Alors qu’on s’active depuis plus d’un an derrière les palissades et les immeubles qui ont déjà poussé en bordure, le cœur de la Cité de la gastronomie a été dévoilé à la presse lors d’une visite du chantier organisée par la Ville de Dijon. Parcours guidé entre bâtiments historiques et architecture contemporaine, en attendant l’ouverture d’une partie du site le 21 décembre prochain.
Sous la houlette du responsable du chantier, Jacques Delaine, directeur régional d’Eiffage construction Est, et de François Deseille, adjoint au maire de Dijon délégué à la Cité internationale de la gastronomie et du vin (CIGV), la visite débute du côté de l’avenue de l’Ouche par la station de tri des déchets intégrée au chantier. « Pas un gravier n’est sorti du site pour éviter le trafic des camions, tout a été recyclé sur place, pour la voirie notamment. » Devant l’énorme tas de gravats concassés issus de la destruction de certains bâtiments hospitaliers, les parasols ont déjà poussé sur les rez-de-jardin à peine engazonnés d’une première résidence sortie de terre. Et l’aréopage de journalistes casqués et bottés de se lancer dans la tournée d’un chantier d’exception, qui emploie en permanence quelque 400 ouvriers, locaux pour la plupart (80 % viennent de Bourgogne-Franche-Comté, et parmi eux 60 % de l’agglomération dijonnaise).
Un triton au pied du Hilton
Direction l’allée Bernard Loiseau, qui longe l’ancien hospice du Saint-Esprit, face à l’Ouche à l’arrière du site. Derrière la longue façade du XVIIIe siècle impeccablement restaurée, recouverte de tuiles vernissées et ornée d’un haut-relief figurant la multiplication des pains (un présage d’abondance pour la future Cité ?), prendront place des appartements haut de gamme et un hôtel 4 étoiles Curio by Hilton dont l’ouverture est prévue pour 2023 seulement. En chemin, on croise l’espace boisé classé qui a été préservé dans le lit d’un bras asséché de l’Ouche. À côté du plus vieux pont de Dijon qui l’enjambe et à l’ombre d’un platane de la Liberté planté en 1798, le triton palmé et le crapaud accoucheur qui ont élu domicile dans une mare devraient pouvoir y poursuivre leur vie d’amphibien protégé. « Sur 6,5 hectares, le site compte un hectare d’espaces verts ouverts à tous les Dijonnais », précise notre guide au passage.
La Cité permettra aussi aux promeneurs de redécouvrir la richesse patrimoniale de l’ancien hôpital de Dijon, comme la réplique réduite du puits de Moïse réalisée en 1508 au bord de l’Ouche pour le cimetière des hospices. Ou encore la chapelle Sainte-Croix-de-Jérusalem (1458), également en cours de restauration complète, qui sera équipée de mobilier urbain et de panneaux d’information pour une visite en accès libre avec de la musique ancienne en fond sonore. Entrée gratuite également pour l’ancienne apothicairerie reconstituée, dont on retrouvera les superbes boiseries et pots de faïences à l’étage du Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine de Dijon (Ciap), lui-même dédié à l’histoire de la ville, du site hospitalier en particulier.
Une chapelle pour les climats
La visite se poursuit à bon rythme par le Village by CA du Crédit agricole, construit dans un style contemporain transparent autour de la magistrale porte en pierre de l’ancienne école de médecine. Dans ce lieu d’échange qui rassemblera entreprises partenaires et start-up dans le domaine du vin et de l’agro-alimentaire, s’installeront dès septembre 2021 Vitagora, pôle de compétitivité goût-nutrition-santé, et la FoodTech Bourgogne-Franche-Comté. Juste à côté, derrière son fronton emblématique, la grande chapelle accueillera un centre d’interprétation des Climats de Bourgogne, une des expositions payantes du pôle culturel. Après restauration, le monument historique accueillera en son centre une œuvre monumentale représentant un cep de vigne, des écrans géants sur ses murs et un corner dédié aux produits de Franche-Comté, qui en appellera certainement d’autres. « La marque Savoir-faire 100% Côte-d’Or aurait toute sa place ici », lance François Deseille en guise d’invitation au Département.
Dans le village gastronomique
Au centre du site, le village gastronomique constituera le cœur battant de la CIVG. C’est là que l’effervescence du chantier est la plus notable, alors que de nombreux ouvriers s’activent à monter la structure métallique qui soutiendra la canopée en verre, au-dessus de l’espace constitué de seize cellules commerciales. Des boutiques dédiées à la gastronomie et aux arts de la table, qui permettront d’acheter des produits régionaux, mais aussi de mener des expériences gustatives, de rencontrer des producteurs et artisans d’exception. On y trouvera aussi une cave pour découvrir les vins du monde entier, avec quelque 250 références à déguster au verre et plus de 2 500 à acheter, un restaurant gastronomique, un bar à moutardes, une librairie spécialisée… Saint des saints de ce village gastronomique, la « cuisine événementielle » est présentée comme le « cœur de réacteur » de la CIGV avec ses 600 m2 sur trois niveaux, dont un rooftop, et son équipement professionnel. Animé en permanence, l’espace a pour ambition de « susciter des dialogues culinaires entre visiteurs, grands chefs et maitres artisans », avec des ateliers de cuisine partagée, des démonstrations et des masterclass à voir en direct sur les gradins ou retransmis sur les réseaux sociaux. « Et pourquoi pas le tournage d’une émission Top Chef dans les années à venir », espère François Deseille.
Sous le canon de lumière
Pour finir, la visite s’achève du côté de la rue du Faubourg-Raines où la construction va bon train. Dans le prolongement du village gastronomique, le cinéma multiplexe Pathé-Gaumont de neuf salles prend forme malgré les difficultés rencontrées : il a fallu faire preuve d’ingéniosité technique pour rendre étanche le caisson en béton de la grande salle en partie enterrée, dont les bases baignaient dans la nappe phréatique sur 2,50 m. Les quatre autres salles « art et essai » du projet Supernova devraient suivre dans un deuxième temps.
À l’angle avec la rue de l’Hôpital, le « canon de lumière » pointé vers la rue Monge représente déjà la signature architecturale de la Cité. Il accueillera sur deux niveaux l’école Ferrandi, « le Harvard de la gastronomie » ose-t-on, pour des formations de 6 mois à la pâtisserie et à la cuisine française, mais aussi quelques sessions en soirées pour amateurs éclairés. Juste à côté, le parvis et le hall d’entrée donneront directement accès à une antenne de l’École des vins du BIVB où des initiations express aux vins de Bourgogne seront dispensées au grand public. Et aux salles de l’exposition consacrée au Repas gastronomique des Français, ainsi qu’à la place du vin dans ce patrimoine culturel reconnu par l’Unesco, dont le contenu sera détaillé en juin.
Ainsi, le pôle culturel de la CIGV comptera, avec la chapelle des climats, pas moins de 1 750 m2 d’expositions accessibles dans leur ensemble grâce à un billet forfaitaire dont le prix est annoncé aux alentours de 8 euros. Un billet combiné proposera en plus une session à l’atelier de cuisine partagée et/ou une dégustation pédagogique à la Cave de la Cité. De quoi mettre l’eau à la bouche de nombreux touristes, alors que l’échec de la Cité de la gastronomie lyonnaise est mis en avant par les promoteurs de la Cité dijonnaise comme « un exemple à ne pas suivre ». Début du service dans quelques mois.