Clap de fin de notre feuilleton en 4 épisodes sur l’hôtel Darcy et son restaurant : 1977 sonne l’arrivée de Dominik, quatrième génération de Frachot. En contrepied (de cochon) de notre époque qui se vautre dans les fausses délicatesses, on vous sert deux plats de référence : le pâté en croûte et les ris de veau au jus de crémant.
Le pâté en croûte, tranche de patrimoine de la cuisine française, à la carte du restaurant de la Porte Guillaume. © Jean-Luc Petit
Sale temps pour les artistes. Jacques Prévert, Roberto Rossellini, Elvis Presley, Groucho Marx, Maria Callas, René Goscinny et Charlie Chaplin tirent tous leur révérence en 1977. Plus près de nous, à Dijon-Prenois, l’Italo-américain Mario Andretti et sa Lotus-Ford Cosworth remportent le Grand Prix de France de F1, bouclant leur meilleur tour en 1 min 13 s 75. Sur ce même circuit, le 22 juillet, Bernard Thévenet atomise le contre-la-montre du Tour de France.
À part ça, pas grand-chose d’autre dans les années 70. Si, un jaguar en laisse à la Préfecture, une bombe artisanale qui fait exploser un photomaton, des poupées antisémites au Carrefour de Quetigny. Rien de nouveau sous le soleil de l’intolérance malheureusement. Il y a quand même une femme, Françoise-Moret Bailly, que l’on nomme à la tête de l’université de Bourgogne. Elle est la première. Ou encore ce Prix Nobel de médecine, que l’on décerne à un Dijonnais, Roger Guillemin. 45 ans plus tard, nous célébrons les 300 ans de l’université, mais notre seul et unique nobélisé, toujours de ce monde, n’a pas encore son nom sur une plaque locale. Le génie ne paie pas plus que le crime.
Tout le mois d’octobre, allez-y de notre part !
L’hôtel du Nord est né en 1855. La famille Frachot reprend l’établissement en 1907. Après François, il y aura Alfred (1920), Henri (1939) puis Dominik (1977) qui, cette année, a décidé de le rebaptiser hôtel Darcy pour mieux le référencer dans le réseau des réservations en ligne. En revanche, le restaurant porte toujours le nom de Porte Guillaume, en référence à Guillaume de Volpiano alias Guillaume de Cluny, abbé de Saint-Bénigne. En partenariat avec DBM, Dominik Frachot propose de servir au restaurant de la Porte Guillaume, en octobre, les plats présentés dans cette chronique. Pour manger comme à l’époque, c’est le moment ou jamais ! Pour réserver : 03.80.50.80.50 – hotel-darcy.fr
Pomme rissolée
Du côté de Darcy, des citoyens réunis ont sauvé in extremis l’Hôtel de la Cloche d’une destruction annoncée. Il s’en est fallu de peu. À l’autre bout de la place, Dominik Frachot prend les rênes de l’Hôtel du Nord. « Moustache n°4 » sera l’homme des transformations. Sous sa direction, l’informatique fera son entrée, les chambres et la façade seront refaites à neuf plusieurs fois… Bref, chaque année sera l’occasion d’investir jusqu’à ce point d’orgue : le changement de nom. En 2022, poussé par la nécessité d’être bien référencé en ligne, l’Hôtel du Nord devient Hôtel Darcy.
Dominik Frachot, c’est une force tranquille rivée aux traditions. La table du restaurant de la Porte-Guillaume est le reflet de cette posture assumée pour la défense d’une cuisine délicieusement bourgeoise, posée sur les classiques du terroir et, le plus souvent, les valeurs bourguignonnes. Parmi ses propositions, il en est deux représentatives de « l’ère Dominik » : le pâté en croûte et la pomme de ris de veau rissolée avec un jus de crémant de Bourgogne, des noisettes torréfiées, avec pommes Charlotte et patate douce. Ces grands classiques remettent le goût au milieu du village de nos madeleines de Proust les plus tenaces.
Les ris de veau avec leur jus au crémant de Bourgogne. © Jean-Luc Petit
Seigneur des abats
Avec le pâté en croûte (ou pâté croûte, les deux se disent), on plonge dans l’un des volets les plus croustillants de notre histoire gastronomique. À l’origine, la croûte était là pour conserver. Aujourd’hui, on en veut pour sublimer cette charcuterie pâtissière multi sensorielle, qui se remplit, au gré du vent et du lieu, de porc, de farce, de veau ou de gibier. Une règle s’impose en toute circonstance : le pâté en croûte doit contenir au moins 50% de viande. Notons qu’il s’en consomme en France plus de 6 500 tonnes chaque année. Chaud devant !
Quant au ris de veau… Ce seigneur des abats, très prisé des connaisseurs, demande préparation et attention. Dégorgé, blanchi, égoutté et rafraichi, il ne supporte pas les approximations de cuisson. Avec lui, quand ça sent le roussi, ça peut sentir bon. Avec un jus de crémant, ça pétille en plus. Il est aussi l’expression ultime du respect de l’animal. Les abats, un crédo qui nous anime intérieurement, sont non seulement ce qu’il y a de plus exigeant à cuisiner : ils ont une valeur anti-gaspi. Ils permettent de savourer l’animal sacrifié pour la table jusqu’au bout de ses pieds, jusqu’au moindre recoin de sa cervelle. Et ça, à défaut d’être politiquement correct à notre époque qui raffole des fausses délicatesses, c’est diablement bon et farci de bon sens !
Les autres épisodes de La Porte Guillaume
👨🍳 #1 : 1907 et l’œuf bénédictine
👨🍳 #2 : 1920 et le consommé de bœuf
👨🍳 #3 : 1939 et les bouchées à la reine
© Stéphane Rouillard / Kyonyx Photo