À l’aube de la Saint-Vincent tournante de Morey-Saint-Denis et Chambolle-Musigny (27-28 janvier), Christian Roux veille déjà sur les prochaines éditions. Ambassadeur de la fête viticole depuis 2014, le vigneron de Saint-Aubin met son temps et son goût des autres à profit.
Par Killian Cestari
La Saint-Vincent, pour lui, c’est un peu tous les jours. Après une vie bien remplie à la tête du (très bon) domaine familial pendant près de 40 ans, Christian Roux a passé le flambeau viticole à ses fils Sébastien et Matthieu il y a une dizaine d’années. À cette époque, la Saint-Vincent tournante passe dans sa belle vallée de Saint-Aubin, le fief historique des Roux. Rassembleur par nature, Christian en est le président naturel.
La fête est totale dans le village de 200 âmes. La magie opère. « J’ai été piqué par l’esprit Saint-Vincent, avoue volontiers l’intéressé. La fête, l’entraide, le partage, l’amitié et tout ce qui va avec… Ça m’est resté. »
« Prêcher la bonne parole »
Christian devient alors un « retraité actif » comme on dit aujourd’hui. Garante de la tradition, la confrérie des Chevaliers du Tastevin a besoin de relais sur le terrain pour fluidifier le message. « Il fallait quelqu’un pour prêcher la bonne parole », résume simplement celui que l’on présente désormais comme « ambassadeur » des Saint-Vincent tournantes.
Réunions avec la confrérie, accompagnement des futurs villages organisateurs, suivi régulier… Ce « consultant » est une oreille attentive en toute circonstance. Il partage son expérience avec les comités d’organisation, confrontés bien souvent à un défi inédit dans la vie d’une commune. Une manifestation qui attire au bas mot 30 000 personnes (on en attend deux fois plus pour l’édition 2024), cela demande un peu d’organisation… « J’écoute, je conseille, libre à chacun de l’entendre ou non, mais disons que mon rôle d’ambassadeur me permet surtout de fixer un cadre au nom de la confrérie des Chevaliers du Tastevin. » Si la fête a lieu le dernier week-end de janvier, c’est un investissement continuel pour Christian Roux, qui suit avec un plaisir évident chaque édition et anticipe les suivantes.
Le pouls de la commune
L’homme a gardé intact le souvenir des préparatifs en tant que président. « À la Saint-Vincent de Saint-Aubin, le moment fort, c’est quand les vignerons et les voisins, Chassagne, Puligny, Meursault, viennent vous aider à planter les sapins le long de la route avec les gendarmes qui bloquent la nationale. Ce sont des vrais moments de partage. »
De la décoration à l’élaboration des précieux kits de dégustation, en passant par l’élaboration des cuvées, les gens se parlent et se rencontrent. « L’avant est une fête en soi », s’amuse à dire le vigneron, tout heureux de voir à quel point l’effort collectif peut révéler des talents chez des habitants « d’ordinaire effacés ». À l’écouter, cet engagement bénévole ne végète pas au fond de la cuve. La Saint-Vincent tournante a encore de beaux jours devant elle. « Ce qui me marque toujours, c’est de voir la participation de chaque village, du plus petit au plus grand. On sent qu’il y a un lien, un partage spirituel, tout est là. » La fête dit alors beaucoup : « Il n’y a pas mieux pour prendre le pouls d’une commune », image l’ambassadeur.
Restez-vous-même !
Tout l’intérêt pour un village hôte est donc de se présenter telle qu’elle est, avec ses particularités et pourquoi pas ses contraintes, quitte à en faire un atout. « Mon crédo, c’est de dire aux organisateurs : »Restez vous-même ! » Il faut faire la Saint-Vincent tournante à son niveau, ce n’est pas un concours de beauté… »
Il faut également apprendre à faire murir, comme une belle grappe de pinot noir, un événement qui nécessite des années de préparation. Tout cela s’anticipe, ne serait-ce que pour avoir des cuvées qui associent qualité et quantité. Cette année, Morey et Chambolle ont quelque 16 000 bouteilles à partager. Mais ce n’est pas la taille qui compte. « Le fait qu’un petit village comme Saint-Aubin ait accueilli dans de bonnes conditions 50 000 personnes a montré que tout le monde pouvait le faire. » La commune du sud de la Côte-d’Or pourrait d’ailleurs hériter de l’édition 2044, d’après le calendrier propre à la confrérie… Rien de certain, du vin aura coulé d’ici là. Profitons déjà de l’édition 2024 !