Héros ordinaires #2 – Romain, conducteur de benne à ordures : « Notre métier sort de l’ombre grâce au Covid-19 »

Ils sont les petites pierres apportées à l’édifice de notre rémission. Portraits de ces travailleurs ordinaires, des gens simples et essentiels, sous l’œil du photographe Jean-Luc Petit. Épisode 2 : Romain Bormel, conducteur de benne à ordures pour Dieze, filiale du groupe Suez, à Dijon.

Texte : Arnaud Morel
Photos : Jean-Luc Petit


De sa cabine, un excellent point d’observation à quelques mètres au-dessus de la voirie, Romain Bornel a vu son monde changer depuis le déclenchement de la pandémie. Une évolution assez radicale de l’ambiance, et un regard posé sur son métier qui change, passant d’une rogue indifférence à une vraie reconnaissance. « Quand vous êtes en tournée, vous bloquez les voitures derrière vous, les personnes pressées s’agacent, klaxonnent, se plaignent de l’odeur, vous les gênez… Mais tout ça, aujourd’hui, c’est oublié. Les gens sont confinés chez eux, et ils ont le temps de se rendre compte de notre travail, de ce qu’il leur apporte », résume Romain.

« En tournée, nous récoltons même parfois des applaudissements des habitants à leur fenêtre, surtout au centre-ville. »

La fierté qu’il retire de cette évolution des regards est palpable, autant que sont tangibles certains nouveaux signes d’intérêt, et de solidarité, que les habitants de la métropole dijonnaise témoignent à leur éboueurs.  « Notre métier sort de l’ombre, nous recevons énormément de remerciements. Nous avons trouvé des gentils mots, des dessins d’enfants scotchés sur les containers. Et en tournée, nous récoltons même parfois des applaudissements des habitants à leur fenêtre, surtout au centre-ville. » Le grapheur RNST s’y est mis lui aussi, décorant de son talent les anonymes faces plastiques des poubelles dijonnaises (voir le superbe portfolio non exhaustif ci-dessous). Certains établissements, comme la pizzeria Les Remparts, rue de Tivoli, offrent aux éboueurs de quoi se restaurer après leur tournée.

Un métier d’avenir

À 34 ans, Romain tire une confiance toute neuve de cette crise dont on dit, à raison, qu’elle remet les choses en place, qu’elle redonne aux métiers essentiels mais manuels leur importance sociétale. « Je sais que mon métier est un métier d’avenir, que nous sommes utiles, et qu’il n’est pas possible de se passer de nous, c’est très rassurant », note-t-il. Employé depuis 15 ans chez Dieze, la filiale de Suez en charge du ramassage dans la métropole dijonnaise, Romain a d’abord été ripeur, ramasseur, avant de passer son permis poids lourd et de devenir conducteur d’engin en 2011.

Comme tous les héros ordinaires, Romain avoue sa crainte et ses angoisses au moment du confinement, quand il a fallu retourner travailler malgré les risques. « Nous avons pu échanger avec nos responsables, et très vite des mesures de protection ont été mises en place, ce qui nous a vraiment rassurés », se souvient-il. Les temps de tournées sont étalés dans le temps, afin de limiter les employés en présence, les ripeurs sont équipés de gants neufs à chaque tournée, et, depuis quelques jours, des masques sont proposés aux équipages. Entre collègues, les gestes de distanciation se mettent en place. On ne se serre plus la pogne, les embrassades sont rangées au placard. Même la sacro-sainte pause de 20 minutes, qui scinde les tournées de 7 heures, a changé. Elle se prend désormais au dépôt, et plus dans les troquets, qui sont fermés.

Rien de tout ça n’entame le moral des équipes, regonflé par les témoignages d’amitié des habitants. Et Romain, lui, trouve dans son travail une nouvelle liberté, qui l’aide à supporter le confinement et qui lui fait monter un grand sourire au visage tandis qu’il évoque le prochain grand événement de sa vie : la naissance, dans quelques semaines, de son second enfant.


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