Beaune et Pékin, les nouveaux amis des Cités des vins

Vendredi 16 juin, en pleine célébration de sa Cité des Climats, Beaune actait également le jumelage avec le district chinois de Fangshan, à Pékin, où s’ouvrira l’an prochain un musée international du vin aux accents français. Les maires Alain Suguenot et Yang Bo ont donc bien des raisons de rester en contact. 

Le maire de Beaune Alain Suguenot recevait son homologue chinois du district de Fangshan, Yang Bo, ce vendredi 18 juin à l’hôtel de ville. © DijonBeaune.fr

Incognito ou presque, un petit groupe de Chinois costumés explore la Cité des Climats de Beaune fraichement inaugurée ce vendredi 16 juin. Cette vrille sortie de terre après deux ans de travaux semble l’inspirer. La délégation se montre discrète mais ne rate pas une miette de l’événement. Elle est venue représenter Fangshan, l’un des plus importants districts du sud-ouest de Pékin, 1,2 million d’habitants. Son maire Yang Bo n’a pas fait le déplacement par simple courtoisie : à 8000 km de Beaune, Fangshan se prépare à accueillir lui aussi son temple mondial du vin, l’International Museum of Wine (IMWine), censé accueillir 500 000 visiteurs par an.

Alter ego de la Cité du vin de Bordeaux, ce projet repose sur une importante collaboration franco-chinoise. L’inauguration est fixée à l’été 2024, à l’occasion du 60e anniversaire de la reconnaissance de la République populaire de Chine par la France. Les agendas d’Emmanuel Macron et de Xi Jinping sont annotés. La scénographie du projet culturel, elle, a été confiée aux Ateliers Adeline Rispal, déjà signataires des cités de Chablis et Mâcon. L’ensemble est piloté par un bureau de préfiguration, BVF Paris, dont le président est Philippe Garnier, homme du vin, sinophile avéré et… Bourguignon basé à Auxey-Duresses. Lui et son directeur général Jean-Marc Menant suivaient de près une délégation notamment composée de Kang Wen, président de Zhong Pu Hui, la société qui exploitera IMWine.

La délégation chinoise de passage à Beaune. Au centre, chemise rose, Kang Wen, exploitant du futur musée du vin de Pékin. © DijonBeaune.fr

À Bordeaux, Paris et Beaune

Les dirigeants de Fangshan ont mis à profit leur séjour. En début de semaine, ils ont d’abord visité la Cité bordelaise et échangé avec ses acteurs. Puis ont transité par Paris, à la rencontre d’une vingtaine d’entreprises françaises dont Air Liquide, pour vanter les vertus de leur future zone économique. Historiquement dévoué à l’agriculture et à l’exploitation de ses richesses naturelles, le district pékinois est en train de bâtir son nouveau destin économique, en accueillant tour à tour le futur siège d’une « licorne » qui fabrique des batteries lithium à l’état solide, un incroyable Legoland, puis un grand parc de recherche dédié au panda géant.

Beaune avait donc bien des raisons de poser les bases d’un échange, au-delà des politesses d’usage. Pour la ville et sa Cité des Climats, il s’agit avant tout de « populariser ce nouveau temple de la vigne et du vin au-delà de nos frontières », dixit son maire Alain Suguenot, rappelant au passage qu’un peu de sang chinois coule dans ses veines de Beaunois par son arrière-grand-mère maternelle venue d’Indochine.

Le Musée universel du vin de Pékin est prévu pour 2024. © Architecture Studio

Beaune et Pékin, deux ponts pour mieux se (faire) comprendre

Beaune et le district pékinois ont commencé à en parler par visioconférence, dès 2021. Avant de signer le jumelage, le vendredi en début d’après-midi à l’hôtel de ville, Alain Suguenot a rappelé quelques évidences culturelles. La Vente des Hospices est un aimant à jeunes acheteurs chinois, souvent plus experts en la matière que les Bourguignons eux-mêmes. On ne compte plus les couples asiatiques mariés dans la capitale des vins de Bourgogne, ou d’autres venus apprendre l’art de la viticulture.

Alors qu’elle se cherche une crédibilité mondiale en matière de vin, la Chine apprécie le soutien français. Elle s’engage à renforcer son contrôle sur les contrefaçons, engagé depuis plusieurs années déjà, en particulier concernant les vins de Bordeaux dont elle représente le premier marché mondial depuis dix ans. Le pays dispose d’un gigantesque potentiel de consommation, mais son acculturation au vin – le rouge en particulier – reste encore le privilège, à l’échelle d’un pays vingt fois grand comme la France, des niches urbaines à la consommation occidentalisée. Les Cités de Beaune et de Pékin forment donc des ponts pour mieux se (faire) comprendre.

L’influent Monsieur Tang

Le personnage clé de ce « grand rapprochement », qui aurait dû faire partie de la délégation beaunoise s’il n’avait pas été stoppé aux portes de l’aéroport pour cause de covid, se nomme Weixing Tang. Cet homme d’affaires francophile partage sa vie entre Pékin et Paris. C’est lui qui a imaginé, il y a une dizaine d’années, la création d’un village du vin à Pékin.

En 1998, M.Tang a fondé à partir de quelques ceps le Château Bolongbao, devenu en l’espace de quelques années le domaine chinois le plus qualitatif. Sur 70 hectares dans la région de Fangshang – le musée du vin sera construit juste à côté – dominent les cépages rouges méridionaux (merlot, cabernet sauvignon et cabernet franc) et quelques blancs (chardonnay, petit manseng, viognier, roussanne…). Rareté mondiale, le domaine revendique une triple certification bio européenne, chinoise et américaine.

Là encore, les liens avec la Bourgogne sont multiples. Le régisseur chinois, Xue Fei, a étudié le vin à Dijon. Philippe Garnier, le boss de BVF, a accompagné cette aventure dès ses débuts. Ce marchand de vins est tombé en amour de l’Empire du Milieu à l’aube des années 2000. Ses voyages incessants ont fait un discret mais très influent conseiller pour la création de plusieurs vignobles, mais aussi dans le cadre de partenariats commerciaux avec des compagnies aériennes chinoises. Les grands bourgognes en classe affaires d’Air China, c’est lui.

D’une cité à l’autre, de Beaune à Pékin, c’est donc la grande saga des explorateurs de mondes nouveaux que l’on effeuille. « Il y a des tas d’histoires à raconter », prévient Philippe Garnier, dont les petits-enfants sont eux-mêmes franco-chinois. Affaire à suivre, donc, sachant que la ville de Beaune sera de l’inauguration à Pékin en 2024. « Les rendez-vous sont déjà pris », confirme Alain Huguenot, promettant de se mettre au mandarin d’ici là.