Destination finale pour notre voyageur de la vigne Guillaume Baroin : le domaine Gouffier à Fontaines (71), son village d’enfance. Au programme de ces deux jours, un chapelet d’appellations entre Bouzeron et Montagny. Des souvenirs, aussi. Des retrouvailles, surtout.
Revenir là où tout a commencé. Fontaines, le village de mon enfance. La colline Saint-Hilaire, qui domine le bourg et démarque les terroirs viticoles de Mercurey et de Rully.
Chez Gouffier, depuis que Jérôme, le fondateur du domaine, est parti déguster les divins nectars du ciel, on commence tôt. Et dans la bonne humeur. Les anciens vendangeurs côtoient les nouveaux a qui ils refileront le virus. Et les nouveaux deviendront anciens à leur tour… J’en veux pour preuve que je vendange ce samedi avec Camille, 18 ans. La fille d’une « fille » avec laquelle j’étais au collège ! Hé oui, je rentre officiellement dans la case vendangeur expérimenté. Ou « vieux », pour les jeunes. Cela me fait penser à Laurent Perrachon, un vigneron du Mâconnais, qui a vu deux Suédoises débarquer pour les vendanges trente ans après leur maman respective. Nos vignobles sont décidément vecteurs de belles histoires.
Qui est le plus « hotte » ?
Entre les rangs, les sujets de discussions sont variés. Logique : la météo et le thème du repas du midi figurent en bonne place, mais pas autant que les petites grivoiseries habituelles. Quel porteur est le plus « hotte » ? Quelle vendangeuse arbore le plus joli décolleté ?
Avec Bernadette, une ancienne comme moi, nous évoquons les absents de l’année : Armando, « la mobylette de la coupe » parti parfaire sa réputation de sécateur d’or dans son Douro natal chez son frère. Pascal, le faux « grand frère » mais vrai buveur. Le retour de Fafa après sept ans d’absence. Petit gabarit mais porteur de haut vol. Du coup, ils sont un peu avec nous.
Chez Gouffier, la maison d’habitation a une âme. La salle à manger et ses tentures aux oiseaux brodés respire le charme de l’ancien. Ce côté immobile et immortel rassure dès que l’on y entre. Une partie de l’équipe s’y régale le midi des plats frais de femmes très « ine » : Martine, Catherine et Christine dorlotent nos estomacs tandis que je m’occupe du service des vins.
Nous mangeons dans les assiettes en porcelaine de la famille, buvons dans des verres millésimés du siècle dernier. Avec les couverts en argent, l’ensemble donne un air de table de fête à notre déjeuner. Très loin (et heureusement) du sandwich avalé au bout du rang.
Comique troupier
13h15, nous repartons aux vignes. Les parcelles sont de vieilles amies que l’on retrouve chaque année au même endroit. À Mercurey, la vigne des Bussières porte les souvenirs des vendangeurs présents. J’y ai perdu une semelle de chaussure et explosé un gros doigt de pied dans un tirant (cf. les risques du métier de l’épisode 1).
Au deuxième jour, les blagues et les chansons, paillardes ou populaires, fusent. Preuve que l’esprit de groupe se forme. Le rire fédère une équipe et fait passer la douleur au second plan. Tout le monde aime rire, surtout en se moquant des travers des copains de rang. Celui qui va plus vite aide son voisin et reste ainsi dans la bande. C’est le véritable esprit comique troupier.
Dernière vigne. Dernier rang. Je me saisis d’une large feuille de vigne avec laquelle j’essuie le fond de mon seau. Je le mets sur une pile qui ressemble alors à une petite tour de Pise en plastique. Comme un écho, le clocher du village situé à cinquante mètres de la cave salue le retour de la troupe au bercail. Je reviendrais, c’est sûr, l’esprit joyeux et le coeur battant pour y glaner d’autres souvenirs. Ceux des jours heureux des vendanges.