La CPME 21 a organisé ce mercredi un webinaire réunissant une trentaine de ses adhérents. Geoffroy Sécula et Martin Six, les président et secrétaire général du syndicat, ont répondu aux questions de ces « petits patrons » rattrapés en premier lieu par le virus du doute en cette période de confinement. L’esprit d’entreprise, partagé entre une reprise incertaine et les difficultés immédiates, navigue à vue.
Par Dominique Bruillot
Plus de 400 entreprises y ont répondu. Une enquête initiée par la CPME Côte-d’Or brosse le portrait d’une société entrepreneuriale en pleine débâcle, à la mesure, malheureusement, de ce que l’on trouve dans l’ensemble du pays. « À ce jour, plus de 70% de ces entreprises ont perdu plus de la moitié de leur chiffre d’affaires, 50% sont carrément à l’arrêt », annonce Geoffroy Sécula. Des chiffres chaotiques qui n’iront sûrement pas en s’améliorant en avril et donnent une idée assez (sur)réaliste de l’étendue des dégâts consécutifs à la crise sanitaire.
Pour maintenir le moral des troupes, le président de la CPME Côte-d’Or et son secrétaire général Martin Six ont organisé le mercredi 1er avril un webinaire réunissant une trentaine de participants. Celles et ceux qu’on appelle les « petits patrons », dont on prend la mesure de l’utilité en cette période troublante, sont au front de la crise économique. Ils le sont parce que, contrairement aux grands groupes et aux institutions, c’est leur responsabilité personnelle directe qui est engagée.
Aller plus loin
« Bien sûr, notre priorité est de protéger nos salariés, mais elle est aussi de protéger nos chefs d’entreprise », prévient en introduction le président du syndicat patronal. Actuellement, les effets d’annonce ont fait place à l’engorgement des dossiers. L’administration croule sous la demande. Le tout et le n’importe quoi s’emparent de l’opinion, comme « cette idée de s’attaquer aux dividendes, qui sont souvent la seule ressource du dirigeant et entrent régulièrement dans des montages financiers qui permettent des acquisitions ». L’analyse de comptoir va bon train, surtout à un moment où le confinement rend tout un chacun médecin en chef des hôpitaux, journaliste ou expert en finances.
La réalité est malheureusement plus cruelle. Quand les caisses sont vides, faute de rentrées, il faut faire face. Au niveau des indépendants par exemple, la CPME a mis en place un dispositif d’aides pour accompagner ses adhérents. Dans le réseau « cpm-iste », la solidarité joue son rôle. Saluons ainsi la générosité de Bertrand Chalumeau (Sobomat) qui a fourni de nombreux masques, ou encore l’initiative du très imaginatif Jean-Bernard Jacques, patron de Gringos Productions, qui a déjà installé une centaine de plaques de protection anti-coronavirus dans les commerces et les lieux d’accueil côte-d’oriens.
Mais cela demeure du registre du pansement. Le jour d’après dépend du nerf habituel de la guerre : l’argent, la trésorerie. « Une entreprise sur deux parmi celles que nous connaissons a sollicité des rééchelonnements bancaires, 36% ont pour l’instant effectué une démarche pour obtenir le prêt Le Maire, c’est déjà beaucoup mais il faut aller plus loin », encourage Geoffroy Sécula, non sans avoir précisé en passant que « nous sommes dans une opération normée, qui s’appliquera à toutes les banques ».
À la guerre comme à la guerre
L’emprunt en question permet aux entreprises de bénéficier d’une avance de trésorerie plafonnée à 25% de leur chiffre d’affaires annuel. La première année se limite à de faibles frais financiers, mais au terme de 12 mois il sera possible d’amortir le prêt sur une période allant de 1 à 5 ans, dans des conditions pas vraiment définies à ce jour. Ces entreprises devront aussi réussir le test de leur solvabilité confié aux banques… qui ont ce libre arbitre malgré les garanties (90%) de la BPI. Ce qui promet de gros dégâts parmi les activités déjà fragilisées avant la crise sanitaire.
« Nous agirons à leurs côtés », promet le président de la CPME. Cette formule du prêt, c’est un peu « aide-toi et le ciel t’aidera ». Ce que confirme Alain Marek, le charismatique patron de BVI : « On nous raconte des histoires de bisounours, on va une nouvelle fois faire porter le chapeau du financement aux chefs d’entreprise, ils ne sont pourtant pour rien dans l’arrivée du Coronavirus, alors que les banques et les assurances vont assez bien se sortir de cette affaire. »
Ah, les assurances… « Je suis impressionné par le silence assourdissant des assurances face à l’extension possible à une notion de catastrophe sanitaire, elles sont pourtant là pour ça », s’étonne Gérard Gaudin, patron de l’établissement Le Smart. « C’est l’un de nos gros dossiers, au niveau national, tout comme l’obtention d’une exonération de charges et pas simplement un report, qui ne ferait qu’alourdir la dette des entreprises », répond en écho Geoffroy Sécula.
Tout au long de cet échange riche de propos, de nombreux autres aspects ont été évoqués, souvent proches de la gestion au quotidien de la crise, illustrant la diversité des situations dans l’univers entrepreneurial. Le chômage technique est l’un d’eux. Sur ce point, beaucoup de patrons ont déposé des dossiers, peu ont eu de retours. Telles sont les conséquences d’une administration submergée. Là aussi, il sera donc important de voir comment concrètement les choses vont se passer. Ne pas oublier en effet, en attendant d’en savoir plus, que les entreprises font l’avance des salaires souvent calculés à la louche, tant les cabinets d’expertise comptable sont eux-mêmes dépassés par les événements. À la guerre comme à la guerre, aurait pu dire notre président de la République…