À Romanèche-Thorins (Saône-et-Loire), Touroparc Zoo n’échappe pas à la crise, comme l’explique son directeur Thomas Gervais : en l’absence de recettes, de nombreux zoos ont fait appel à la solidarité pour continuer à s’occuper de leurs protégés, coûte que coûte.
Par Geoffroy Morhain
Avec plus de 210 000 visiteurs en 2018, Touroparc Zoo fait partie du top 10 des destinations touristiques les plus fréquentées de Bourgogne-Franche-Comté. Quatrième site payant en Bourgogne, il précède même des hauts lieux comme l’abbaye de Tournus ou la roche de Solutré, d’ailleurs située non loin de Romanèche-Thorens où est également ancré le Hameau Dubœuf, pionnier de l’œnotourisme régional. Autant dire que ce sud bourguignon flirtant avec le Beaujolais est une source inépuisable de plaisirs.
« C’est simple : depuis le 16 mars, sans billetterie, ni restauration, ni boutique, ni prestations… nous avons fait zéro euro de recette. »
Mais voilà, des visiteurs, il n’y en a plus un seul dans les allées du double parc, zoologique et d’attraction, depuis le début du confinement. « C’est simple : depuis le 16 mars, sans billetterie, ni restauration, ni boutique, ni prestations… nous avons fait zéro euro de recette. D’ici la mi-mai, notre perte sèche s’élèvera à plus de 700 000 euros, sans tenir compte de la perte de la première quinzaine de mars », constate, un peu dépité, Thomas Gervais, le directeur général du parc. En poste depuis fin 2017, ce jeune expert en gestion et en finances n’est pourtant pas du genre à se laisser abattre et fait face pour renflouer son « arche de Noé ».
150 000 euros incompressibles
Après avoir dû placer au chômage partiel plus de la moitié des 34 salariés à plein temps, réduit les frais et reporté les charges autant que possible, il doit encore assumer quelque 150 000 euros de frais fixes incompressibles par mois pour les soins des animaux, l’entretien général du parc, les charges quotidiennes et les salaires du personnel encore en activité. Si un prêt garanti par l’Etat (qu’il faudra rembourser) y pourvoira en partie, les aides de toute nature sont les bienvenues.
Après la solidarité du début de confinement (fournisseurs et particuliers ont fait des dons de nourriture pour les animaux), une cagnotte Leetchi a été mise en place pour aider Touroparc à traverser cette crise financière : avec plus de 14 000 euros collectés à la date du 6 mai, on est encore loin du compte, mais « il n’y a pas de petit don, c’est une contribution parmi d’autres, et puis il reste encore jusqu’à fin juin pour donner ».
Attention, training, soins…
Pour rester en vie, Touroparc Zoo se concentre donc sur l’essentiel, le bien-être de ses pensionnaires : « À ce jour, nos missions de conservation des espèces menacées et de sensibilisation aux enjeux de la biodiversité ne sont plus assurées. Notre priorité est centrée sur la continuité de soins et la garantie du bien-être de tous nos animaux : attention, training, soins… Pour cela, notre équipe d’une douzaine de soigneurs et de deux vétérinaires a été entièrement maintenue. » Et si les fauves continuent à vivre leur vie indifféremment, avec ou sans public, d’autres réclament des contacts comme les zèbres, ou ont besoin d’une complicité avec leur soigneur comme les éléphants… Autant d’attentions particulières qu’il faut dispenser à chacun au quotidien.
Dans ce contexte, Thomas Gervais va devoir réduire la voilure : « Une chose est certaine, la barre de 300 000 visiteurs que nous nous sommes fixés ne sera pas atteinte cette année. » Pour autant, l’arrivée du directeur général avait déjà fait souffler un vent de renouveau sur le parc de Romanèche-Thorens. Comme un retour aux sources pour ce jeune quadra, neveu par alliance de Georges Jeandin-Livet (le fils du fondateur et actuel président de Touroparc-Zoo), qui tenait ici un stand de glaces pendant ses vacances d’étudiant en gestion d’entreprise. Après deux saisons prometteuses sous le signe de la réorganisation et du développement, le Covid-19 a coupé son élan. Mais il compte bien rebondir.
Tigre blanc et dragon de Komodo, stars du Touroparc
Et de poursuivre sans fléchir les programmes de préservation des espèces menacées, qui donnent du sens au travail des parcs zoologiques, et leur confient des pensionnaires emblématiques à fort pouvoir attractif : rhinocéros asiatique, panda roux, tigre blanc ou, dernièrement, dragon de Komodo. « Seuls trois parcs en France hébergent ces grands varans et c’est une grande fierté, ainsi qu’un gage de nos compétences, d’avoir obtenu l’autorisation de l’Association européenne des zoos et aquariums (EAZA) d’en accueillir un. Il reste moins de 6 000 individus dans le monde, tous regroupés sur quelques petites îles indonésiennes, ce qui rend l’espèce encore plus fragile. Si une catastrophe survenait là-bas, on serait en mesure d’assurer sa survie grâce à ceux des parcs zoologiques. »
« J’espère au moins sauver une partie de la saison estivale, le plus gros de notre fréquentation. »
Rare ou pas, ici, chaque animal compte. Plus de 700 au total, de 140 espèces différentes. La responsabilité de l’entreprise Touroparc est donc grande. Tout comme l’impatience de voir revenir, avec le public, des rentrées d’argent. « Au mieux fin juin, mais on reste dans l’inconnu. J’espère au moins sauver une partie de la saison estivale, le plus gros de notre fréquentation. En tout cas, il faudra être prêt le jour J pour recevoir nos visiteurs et nos salariés dans les meilleures conditions. Et dans un parc bien préparé, avec des enclos réaménagés et des visuels pédagogiques refaits à neuf malgré tout. » Pour cette réouverture tant espérée, Thomas Gervais compte bien étendre sa zone d’influence, habituellement plutôt tournée sur la région lyonnaise, vers Chalon, Dijon ou la Suisse. Animaux, manèges, espace aquatique… Touroparc a toujours de quoi attirer les familles et espère bien fêter ses 60 ans l’an prochain, dans le respect de la cause animale. Le bel âge mérite bien quelque cadeau. Monnaie de singe proscrite.