Dimanche 9 septembre, le château de Gilly-lès-Cîteaux fêtera les 30 ans de son existence en tant qu’hôtel-restaurant emblématique haut de gamme, en présence de Pierre Traversac, le président des Grandes étapes françaises. Retour sur le riche parcours d’un monument à part, emblématique de la Bourgogne des grands crus et des moines.
Dans les faits, « Gilly » n’a pas 30 ans. Ses origines remontent à l’esprit bâtisseur des religieux de Saint-Germain, qui fondent à cet endroit un prieuré. Nous sommes au VIe siècle. Propriété des Cisterciens à l’époque où la fabuleuse et proche Abbaye de Cîteaux connaît son bel essor, le bâtiment deviendra la forteresse protectrice des moines sous les coups de la guerre de Cent Ans. Puis sera dévasté par les nombreux conflits du XVIe siècle. Comme dans une petite mort qui annonce sa renaissance.
Un terrain vague…
Le château, tel que nous le voyons actuellement, n’a donc pas d’âge. Il porte en lui les stigmates des bonheurs et des drames vécus au fil du temps. Reconstruit par le 51e Abbé de Cîteaux, saisi par les Révolutionnaires pour finalement échouer dans les mains de différents propriétaires, banquiers comme fermiers, il connaîtra même un destin théâtral avec le Département de la Côte-d’Or. De 1978 (date de son classement en tant que monument historique) à 1985, son drôle de destin, hier spirituel et guerrier, se poursuit sous le signe de la culture. Mais, peu à son aise pour entretenir l’édifice en mauvais état, le Conseil général trouve un repreneur providentiel en 1987 : René Traversac, fondateur du groupe des Grandes étapes françaises, qui fait de « Gilly » sa neuvième acquisition. Le capitaine de l’industrie hôtelière et son épouse Simone ont alors respectivement 74 ans et 67 ans. Cela ne freine pas leurs ardeurs. Le spectacle est pourtant désolant. « Le jardin tenait du terrain vague et le bassin disparaissait sous les touffes d’herbes ; les douves contenaient un peu d’eau fangeuse où s’embourbaient quelques détritus et les divers bâtiments, beaux il est vrai, mais non reliés, s’égayaient sous le domaine ». Voilà en quel état René Traversac et son fils Pierre découvrent le site. Une troupe de théâtre se produit devant eux sous la haute charpente d’une vaste salle très sommairement aménagée. Comment imaginer à cet instant qu’elle deviendra la magique salle des tapisseries que nous connaissons aujourd’hui.
À la croisée des Routes
René est à deux doigts de renoncer à son projet. Mais être à la croisée de la Route des moines et de la Route des Grands Crus peut peser lourd dans la balance. De plus, « Gilly » semble avoir traversé les épreuves avec la dignité des héros, porté par l’austérité profonde de sa spiritualité originelle. Le 22 décembre 1987, Maitre Nourissat signe l’acte de vente à Dijon. René Traversac a alors le génie d’embaucher un brillant garçon de 24 ans, Jean-Louis Bottigliero, pour diriger les travaux et prendre à terme la direction de son futur hôtel…
Le bel anniversaire
30 ans plus tard, quand on connaît le parcours de ce jeune homme, aujourd’hui propriétaire avec son épouse de l’Hôtellerie de Levernois et du très charmant château de Sainte-Sabine, hier directeur du Martinez à Cannes et de la chaîne Châteaux & Hôtels Collection, on ne peut que saluer l’excellente intuition de son protecteur. Pourtant, rien ne se fera au hasard. Durant tout le chantier, indissociable de son talkie-walkie, Jean-Louis se contente d’un matelas posé à même le sol pour la nuit, « d’un mètre pliant, d’un tournevis et d’une lampe de poche » pour ne rien lâcher. L’architecte Albert Archambault n’y va pas de main morte non plus. Transformant les écuries en chambres, il creuse un souterrain pour relier l’ancien cellier à la salle voûtée où sera dressée la belle table de de cette grande étape bourguignonne. Le couple Traversac rejoint Jean-Louis Bottigliero au printemps 1988, dans des conditions spartiates. Pendant que Simone « enseigne l’art de la couture des rideaux et dessus de lits à Blanchette », René s’acharne, avec rage parfois, à démystifier le charlatanisme de certains de ses prestataires attelés aux travaux d’architecture extérieure et intérieure. Jusqu’à ce 3 septembre où le négociant Bouchard Aîné inaugure l’établissement par son mariage, dans un cadre surréaliste, avec des portes sans poignées et un carrelage inachevé. Rock’n roll attitude !
Fidélité
Michel Smolarek, le sommelier qui présidera plus tard l’union régionale de ses pairs, est déjà là. Sa fidélité à l’établissement, à laquelle on pourrait associer celle du responsable de l’entretien Didier Tuloup, toujours en activité in situ, témoignent de l’inscription dans la durée et dans le paysage qui caractérisent « Gilly ». Dirigé depuis de nombreuses années par Rémy Besozzi, l’établissement fait honneur à la Bourgogne spirituelle et à la Bourgogne du vin, avec toujours la préoccupation de rester associé à la vie locale. Pour les habitants de Gilly-lès-Cîteaux, même si de nombreuses célébrités y ont séjourné, « Gilly » est avant tout « leur » château. Dimanche 9 septembre, ils seront donc nombreux, parents comme enfants du village, à célébrer les 30 ans de la renaissance de ce joyau de leur patrimoine affectif. Pierre Traversac aura grand plaisir à les rencontrer.