Par Dominique Bruillot
Dans le dernier numéro de Dijon Beaune Mag, notre éditeur Dominique Bruillot revient sur l’aventure d’un trio d’entrepreneurs : Nicolas Isnard et David Lecomte, les chefs étoilés de « La Charme » à Prenois et l’ancien footballeur Eric Carrière, qui ensemble revoient le positionnement de l’ancienne Taverne des Halles à Dijon pour y faire naître une nouvelle adresse : Dav’n’Co. L’aventure, c’est l’aventure et elle est aussi belle que bonne…
« On va rayer le mot “taverne” des esprits. » Un an après avoir repris à la barre du tribunal de commerce l’exploitation de la Taverne des Halles, « Nico » a conscience que cette opportunité imprévue au programme ne peut être saisie sans la signature assumée de ses repreneurs. Il sait qu’il doit rompre avec le passé de cette vénérable bâtisse aux boiseries chaleureuses, cependant marquée dans les mémoires dijonnaises par l’image émoussée d’un certain maître brasseur. Il sait aussi qu’il doit rayer de la carte la choucroute historique et remettre en question sa première tentative de positionnement sur le poisson, finalement inadaptée quand on est aussi loin des ports de pêche.
Sur la planète bistronomique
L’enseignement étant le nom que l’on donne à ses erreurs, le cuisinier réinjecte dans la boucle de ses propositions des plats capables de séduire le gastronome du circuit court. Après tout, face aux halles, que peut-on travailler de mieux que les légumes, les viandes et les abats qui font la richesse de la planète bistronomique ?
Symbole s’il en est du changement en cours, le duo de la Charme et son complice-associé-ami-footballeur-chroniqueur-négociant Eric Carrière (l’ancien footballeur « pro » est aussi l’un des grands consultants de Canal +), ont rebaptisé fièrement leur lieu : Dav’n’Co. Sur l’enseigne de l’ex-Taverne, il y a désormais du David et du Nicolas, de la fierté d’être là, du « and co » aussi, en hommage à leur camarade vénéré par la France du ballon rond.
Le décor ne change pas pour l’instant. Il fait l’affaire. Le changement est bel et bien dans les assiettes. Avec, en première ligne, une formule du jour basée sur les plats de grand-mère revisités, à 16 euros clés en main. Nico est sur place tous les jours, près de ses troupes, pour mener à bien cette nouvelle barque qui fait de la (savoureuse) blanquette et du parmentier de bœuf contemporain ses figures de proue. Remontent alors à la surface de la carte certaines créations qui, en leur temps, permirent de décrocher une étoile. La raviole ouverte d’escargots et son écume d’ail renaissent ainsi dans le quartier des Halles. L’œuf-mayo version 2014 s’affiche comme un « must » du millésime en cours. Côté vins, pour étoffer l’offre, c’est tout bête, on a mutualisé avec les allocations du Bistrot des Halles, établissement frère et voisin puisqu’appartenant au même trio. Les bourgognes ont retrouvé leur rang et leur diversité.
Un avant-goût de la Charme
David et Nicolas, ça sonne un peu comme un duo des années quatre-vingt. Cette faculté d’adaptation, cette omniprésence que leur apporte Kook’in, leur activité fourmillante de traiteur, reflète le côté « populaire » de leur répertoire. Pourtant, après avoir imposé l’Auberge de La Charme parmi les meilleures tables de la Bourgogne, ils se verraient bien rejoindre William Frachot dans le ciel, désert à Dijon, des deux étoiles. A Prenois, la cuisine que proposent « Tic et Toque » (surnom que leur donne bien affectueusement l’auteur de ces lignes) vaut le détour. En soirée surtout, quand le menu dégustation renforce le caractère romantique et l’appétit amoureux d’un tête-à-tête avec Madame. Là, on se dit que tout est possible. On se dit qu’il y a derrière le piano de l’auberge, un formidable numéro de duettistes capables, à tour de rôle, de jouer les valses de Vienne jusqu’à en épuiser la salive des gourmands. Le talent n’est pas dans le genre, il est dans l’accomplissement des choses.
Oui mais voilà. La gastronomie de haut niveau, quand en plus elle repose sur l’énergie de deux chefs siamois aussi complémentaires que distincts dans les caractères, ne peut se suffire à elle-même. Surtout à l’écart de la ville. Le Bistrot des Halles et le Dav’n’Co sont donc devenus de jolis lieux d’appel, aux vocations aussi différentes qu’attractives. Ils donnent envie de remonter jusqu’à la source d’inspiration de Tic le communicant et de Toque le gardien du temple. Ils sont les positions avancées (plus tendance pour le premier, plus rabelaisienne pour le deuxième) de la belle Auberge de La Charme. Le lien entre les trois établissements est désormais pleinement assumé. Tant mieux, car cela se voit déjà dans l’assiette. Une nouvelle histoire commence.