Nuits-Saint-Georges est une ville profondément attachée à l’esprit de fête. Sur fond de vente des Hospices dépoussiérée et numérisée, la nouvelle édition déconfinée coïncidera avec la Saint-Vincent tournante et le début des Grands Jours de Bourgogne. Les 19 et 20 mars donc, pour un sacré week-end à la gloire de Bacchus.
Au domaine des Hospices de Nuits, les fûts du millésime 2021 patientent sagement. © Jean-Luc Petit
« L’éclat du vin, l’élan du cœur, l’esprit de fête. » Alain Cartron a le sens de la formule pour résumer les festivités de mars qui se profilent. Le maire de Nuits-Saint-Georges capitalise sur un contexte sanitaire enfin assoupli, combiné à une appellation qui n’en finit plus de progresser. Nuits, on l’a assez dit, bénéficie d’une configuration passionnante avec son alter ego Premeaux-Prissey. Blottis dans la vallée du Meuzin, confrontés ici à une combe fraîche, là aux expositions brûlantes, puisant leurs racines dans des sols d’une grande variété, les ceps nuitons sont en immense majorité dévoués à sa majesté pinot (310 sur 316 ha). En résulte une typicité certaine dans le verre, avec jadis un fort caractère qui lui a longtemps collé aux tannins. Les choses ont changé depuis. Les vignerons se sont ouverts à une partition plus élégante, en douceur, sans renier le terroir.
Une vente dépoussiérée
La vente des vins des Hospices est l’un des baromètres de cette montée en gamme. Ces dernières années, grâce à une charité mieux ordonnée (enchères facilitées, retransmission en direct…) l’organisation a franchi un cap. L’arrivée de maître Hugues Cortot a fait du bien sur ce point. Le commissaire-priseur est unanimement apprécié. Il a permis de dépasser le folklore un peu suranné de la vente à la bougie. Une vente des vins en Bourgogne, ce doit être autre chose aujourd’hui. « C’est un pro avec de l’humour et le sens de la formule, qui connait sa salle et la tient », résume un habitué.
Avec 1,9 million d’euros, la dernière édition a fait tomber les records. On peut toujours invoquer le dérapage généralisé en Bourgogne pour relativiser, mais quand même. « Il y a quelques décennies, sur les mauvais millésimes, certaines pièces ne trouvaient même pas preneur », fait-on remarquer côté acheteurs.
Parmi eux, les maisons Albert Bichot (premier animateur de la vente), Faiveley, Delaunay et Dufouleur entretiennent une longue relation intime avec l’événement. Idem pour Thibault Liger-Belair. L’an passé, le vigneron nuiton a secoué son paddle n° 321 pour le compte d’un client au téléphone : l’ultime pièce des Saint-Georges, le plus convoité des premiers crus nuitons, est partie à 32 000 euros. Jamais 228 litres de vin des Hospices de Nuits n’avaient grimpé à cette altitude.
La confrérie des Chevaliers du Tastevin n’en manque pas une miette non plus. Normal, le dimanche, la vente se passe dans son fief du château du Clos de Vougeot. Elle fait le lien avec le défilé de la Saint-Vincent tournante et les festivités de Nuits, ou elle a son siège. Son intendant général Arnaud Orsel partage la lecture de nombreux observateurs : « Nuits ouvre la saison du vin, Beaune la referme. » Et de viser, le jour J, deux cuvées bien précises pour le compte de la confrérie : « Nos locaux sont rue de Chaux et nous achetons toujours le premier cru du même nom, dont la cuvée est baptisée Camille Rodier. Pour Les Saints-Georges, nous optons pour la cuvée Georges Faiveley, rendant ainsi hommage à nos deux fondateurs. »
2021, l’enfant du miracle pour les Hospices de Nuits
Ce genre de signe a son importance ici. Parfois, les dieux du vin le rendent bien : le millésime 2021 au domaine des Hospices de Nuits, c’est 109 pièces de vin (dont une seule de blanc). Soit cinq petites unités de moins que l’an passé. Inespéré dans ce contexte. La Côte de Nuits a certes été soumise elle aussi à une alerte sanitaire, mais elle est plus tardive que sa voisine beaunoise et a mieux résisté aux grosses chaleurs précoces suivies des gelées printanières assassines.
L’expert Aymeric de Clouet, qui fait partie de l’équipe organisatrice, ne dit pas autre chose. « Ce millésime, c’est l’enfant du miracle ! Nous avions dès le départ la conviction que 2021 serait différent de notre trilogie précédente. » Et qu’il faudra l’attendre sans doute un peu plus, « notamment sur les cuvées les plus fraîches », éclaire Jean-Marc Moron. Le régisseur du domaine, trente ans de bouteille, agit comme un révélateur de personnalité de ces beaux climats, 12 hectares au total issus de legs depuis le XVIIe siècle.
L’hôpital dont dépend le domaine ne banalise pas ce formidable patrimoine. En créant une nouvelle cuvée issue de l’assemblage de ses neuf premiers crus, il fait le choix du progrès. Cette pièce de charité sera vendue cette année au profit de l’association APF France Handicap, dont la marraine est la chanteuse nivernaise Élodie Frégé. « Nous prévoyons de renouveler cet assemblage chaque année, annonce François Poher, le directeur des Hospices. C’est une façon de réunir en une cuvée tous nos généreux donateurs. Cela a du sens par rapport à l’origine de notre fondation. ». Aymeric de Clouet estime que cette cuvée collector « fera aussi ressortir la typicité d’un millésime donné, comme une capsule temporelle pour se souvenir ».
Nuits au grand jour !
On se souviendra de 2022, cela ne fait aucun doute. Personne n’a jamais vu, « assemblées » en un seul week-end, autant de réjouissances populaires entre Côte de Beaune et Côte de Nuits. À ce petit jeu, le chaland est le grand gagnant. Il pourra à la fois goûter aux délices citronnés d’un puligny le samedi, puis rendre hommage au pinot nuiton le dimanche. Ou l’inverse, après tout. Rouge sur blanc, blanc sur rouge, il n’y a plus vraiment de règle. Yvan Dufouleur est de cet avis. Le président de l’appellation et ses membres actifs vont une nouvelle fois réunir Les Nuits au Grand Jour pour donner à voir (et un peu à boire) l’esprit de solidarité locale. Même topo pour ce semi-marathon toujours aussi bon enfant, le salon du chocolat tenu par l’infatigable association La Cabotte, le marché, la fête foraine, les défilés, et même un salon du livre. Toutes ces petites gouttes qui, l’une après l’autre, remplissent la coupe de nos amitiés partagées.
Élodie Frégé, ambassadrice made in Bourgogne
Comme chaque année, les Hospices de Nuits-Saint-Georges soutiennent une association en lui versant les profits de la vente de la pièce de charité. Pour la première fois dans l’histoire de la vente, il s’agira d’une pièce de vin inédite et exceptionnelle : un nuits-saint-georges 1er cru issu de l’assemblage des neuf premiers crus du domaine. Elle sera vendue au profit d’APF France Handicap, principale organisation française de défense des droits et d’accompagnement de personnes en situation de handicap, représentée par la chanteuse Elodie Frégé. La chanteuse née à Cosne-Cours-sur-Loire s’est dit « très heureuse de pouvoir soutenir cette association qui prône des valeurs essentielles de solidarité, d’égalité et d’humanisme. Je suis d’autant plus ravie de la soutenir lors d’un événement qui se déroule au cœur de ma chère Bourgogne ».