Jusqu’au 31 mars 2022, « Le Bon, le Téméraire et le Chancelier » donne à voir toute la magnificence des arts soutenus par l’État burgondo-flamand au XVe siècle. Alimentée par des collections de toute l’Europe, l’exposition rassemble des pièces majeures à travers trois lieux beaunois et trois personnages clés : les ducs Philippe le Bon (1396-1467) et Charles le Téméraire (1433-1477), ainsi que le chancelier du premier, Nicolas Rolin (1376-1462), fondateur des Hospices de Beaune.
De g. à d. : Charles le Téméraire en 1474, année où le duc de Bourgogne fit à Dijon sa « joyeuse entrée », vêtu d’une armure splendide © François Jay / Philippe le Bon portant le collier de la Toison d’or (d’après Van der Weyden, vers 1450) © MBA de Dijon / Nicolas Rolin extrait du polyptyque du Jugement dernier de Van der Weyden © Hospices de Beaune / F.Vauban.
Le parcours de l’exposition à ne pas manquer cet hiver est articulé sur trois sites à Beaune, qui peuvent être visités indifféremment. Pour une meilleure compréhension de son riche contenu, les organisateurs préconisent de le faire sur une journée dans l’ordre suivant : le musée des Beaux-Arts pour commencer, puis le celui de l’Hôtel-Dieu, avant de terminer par le musée du Vin.
Toutes les collections du MBA ont été mises en réserve pour faire place à une scénographie originale et adaptée. La première salle est consacrée à l’ordre de la Toison d’or, sa fondation en 1430 par Philippe le Bon à Bruges, ses chapitres illustrés par les écus peints de quelques chevaliers. On y admire de nombreuses représentations de la Toison sur manuscrits et armoriaux, ainsi que sur le superbe coffret de Philippe de Croy (1434-1482), comte de Chimay, membre influent de la cour bourguignonne et chevalier de la Toison d’Or.
À la porte Marie de Bourgogne
Sur cette œuvre majeure de Wallonie, se trouve une représentation miniaturisée du célèbre collier de la Toison d’Or. Ce dernier est composé d’une alternance de « fusils » (terme désignant les briquets de l’époque) et de pierres à feu, auxquels était suspendue la toison d’un bélier. Une symbolique en lien avec une devise ducale devenue celle de l’ordre : Ante ferit quam flamma micet (« Il frappe avant que la flamme ne brille »). À travers l’opposition entre de Croy et Nicolas Rolin, qui implante sa famille en Hainaut, on s’immisce ensuite dans la vie politique des États bourguignons, entre les « pays de par-deçà » au nord (Brabant, Flandre, Hainaut…) et les « pays de par-delà » au sud (duché et comté de Bourgogne, comté de Charolais…).
Des œuvres d’orfèvrerie et de sculpture se partagent les deux salles suivantes, dont une superbe statuette-reliquaire en argent et vermeil d’un saint évêque portant le plus vieux poinçon conservé de la ville de Mons (Belgique), ou encore l’expressive mise au tombeau sculptée de Binche (Belgique). En filigrane, transparait le nouveau langage artistique du gotique tardif qui, dès la deuxième décennie du XVe siècle, s’affirme dans les Pays-Bas bourguignons menés par une bourgeoisie marchande en pleine ascension sociale. En sculpture, ce style est notamment caractérisé par le réalisme des personnages et l’agencement brisé du drapé de leurs vêtements. En peinture, il est illustré par les fameux « primitifs flamands » qui introduisent la notion de perspective, s’attachent à respecter les proportions humaines et insèrent les personnages sacrés dans un contexte réel.
Axée sur le règne de Charles le Téméraire, la dernière salle présente un œuvre d’orfèvrerie majeure du patrimoine flamand : la croix-reliquaire offerte par le futur Louis XI à l’église de Hal, près de Bruxelles. L’occasion d’évoquer les relations entre le roi de France et les ducs de Bourgogne. Des relations moins mauvaises que ce qu’on pourrait croire, puisque c’est Philippe le Bon qui escorta le futur Louis XI vers son sacre à Reims, et que ce dernier sera le parrain de Marie de Bourgogne, la fille du Téméraire.
Aux Hospices, entre Jugement dernier et Trinité
Aux célèbres hospices de Beaune, fondés par Nicolas Rolin et son épouse Guigone de Salins, l’exposition s’intègre dans les collections permanentes. Dans la grande salle des Pôvres réaménagée pour l’occasion, le dialogue est rétabli entre une reproduction sur bois du Jugement dernier, le polyptyque de Rogier van der Weyden, replacé sur l’autel comme au XVe siècle, et le Piteux, le Christ de piété descendu de sa console qu’on peut pour une fois admirer de près.
Dans le saint des saints, la salle où est exposé le polyptyque original récemment restauré, le thème de la sainte Trinité, en plein essor en ce XVe siècle, est illustré par des manuscrits faits pour Philippe le Bon ou pour les Rolin, des sculptures, un ornement liturgique, et surtout une célèbre peinture de Van der Weyden issue du musée de Louvain. Dans la grande salle Saint-Louis enfin, les coffres d’époque se mélangent aux sculptures de Vierge de piété (notamment celle de l’église d’Époisses signée Le Mointurier) et des 30 « couvertes » dont faisait déjà mention l’inventaire des hospices en 1501. Ces couvertures d’apparat en tapisserie, qui décoraient les lits des malades lors des fêtes solennelles, sont décorées de tourterelles (symbole d’amour conjugal), des initiales entrelacées de Guigone et de Nicolas, ainsi que de la devise galante de ce dernier « Seulle » (tu es ma seule étoile).
Au musée du Vin, en mémoire de 1453
Le parcours de l’exposition se termine, entre les rues d’Enfer et de Paradis (tout un programme !), au musée du Vin installé dans un ancien palais ducal (XIVe siècle) plein de charme, promis à une grande rénovation de sa scénographie. À côté des collections habituelles, une salle est dévolue à la date charnière de 1453, année du siège de Constantinople et de la fin de la guerre de Cent ans. Les batailles militaires des ducs de Bourgogne y sont évoquées à travers différentes armures et armes de l’époque : vouge (un genre de hallebarde inspirée par un outil vigneron), bardiche et autre couleuvrine (canon à main, ancêtre de l’arquebuse et du mousquet). Messieurs les Bourguignons, tirez les premiers !
« Le Bon, le Téméraire et le Chancelier – Quand flamboyait la Toison d’or », jusqu’au 22 mars 2022 au musée de l’Hôtel-Dieu (Hospices de Beaune), au musée des Beaux-Arts (porte Marie de Bourgogne) et au musée du Vin (hôtel des Ducs de Bourgogne). Le billet donne accès aux trois sites, pas forcément le même jour. Autour de l’exposition, sont proposés des visites thématiques, des ateliers ludiques, un cycle de conférences et un catalogue de 250 pages (25 €). Le vendredi 18 février 2022, on pourra revivre le célèbre banquet du Faisan à l’occasion d’un grand dîner costumé au bastion médiéval de l’hôtel-Dieu (réservation sur beaune-tourisme.fr).