L’habituelle conférence de presse précédant la vente des vins des Hospices de Beaune a donné le ton : 349 pièces de vin aux enchères pour l’hôpital, les femmes et la recherche sur le cancer. Ce cocktail de très bonnes causes, mêlé à un parfum de renouveau, est celui de toutes les promesses. Rendez-vous à 14h !
À une visite présidentielle près, c’est un mois de novembre comme on l’a toujours connu à Beaune : les bars passent du Céline Dion, les doudounes, avec ou sans manches, embrassent quelques bouteilles en terrasse, les camelots battent les pavés, les caves tremblent, les restaurateurs qui ont assez de personnel affichent leur sens des retrouvailles… Après une édition 2020 vidée de ses gens et de son âme, Beaune ne veut plus rien gâcher des joies ordinaires qui entourent sa vente des vins. Enfin !
Définitivement, il flotte un air de renouveau en 2021. Dans l’organisation même de la vente aux enchères d’abord, avec un nouveau commissaire-priseur pressé d’en découdre. Sotheby’s, cela se sent, veut soigner son entrée dans le bal. Elle imprime son style dans les moindres détails, comme avec ce nouveau panneau d’habillage qui fera face aux acheteurs dans la salle de vente. « Ils n’ont pas le droit à l’erreur », plaisantait à moitié ce matin le maire Alain Suguenot. Marie-Anne Ginoux, la directrice général de Sotheby’s France, sait tout ça. Elle et ses équipes, venues en nombre, comptent bien « apporter une vision internationale à la hauteur de cette vente, avec des outils numériques de premier plan ». Le job a été fait en amont pour exciter les acheteurs internationaux grâce à « une vingtaine de dégustations organisées entre États-Unis et Europe pour les clients de Sotheby’s ». Au bout du chemin, une ambition revendiquée : « Que la France devienne l’un de nos plus importants marchés dans les prochaines années. »
Le jeu en vaut la chandelle. La vente des vins des Hospices de Beaune, on le rappelle, sert d’abord à financer le fonctionnement et le renouvellement en profondeur d’un ensemble hospitalier, « le seul de France à ne pas recevoir de subventions publiques », comme le rappelle monsieur le maire. Il reste 95 millions d’euros à trouver pour étendre l’importante campagne de travaux. Car « reconstruire un CHU, c’est 300 à 400 millions d’euros » selon son président François Poher.
Au nom des femmes et de Marie Curie
La vente de la pièce des Présidents, un Corton Renardes, servira la cause des femmes. « Il serait grossier de dire que c’est un sujet à la mode ; c’était plutôt une évidence en terme de santé publique », dit le président Poher avant de passer la parole à Dominique Guillien-Isenmann. La présidente de Solidarité Femmes fédère quelque 75 associations en France. Elle est la maman du fameux numéro d’écoute 3919. Elle est représentée ce jour par une marraine très concernée, l’actrice Jeanne Balibar, qui a délivré devant la presse un discours habité au nom de « celles qui ne parlent pas ».
L’autre bénéficiaire de la pièce des Présidents sera l’Institut Curie, grand spécialiste de recherche sur le cancer, ce mal du siècle, et plus particulièrement celui concernant le sein. En la matière, « rien n’est à craindre, tout est à comprendre », d’après une citation du professeur Alain Puisieux empruntée à Marie Curie, « la seule femme – et la seule personne tout court d’ailleurs – à avoir reçu deux prix Nobel ». Alors que la fondation fête son centenaire, elle perpétue plus que jamais « la philosophie de mieux comprendre et mieux traiter une maladie qui fait peur, car nous savons à présent disséquer cette complexité biologique et trouver ses points de vulnérabilité ».
« Il va falloir cracher ! »
Pio Marmaï, parrain de l’Institut, applaudit des deux mains. En perdant un proche, il a lui-même été touché dans sa chair par la fulgurance du crabe et l’exprime avec pudeur devant l’assistance, rappelant au passage son attachement « à la ville de Beaune depuis mon tournage avec Cédric Klapisch, au vin et aux Hospices d’une certaine manière ». « Rendez-vous à 14h, il va falloir cracher ! », exhorte enfin l’acteur dans son style bien à lui, s’adressant aux acheteurs, sous le regard approbateur de la régisseuse du domaine des Hospices Ludivine Griveau, qui a rentré un tout petit millésime (140 tonnes de raisin tout de même) – 349 pièces et 5 feuillettes – mais aux qualités habituelles.
On dit que 2021 en Bourgogne sonne la revanche des vins blancs et que les vins rouges, en gros, seront frais et bien campés dans un certain classicisme bourguignon, ce qui n’est pas un gros mot. Ce dimanche 21 novembre 2021, il flottait donc comme un parfum de renouveau sur Beaune. Pourtant, certaines choses ne changent pas. Et c’est très bien comme ça.