La Bourgogne uniquement connue pour ses grands crus, ce sera peut-être du passé. Avec la demande qui ne cesse d’augmenter sur les marchés de crémant AOC de Bourgogne et une offre qui ne peut pas suivre, le vin effervescent souvent relégué à tort au rang de champagne bon marché pourrait devenir un produit de plus en plus luxueux. Si la demande flambe, les producteurs ont choisi de répondre par une action : la valorisation qualitative de leur production. A l’heure actuelle, le crémant de Bourgogne AOC représente 2400 opérateurs dont 107 élaborateurs et 35 caves coopératives.
Comme le chômage, le crémant de Bourgogne AOC peut progresser dans le repli. La faute – peut-être – à un pessimisme bourguignon légendaire. « Les Bourguignons ne se rendent pas compte de la valeur de leurs produits, précise Pierre de Couëdic, directeur de l’UPEC (Union des producteurs et élaborateurs de crémant de Bourgogne), le crémant de Bourgogne existe depuis 200 ans et depuis plus de 150 ans, on l’exporte, notamment à New-York. » Quoiqu’il en soit, des replis comme celui annoncé à 7,5%, tous les industriels s’en contenteraient bien, d’autant qu’il faut le relativiser : « Les crémants de Bourgogne sont en repli dans la grande distribution, notamment les discounts parce qu’ils intègrent des circuits de distribution plus valorisés. » Pour résumer : ce crémant-là, réputé (à tort) être « le champagne du pauvre », est en train de s’embourgeoiser. Et de franchir allègrement les frontières…
Prix stables, jusqu’à quand ?
Le crémant AOC devient certes un produit noble mais pour le moment il se négocie toujours à des prix stables. Mais cela va-t-il durer ? Pas certain si l’on se fie à la toute bête loi de l’offre et de la demande… Car les consommateurs de crémant de Bourgogne sont de plus en plus nombreux. Cela tient d’abord à la façon de le consommer qui évolue. « On buvait du vin effervescent aux fêtes, aujourd’hui on le consomme en été parce qu’il est frais et faible en alcool, en apéritif » note Pierre de Couëdic. Une démocratisation à laquelle s’ajoute une demande en hausse des pays importateurs. « Les exportations représentent 33% des ventes et cette part augmente d’un point chaque année ». Curieusement, tandis que les grands crus s’envolent vers la Chine, les crémants de Bourgogne partent à l’opposé et représentent 10% des vins exportés vers les Etats-Unis, le Canada et les pays scandinaves, déjà grands consommateurs de vins de Bourgogne.
« La Suède notamment ne produit pas de vins ; elle est donc plus ouverte aux produits nouveaux », détaille Pierre de Couëdic. D’autres pays les rejoignent : le Japon, où les réseaux de distribution sont déjà bien ancrés, l’Australie, même si le pays océanique se lance dans sa propre production de vins à bulles, et l’Asie, déjà grande consommatrice de vins rouges. Or si la demande ne cesse d’augmenter, l’offre elle n’est pas extensible.
«Nous n’avons pas assez d’espace en Bourgogne et nous ne pouvons pas nous étendre», constate le directeur de l’UPEC. Plus de demande, une production qui évolue en moindre proportion, et donc une augmentation des prix à prévoir mais aussi, et c’est une bonne nouvelle, une hausse de la qualité : « Les producteurs ont bien compris que la réponse adaptée était de valoriser leur produit, ajoute Pierre de Couëdic, même si les parcelles dédiées au Crémant AOC sont en légère augmentation ».
2014, dans la tendance
Il faut en effet comprendre que pour faire du crémant de Bourgogne, à la différence des vins tranquilles, les conditions culturales de la production sont différentes et les rendements radicalement plus importants. D’où la nécessité de développer des parcelles spécifiquement consacrées à cette production et installer plus encore le positionnement qualitatif du crémant de Bourgogne sur le marché. Actuellement, ce dernier se vend plus cher que tous les autres crémants (7 à 8 euros en moyenne), mais beaucoup moins, évidemment, que les champagnes, plus proches des 17-18 euros. A terme, il n’est pas impensable de situer le crémant de Bourgogne à mi-chemin entre l’ensemble des pétillants, ceux d’Alsace compris, et les produits champenois.
A l’international, malgré l’arrivée sur les marchés des vins effervescents chinois ou australiens, la France, l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne caracolent en tête des pays producteurs de vins effervescents en valorisant un savoir-faire qui permet aussi l’émergence de nouveaux produits : « Quand les rosés effervescents sont sortis, explique Pierre de Couëdic, on s’attendait à un phénomène de mode mais le produit s’est ancré dans les habitudes de consommation ». Selon le directeur de l’UPEC, 2014 s’inscrira dans cette tendance : « La production 2013 a été moins bonne que les années précédentes et l’offre sera d’autant inférieure ». En perspective donc, une raréfaction des produits pour une demande en hausse, etc… on aura compris !