter. » Le 1er avril 2000, sans blaguer, il a intégré l’atelier protégé rattaché aux Papillons Blancs de Beaune, « puis la loi de 2005 sur les entreprises adaptées a changé la donne, détaille Philippe Vega. Nous avons quitté le domaine du médico-social pour rejoindre la convention viticole ».
« Extrêmement sollicitée »
L’Entreprise Adaptée Viticole de Beaune a ainsi vu le jour. Elle est aujourd’hui installée dans un imposant bâtiment de la rue du Faubourg Saint-Jean et emploie 62 salariés, dont 4 seulement sont valides. « Nous avons deux activités, poursuit le responsable de l’entité. L’une viticole qui concerne une trentaine de personnes. Nous nous occupons pour des clients de plusieurs dizaines d’hectares en gestion complète, de la taille à la vendange. L’autre est plutôt pour des opérations ponctuelles chez d’autres propriétaires, comme le tirage des bois. » Et visiblement, il y a du boulot. Cette année, l’EAV a été « extrêmement sollicitée… nous aurions pu être une vingtaine de plus ! La main d’œuvre viticole est en baisse, il est plus facile de faire appel à des prestataires extérieurs que d’embaucher. »
De ce point de vue, la politique des Papillons Blancs est une réussite. Elle reconnait les compétences des ouvriers de l’EAV, bien au-delà de leur handicap : « Nos équipes sont exemplaires. Nos ouvriers sont généreux, travailleurs, ils s’adaptent avec facilité. Ils méritent cette reconnaissance, au même titre que la vingtaine de personnes qui travaillent dans l’autre activité de notre structure : l’entretien des espaces verts. Nous sommes soutenus par les communes : dans sa démarche d’abandon des traitements phytosanitaires, Savigny-lès-Beaune a fait appel à nous pour le désherbage manuel. »
« Jamais je n’aurais pensé y arriver »
Edouard, lui, a déjà été remplacé. Il est lui aussi un des plus beaux exemples de la réussite des parcours mis en place par les Papillons Blancs : « Jamais, je n’aurais pensé y arriver, avoir un diplôme », nous disait-il. Ce jour-là, c’est lui qui conduisait la camionnette ramenant les salariés de la vigne. Heureux de son autonomie, il se disait volontiers fier de son métier, fier de travailler cette terre dont les premiers contacts remontent à son activité de maraîchage, à Sens. Cette terre, il a aujourd’hui plus que jamais les deux pieds dedans.