Sans surprise, Pascal Gautheron est depuis ce lundi 29 novembre le premier président de la CCI Métropole de Bourgogne. Derrière lui, 48 000 entreprises sont en attente de changements. La fusion des CCI de Côte-d’Or et Saône-et-Loire enclenche de grands défis et une remise en question économique, sur le terrain de deux départements frères… mais pas siamois en tous points.
Seul candidat à la présidence de la CCI Métropole de Bourgogne, regroupant les chambres de commerce et d’industries de la Côte-d’Or et de la Saône-et-Loire, Pascal Gautheron fixe un nouveau cap. © Jean-Luc Petit
Dans le scrutin qui met en place la nouvelle gouvernance de la super CCI Métropole Bourgogne, le suspense n’est pas dans les urnes. Cela fait une dizaine d’années que la Saône-et-Loire et la Côte-d’Or sont dans une logique de rapprochement. L’installation du candidat unique Pascal Gautheron donne le « la » d’une partition qui va révolutionner les mentalités, avec la promesse de redonner à l’action consulaire une légitimité et un engagement comme jamais auparavant. Non pas parce qu’elle dispose de plus de moyens, mais au contraire parce qu’elle en a moins, contrainte par l’État de réorganiser son modèle économique. Après tout, chercher de nouvelles ressources et maîtriser au mieux ses charges est une problématique normale d’entreprise.
Le défi va bien au profil du personnage. Bressan de naissance, rugbyman dans l’âme, Pascal Gautheron a construit sa jeunesse en Saône-et-Loire et son émancipation entrepreneuriale en Côte-d’Or. Président du Medef 21 de 2006 à 2012, soit le temps des deux mandats autorisés, il a prolongé sa présidence du Stade Dijonnais jusqu’en 2017.
« C’est à ce moment que je suis entré dans une logique de préparation à la transmission de l’entreprise, avec mon fils Max », témoigne celui qui vient de fêter ses 63 ans. Le temps de créer un comité de direction et d’embaucher quelques cadres au sein de son groupe Fimadev, spécialisé dans le service aux entreprises. S’appuyant sur les témoignages d’autres chefs d’entreprises impliqués dans la transmission, des pères autant que des fils, il en est venu à une conclusion qui s’impose naturellement : « Faire en sorte que le groupe soit autonome car le père ne doit pas rester dans l’entreprise, commencer par donner au jeune repreneur un jardin, en l’occurrence la partie informatique, puis un mentor. » Le champ est alors devenu libre pour que son expérience soit partagée en toute quiétude. C’est le temps de la sagesse, d’une fin de carrière qui s’inscrit dans les valeurs altruistes du personnage. Avec une vision qu’il développe au fil de nos questions.
Vous qui connaissez plutôt bien les deux départements. Qu’est-ce qui les distingue vraiment ?
Pascal Gautheron : Le 71 c’est l’industrie, le travail, l’absence de fioritures. Il y a moins de statuts, beaucoup plus de convivialité. Le 21 est un département riche, avec une métropole où tout est concentré. C’est un environnement plus statutaire qui n’a jamais connu de gros accidents, contrairement à la Saône-et-Loire qui a subi par exemple les chutes de Kodak et de Creusot-Loire et qui a dû rebondir. Au rugby à Chalon, quand on jouait contre les Côte-d’Oriens, c’était les cols blancs contre les cols bleus ! (rires)
Ce n’est quand même pas le mariage de la carpe et du lapin…
Le mariage est tenu par un raisonnement économique, un axe nord-sud, une volonté d’unir nos forces, et une complémentarité sur laquelle capitaliser. C’est la contrainte économique qui force le mariage, celle qui consiste déjà à réduire les coûts. Les CCI vivaient beaucoup sur la taxe dite « pour frais de chambre ». En 10 ans, celle-ci a diminué de 70%, et les deux CCI réunies seront passées de 20 à moins de 6 millions d’euros en 2022. Ces amortisseurs financiers n’existant plus, il faut un niveau de taille critique, massifier, créer de la valeur, innover et développer.
Tout cela n’est pas arrivé du jour au lendemain…
Depuis 2012, les présidents Michel Suchaut (Saône-et-Loire) et Xavier Mirepoix (Côte-d’Or) ont pris en compte cette vision qui entrait dans la logique de Révision générale des politiques publiques (RGPP) voulue par Nicolas Sarkozy. Il y avait une volonté de rationalisation face aux intentions annoncées de l’État. À nous, les chambres de commerce et d’industrie, de nous glisser dans un modèle d’économie de marché, de vendre plus de prestations. Des directions ont été partagées, comme dans la formation continue et la création-transmission.
« À nous, les chambres de commerce et d’industrie, de nous glisser dans un modèle d’économie de marché, de vendre plus de prestations. »
Mais les enjeux de cette fusion ne se limitent pas à des actes de gestion ?
Les grands enjeux de cette mandature sont le multimodal avec nos trois ports (Mâcon, Chalon et Pagny), et la décarbonation. Une commission de transition écologique a été créée. Au départ, le fluvial c’était L’homme du Picardie, les Freycinet. Le transport routier s’est imposé entretemps. Maintenant, il faut parier sur un multimodal ambitieux. Un train, c’est 50 camions de moins sur les routes. Nous sommes dans un contexte favorable. Nous avons un outil à fort potentiel qui est Aproport, ainsi que deux autres ports intégrés dans la CCI. Pagny doit regrouper d’autres actionnaires. Des discussions sont en cours avec Delta Rail, un opérateur de transport ferroviaire qui a créé des lignes avec Calais, mais aussi d’autres entreprises locales. J’ai déjà trois demandes d’actionnariat dans ce port, ce qui prouve qu’il y a un véritable intérêt. Les deux dernières années ont été particulièrement difficiles avec le Covid, mais maintenant l’enjeu c’est aussi d’avoir les concessions attribuées à VNF pour développer une vision à long terme. Pagny en sera la tête de pont et atteindra l’équilibre. Le reste fonctionne.
Propriété de la CCI Métropole de Bourgogne, Aproport gère les plateformes portuaires multimodales de Pagny, Chalon-sur-Saône (ici en photo) et Mâcon. Elle propose un service de logistique complet qu’on nomme « multimodal » combinant la route, le fluvial et le ferroviaire. Le président Pascal Gautheron compte beaucoup sur cette force. © Jean-Luc Petit
La mutualisation de personnel est engagée, notamment par le haut, chez les cadres. Comment faire pour conserver un enthousiasme de conquête ?
Cette mutualisation est en cours depuis 2012. Il n’y aura pas de choc de fusion parce que la pyramide des âges fait aussi son œuvre, la baisse de la masse salariale est amorcée depuis une dizaine d’années. Nous sommes performants dans le domaine de la formation et pouvons l’être davantage. Les CCI ont un volet régalien, la création et l’accompagnement des entreprises. Elles peuvent désormais s’appuyer sur un autre volet, le conseil aux collectivités, notamment auprès des communautés de communes qui réduisent elles-mêmes leur coûts et trouvent en nous une sorte de back office. Nous sommes un partenaire naturel dans le développement économique de leur territoire.
« Ce qui se passe revient à mettre une organisation dans une logique de responsabilité. Il faut sortir pour s’en sortir, tel est notre nouveau slogan. »
On se concentre, mais jusqu’où ? Pour quel bénéfice d’image et d’action ?
Au plus fort de la crise, les CCI ont retrouvé un nouveau lustre. Elles ont assuré la proximité avec les entreprises. En temps de crise, voire en temps de guerre, on voit où sont nos amis. Elles étaient le point d’entrée pour les dossiers de subventions aux entreprises, elles étaient près des collectivités. Elles bénéficient aujourd’hui d’un sentiment de reconnaissance du pays. L’État veut des CCI autosuffisantes qui se rapprochent. La stratégie sera de rendre visible l’activité consulaire sans détruire des emplois. En Bourgogne-Franche-Comté, on pourrait bien sûr imaginer une grande fusion régionale. Mais aujourd’hui, la notion de proximité est recherchée, ce qui impose de la souplesse que n’ont pas les grosses structures. Il y aura des regroupements avec d’autres « petites » CCI sans doute. La CCI BFC a quant à elle une fonction support : informatique, gestion et RH pour toutes les CCI. Elle a un rôle d’interface avec l’export, la Région est son interlocuteur.
Dans tout ça, il a fallu quand même se défaire de quelques bijoux de famille…
Oui, principalement du foncier. L’État avait diagnostiqué ce potentiel dans des CCI qui avaient par ailleurs de la trésorerie disponible. Les CCI étaient, il est vrai, en économie de distribution, avec des budgets qui s’équilibraient sans rien faire. Il fallait aller vers elles mais elles ne venaient pas vers vous. C’est la nature même de l’économie de marché et de l’homme, car l’homme est poussé lorsqu’il a un besoin de survie, de combat. Ce qui se passe revient à mettre une organisation dans une logique de responsabilité. Il faut sortir pour s’en sortir, tel est notre nouveau slogan.