Ce jeudi, la remise officielle des archives de la maison Patriarche à la Ville de Beaune a marqué une grande première, pour le monde des Archives comme pour celui du négoce bourguignon. Jackpot garanti pour les archivistes qui ne font que commencer à ouvrir les cartons…
Par Geoffroy Morhain – Illustrations © Archives municipales de Beaune, Fonds Patriarche / clichés Clément Bonvalot.
Jeudi 30 janvier, fin de matinée. A l’hôtel de ville de Beaune, la petite salle de lecture publique des Archives municipales connaît une affluence peu habituelle. Il faut dire que l’heure est solennelle. Dans quelques instants, Brice Baveux, directeur général de la SAS Kriter Brut de Brut à Beaune, et Alain Suguenot, député-maire de Beaune, vont apposer leurs signatures au bas de la convention de dépôt des archives de l’une des plus anciennes maisons de vin bourguignonnes aux Archives de la Ville.
Des cartons façon « pochette-surprise »
Concrètement, cela signifie le transfert physique de mètres cubes de documents divers depuis les différents lieux où la société Patriarche les conservait (dans de plus ou moins bonnes conditions) jusqu’aux pièces de stockage climatisées et sécurisées des Archives municipales. « En juin 2010, Mme Boisseaux (ndlr: l’épouse d’André Boisseaux, le dirigeant qui a fortement développé Patriarche et sa marque Kriter dans la seconde moitié du XXe siècle) avait déjà donné à la Ville de Beaune les archives de la maison Noémie Vernaux. Là, c’est un peu différent: Patriarche demeure propriétaire de ses documents, mais les Archives municipales en deviennent le dépositaire officiel, en charge de leur classement, leur conservation et leur communication », précise Sonia Dollinger, l’heureuse conservatrice des Archives de Beaune qui vient hériter d’un beau pactole, encore partagée entre l’excitation des premiers cartons qui arrivent tels des pochettes-surprises, et une certaine appréhension devant l’ampleur de la tâche. Il est vrai que les archives en question, comme la maison Patriarche (fondée en 1780), sont pluriséculaires et de toutes natures: du plan aquarellé de l’époque révolutionnaire aux publicités magazines des années 1970, en passant par des collections entières d’étiquettes de vin, des cahiers de vendanges, des livres de comptes, des photographies, des vidéos, des bandes son, du matériel promotionnel varié et même des documents personnels de la famille Patriarche… «Tous ces documents nous arrivent dans des boîtes d’archivage en carton généralement, en relativement bon état de conservation, mais sans aucun classement précis, poursuit Sonia Dollinger. Il s’agit d’abord de les désinsectiser, les dépoussiérer, voire les rénover si besoin, avant de les traiter par thématique, les référencer, puis les numériser et les ranger. On estime que ce travail d’archivage devrait occuper deux personnes (sur les quatre que compte le service) à plein temps ou presque pendant deux ans. »
Un travail de moine copiste
Ce travail de fourmi (ou de moine copiste, c’est selon) n’effraie nullement nos archivistes, trop heureuses d’avoir un tel matériel à leur disposition: « A travers l’histoire de la maison Patriarche, c’est toute l’histoire de Beaune et du monde viti-vinicole qu’on découvre. Quand on pense que cette entreprise a traversé la Révolution française, plusieurs guerres, la crise du phyloxera, toutes les grandes inventions techniques… Il y a tant à comprendre dans ces archives. » Ce sera là le travail des chercheurs, qui pourront désormais venir étudier à loisir tous ces documents. Comme le grand public d’ailleurs, à qui la salle de consultation est grande ouverte. Désormais, plutôt que de dormir sur des étagères poussiéreuses, les archives de la vénérable maison Patriarche seront accessibles à tous. Et c’est bien là le point principal de l’opération. Un partage de mémoire collective qui profitera aussi à la maison Patriarche, bien consciente que « l’histoire, c’est aussi de la communication. »