Un récit géopolitique sur le Qatar, un roman sur l’Afghanistan : en plus de ses productions pour le petit écran, le grand reporter dijonnais Emmanuel Razavi rapporte de ses chères pérégrinations orientales deux nouveaux ouvrages. Précisément documentés ou fictionnels, tous deux apportent un éclairage nouveau sur ce très proche Moyen-Orient.
Par Andrea de Cesaris
Pour Dijon-Beaune Mag #67
« Mon rêve, c’était de faire du grand reportage à la manière d’un Tintin. J’étais aussi fasciné par les voyages de Corto Maltese et les livres de Joseph Kessel sur l’Afghanistan. Mais à mon époque, il y avait moins de formations au journalisme qu’aujourd’hui. Je suis entré par la petite porte, avec parfois des coups durs, mais avec la certitude que je réussirais. » C’est limpide, Emmanuel Razavi a les grands voyages et le journalisme dans le sang.
Diplômé de Sciences Po, il a fait ses armes sur les ondes (RCF Dijon) aux côtés de son camarade Christophe Lapostolle, puis sous la bienveillante tutelle de Jacques Revon à France 3 Bourgogne, avant une enrichissante expérience au Bien Public : « L’info régionale a été une excellente école. C’est là que j’ai appris ce qu’était la première qualité du reporter : l’empathie. Mais je voulais partir loin, voir ce qui se passait ailleurs. »
Entre passion et origines
Emmanuel Razavi se spécialise alors dans la géopolitique du Proche et du Moyen-Orient et couvre, durant près de 20 ans, l’actualité dans cette partie du monde en constante ébullition. Ses reportages le confrontent à la violence de la guerre en Afghanistan et des révolutions arabes, ce qui lui vaut quelques bleus à l’âme et d’inoubliables séquences de Beyrouth à Kaboul pour Paris Match, le Figaro Magazine, Valeurs Actuelles et le Spectacle du Monde.
Il réalise aussi de nombreux documentaires pour des chaines de télévision telles Arte, M6 ou France 3, et signe plusieurs livres. Un moyen de conjuguer sa « « grande passion pour le Moyen-Orient » et son histoire personnelle. « Une partie de mes origines se trouve là-bas, même si je me sens français. C’est la raison qui m’a poussé à consacrer ma vie professionnelle à cette partie du monde. »
Le Qatar, fascinant et clivant
Dans son dernier livre, Qatar, vérités interdites (éditions de l’Artilleur), le grand reporter raconte ses trois années passées dans l’un des pays les plus fermés de la planète. À mi-chemin entre le récit et l’essai, le journaliste décrit un pays fracturé entre progressisme et conservatisme. Rompant avec les idées reçues, il livre un témoignage exceptionnel sur les us et coutumes des bédouins du golfe Persique, ainsi que sur la stratégie politique de l’émirat. « C’est un pays qui fascine autant qu’il divise. On doit bien sûr dialoguer et faire du commerce avec le Qatar, mais pas à n’importe quel prix. Il faut être ferme quant à son soutien à l’organisation des Frères Musulmans, y compris chez nous. Il n’est pas davantage acceptable que l’émirat accueille sur son territoire des leveurs de fonds de Daesh ou Al-Qaïda, tout en se disant notre allié », explique-t-il posément, en se défendant d’avoir écrit un livre à charge. « C’est plutôt un témoignage, que j’espère le plus objectif possible. Là-bas, j’ai aussi rencontré des gens très intéressants, avides d’ouverture sur l’Occident. Mais on peut être passionné par une culture ou l’histoire d’une nation sans pour autant ignorer sa part d’ombre. Et c’est au journaliste de le rappeler. Ce que je raconte, je le raconte à partir de faits, de témoignages recueillis et d’images tournées sur place. » Cela mérite une lecture attentive, donc.
De Gevrey aux montagnes afghanes
Emmanuel Razavi est aussi l’auteur de Matin Afghan, roman à paraître le 20 novembre aux éditions du Menhir. Il raconte l’histoire de Jack, un sergent de l’armée américaine originaire d’une réserve Sioux, et d’Hélène, une journaliste française originaire de Gevrey-Chambertin qui travaille pour un grand magazine New-Yorkais.
Envoyée en Afghanistan pour réaliser un reportage sur les Amérindiens combattant dans le corps expéditionnaire américain, Hélène va rencontrer Jack alors qu’une grande offensive se prépare contre les talibans. « Une histoire du XXIe siècle, à la croisée des chemins entre des cultures qui s’ignorent et vont se télescoper. J’ai eu l’idée de ce livre après avoir rencontré un jeune sous-officier Sioux lorsque je couvrais les combats avec la 101e Airborne en Afghanistan. J’ai appris grâce à lui que des milliers d’Indiens servaient dans l’US Army en Irak et en Afghanistan. »