C’est l’un des quartiers de la métropole qui ont connu, ces dernières années, une évolution spectaculaire. Et ce n’est pas fini. À cheval sur les communes de Fontaine-lès-Dijon et d’Ahuy, « Q37 » (référence à l’échangeur 37) n’est plus seulement une zone d’activités économiques depuis l’ouverture de la Lino. Pôle commercial et de services, il devient également résidentiel. Radioscopie d’un morceau de ville en mutation.
Par Patrice Bouillot
Qu’elle paraît loin, l’époque où Louis Paquet installa, le long de la route d’Ahuy, le siège de l’entreprise familiale de bâtiment, fondée en 1949 à Arnay-le-Duc et transférée à Fontaine-lès-Dijon cinq ans plus tard. Paquet fut la première entreprise d’une zone d’activités nouvelle, au nord de la commune, voulue par le maire de l’époque, Pierre Jacques. « À l’époque, fin des années 70, nous étions tout seuls, entourés par les champs, rappelle avec le sourire Jean-Louis Paquet, son fils, qui lui a succédé jusqu’en 2009. Mais du coup, la société était bien placée pour construire un grand nombre des bâtiments qui vont sortir de terre au fil des années à proximité, de la caserne des pompiers aux immeubles de la rue Majnoni-d’Intignano. »
Dans la foulée, des activités artisanales et industrielles s’implantent, notamment des entreprises qui ont marqué l’histoire de Dijon comme Fournier – dont le site de production a été repris par Recipharm en 2008 –, les ULM Cosmos ou Oberthur. Une extension de cette « zone des Cortots » est conduite dans les années 2000, avec succès. Tout au nord de ce qui ne ressemble pas encore à un quartier, des commerces ouvrent : l’hypermarché Mammouth écrase les prix dans les années 1970 tandis que, de l’autre côté de la route qui file vers le Val Suzon, sur la commune d’Ahuy, des activités artisanales ou commerciales s’installent, sur le site dit des « Varennes ». À la fin des années 2000, l’activité commerciale de Fontaine-Ahuy est moribonde ; beaucoup prédisent notamment la mort de l’hypermarché, devenu Géant Casino, confronté à la concurrence de la Toison d’Or.
Le coup de fouet
Le 10 février 2014, le destin de ce morceau de ville bascule. L’ouverture de la liaison nord (Lino), cette rocade tant attendue, donne un coup de fouet à l’activité commerciale. « La Lino nous a donné de la visibilité, notre chiffre d’affaires a bondi de 30 % », se réjouit Gérald Gorre, directeur du Géant Casino, qui verrait bien des mètres carrés commerciaux supplémentaires sur la bande de terre entre son parking et la Lino – mais le terrain n’est pas constructible dans l’actuel projet de PLUi-HD. Béatrice Dole-Deseille, gérante de la franchise Optic 2000 installée dans la galerie commerçante, annonce la même progression : « Nous sommes passés de 4 à 9 salariés et nous avons investi tout récemment une cellule plus grande. » Henry Rapezzi, à la tête du restaurant L’Aqueduc, confirme le renouveau spectaculaire du secteur : « Quand nous avons ouvert en 2013, les débuts ont été difficiles. Aujourd’hui, nous servons une centaine de couverts à midi et 80 à 90 couverts les soirs de fin de semaine. »
Anticipant la nouvelle voirie, des investisseurs s’étaient positionnés : un « retail park » abritant trois grandes surfaces avait ouvert en 2012, l’entrepreneur Bernard Gnecchi avait créé en 2009 un complexe sportif et de loisirs de 5 200 m2 (Le Klube)… Reprenant un des bâtiments de ce dernier en 2017, Denis Liébé y fonde Trampoline Experience, et c’est le carton immédiat, avec 40 000 visiteurs par an : « Notre clientèle afflue de toute la région, car il n’existe pas de pôle de loisirs équivalent entre Besançon, Lyon et Paris. La proximité immédiate de la rocade a bien sûr été un facteur de succès. » La dynamique réjouit le maire d’Ahuy, Dominique Grimpret : « Cette zone commerciale qui affiche désormais complet propose une offre diversifiée, avec une dominante alimentaire et une vraie montée en gamme : implantation de magasins de produits bio ou de l’enseigne Grand Frais, reconstruction du Lidl, installation du chocolatier Carbillet ou de la poissonnerie boulonnaise… »
Et maintenant, des logements
Pendant ce temps, les entreprises industrielles ou artisanales apprécient elles aussi l’amélioration de l’accessibilité du quartier. « Maintenant, les gens situent la rue de la Petite Fin où nous sommes installés, le renouveau de l’offre commerciale a généré des flux nouveaux », constate Christine Leday, dirigeante de DBG Car Center, spécialiste de « la réparation et de la cosmétique automobiles ». Un projet de bureaux est déjà acté au bout de la rue des Prés Potet. L’activité économique semble donc bien se porter, merci.
Mais un phénomène nouveau a surgi : l’apparition de logements. Les premiers immeubles ont poussé sur une partie du terrain de 4 hectares appartenant à Paquet – 73 logements sociaux, 72 logements privés et une maison médicale. Les travaux à peine terminés, Promogim a engagé, à un pâté de maisons de là, la construction de deux bâtiments – 39 logements sociaux et autant d’appartements en accession, dont la moitié ont été déjà vendus. « Nous avons eu l’opportunité de proposer ici des logements à 1 900 euros le mètre carré parking compris, ce qui les rend très accessibles à des primo-accédants », explique Romaric Baconnais, chef de l’agence dijonnaise de Promogim. Le quartier est-il voué à devenir en partie résidentiel ? « La construction de logements nous permettra d’accueillir de nouveaux habitants et de proposer une offre diversifiée, notamment en locatif, explique Patrick Chapuis, le maire de Fontaine-lès-Dijon. L’extension de la zone d’activités aux Prés Potet permettra de compenser les emplois perdus sur les terrains occupés par des logements car je tiens absolument à maintenir l’activité économique de la commune. » La mutation est donc bel et bien engagée : il y a désormais des habitants dans un secteur qui n’en comptait pratiquement aucun il y a cinq ans. Dans le futur plan local d’urbanisme intercommunal – habitat et déplacements (PLUi-HD, lire pages précédentes), le secteur compris entre la rue de la Grande Fin et la rue des Champs aux Fèves est d’ailleurs fléché « site projet pour l’habitat », avec une obligation de prévoir 50 % de logement social. « Notre souhait est de construire la ville des mixités, sociales et fonctionnelles, résume Pierre Pribetich, vice-président de Dijon Métropole délégué à l’urbanisme et au PLUi-HD. L’époque est révolue où des zones entières était dédiées à l’activité économique, et d’autres uniquement à l’habitat. »
Un rond-point « aberrant«
Reste que cette mutation suscite des interrogations, voire des inquiétudes. « Certains chefs d’entreprise se demandent s’ils vont investir ici ou déménager car la cohabitation entre l’habitat et une activité à caractère industriel ou artisanal n’est pas forcément évidente, témoigne Dominique Bruillot, gérant de la société de presse Studio Mag (éditrice de DijonBeaune Mag) et président de l’association Q37 qui fédère depuis 2017 les entreprises du secteur, soit environ 3 000 emplois. D’autre part, l’augmentation des flux crée un engorgement au niveau de l’échangeur 37 de la Lino, sans que les pouvoirs publics n’apportent à ce jour de solution. » Dominique Grimpret confirme qu’une demande sur le sujet adressée au préfet est restée sans réponse. « Un rond-point sur une rocade, c’est aberrant, fulmine Gérald Gorre. La zone n’est pas victime de son succès : elle connaît le succès escompté mais elle est victime d’une infrastructure sous-dimensionnée. L’avenir de la zone passera par la construction d’un échangeur qui rendra sa fluidité au trafic. » L’association est décidée à faire entendre la voix des entreprises d’un quartier confronté à des problématiques bien spécifiques. En commençant par se donner un petit nom qui pourrait être Cap Suzon.