Jean-Luc Romero-Michel à Dijon pour le droit de mourir dignement : « Une étape vraiment spéciale »

Mercredi 6 mars, Jean-Luc Romero-Michel, président de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), sera à Dijon pour animer une conférence et présenter son nouvel ouvrage inspiré d’une rencontre fondatrice avec le Dijonnais Alain Cocq. Interview.

Jean-Luc Romero-Michel publie Le serment de Berne (Ed. L’Archipel) en référence au militant dijonnais de la fin de vie dans la dignité Alain Cocq. © Photo fournie par JLMR

Propos recueillis par Amélie Brenon

Adjoint à la maire de Paris et emblématique président de l’ADMD, Jean-Luc Romero-Michel sera à Dijon ce mercredi 6 mars, pour animer une conférence et présenter son nouvel ouvrage sur le sujet. Alors que le gouvernement annonce un texte sur la fin de vie pour le printemps, l’activiste vient de publier Le serment de Berne – De la mort solitaire à la mort solidaire, basé sur une promesse faite au Dijonnais Alain Cocq, qu’il avait accompagné en Suisse en 2021 pour un suicide assisté.

Premier élu – et seul à ce jour – à avoir révélé sa séropositivité, Jean-Luc Romero-Michel raconte à quel point son combat contre le sida est lié à celui pour une fin de vie digne. S’appuyant sur ce serment auprès d’Alain Cocq, il entend « démontrer l’inefficacité des lois Leonetti sur la fin de vie et l’urgence de voter une nouvelle loi sur le modèle belge ».

Ce serment de Berne, vous le devez à Alain Cocq. Pourquoi revenir sur ce moment précis ?
Jean-Luc Romero-Michel : Avec Alain, nous avions une relation singulière. Je l’ai connu quand il a fait ses premiers appels sur les réseaux sociaux (ndlr, en 2017). Je suis venu le voir à Dijon et nous avons sympathisé. Il souffrait d’une maladie orpheline qui lui causait de terribles douleurs. Le 15 juin 2021, je l’ai accompagné en Suisse pour mourir à 58 ans. C’est là-bas, à Berne, qu’il m’a dit : « Il faut que tu continues ce combat jusqu’au bout, on doit avoir une loi dans notre pays. » De là est né ce serment. Alain Cocq était quelqu’un d’attachant, de touchant. C’était un militant incroyable, qui a fait des tours de France et d’Europe en fauteuil roulant pour sensibiliser. J’espère, pour lui et tous les autres, qu’une nouvelle loi sur la fin de vie va venir. Alain n’avait aucune solution. La loi Leonetti actuelle ne lui permettait pas d’être soulagé de ses douleurs physiques.

    Quelles limites voyez-vous à la loi Leonetti ?
    Elle ne suffit pas. C’est une loi faite par des médecins, pour des médecins. Les lois Leonetti (ndlr, il y en a eu trois : 2005, 2010, 2016) sont des échecs notamment en ce qui concerne les soins palliatifs. Je me bats pour qu’il y ait un accès universel aux soins palliatifs. Aujourd’hui, 21 départements français n’y ont pas accès. Ces lois sont absurdes, incomplètes et conduisent parfois à l’acharnement thérapeutique ou à d’autres dérives. Aujourd’hui, on offre comme seule alternative aux gens qui souffrent de fuir comme des parias à l’étranger pour mourir dignement. Mais aller en Suisse ou en Belgique, ce n’est pas si simple, et ça coûte entre 10 000 et 15 000 euros. En France, on a un vrai problème avec la fin de vie. Il y a un manque de moyens financiers et d’accompagnement des personnes.

      Un nouveau texte sur la fin de vie est attendu au printemps en France. Vous êtes partisan du modèle belge. Pourquoi ?  
      D’abord, ce modèle a vingt ans. Des rapports annuels montrent qu’il n’y a aucune dérive. De plus, c’est un modèle équilibré. Trois lois ont été votées : une sur les soins palliatifs, une sur les droits des patients et une sur la dépénalisation de l’euthanasie. Il faut faire exactement la même chose en France. Car à côté des soins palliatifs, il faut aussi une aide active à mourir dans le cas de souffrances insupportables. En Belgique, c’est très simple, au moins deux médecins vérifient et donnent leur avis (ndlr, un médecin accompagnant le patient et un médecin extérieur). Il existe des délais et il faut évidemment réitérer ses demandes. A posteriori, une commission de contrôle vérifie que l’euthanasie a été effectuée dans les conditions de la loi.

      Ce modèle fonctionne-t-il ?
      C’est selon moi un modèle qui fonctionne très bien et pour cause : en 2023, 110 étrangers sont venus en Belgique pour mourir dont 101 Français. Finalement, les dérives ne sont pas en Belgique mais en France. Je milite pour le choix et la liberté, parce que moi-même je ne sais pas ce que je voudrais à la fin. Il faut une loi qui offre toutes les possibilités.

      Jean-Luc Romero-Michel a rendu de nombreuses fois visite à Alain Cocq à Dijon. © Photo fournie par JLRM

      Belgique, Suisse, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Espagne… de nombreux voisins ont légalisé l’euthanasie. Comment expliquer ce retard ?
      C’est assez frappant. La France est le pays des Lumières et nous allons presque être les derniers sur le sujet. Il faut dire qu’il existe deux lobbys qui s’opposent à la révision de la loi. Ce sont d’ailleurs les mêmes que pour le droit à l’avortement. D’un côté, on a les grands médecins, qui ont du mal à comprendre que la personne alitée doit pouvoir décider. Ils jouent un rôle important puisque tous les présidents et les ministres de la Santé demandent d’abord l’avis aux médecins alors que cette problématique relève d’abord de la citoyenneté. Ensuite, il y a l’influence religieuse, importante. Ces deux derniers mois, le président de la République a reçu plusieurs fois tout le monde pour parler de la fin de vie.

      Vous avez accompagné deux Dijonnais, Chantal Sébire et Alain Cocq, dans leur lutte pour mourir dans la dignité. Faire étape à Dijon, ce mercredi 6 mars, est-il important pour vous ?
      J’y tenais absolument ! Dijon est une étape vraiment spéciale, parce que cette ville est liée à deux grandes affaires auxquelles j’ai été étroitement associé. J’ai connu et accompagné Alain Cocq et Chantal Sébire, deux personnes de l’agglomération dijonnaise, dans des moments extrêmement difficiles. Ils m’ont beaucoup ému dans leur façon de transformer leur combat individuel en combat collectif. Ce n’est pas quelque chose de facile quand vous êtes malade et que vous souffrez. Chantal Sébire était atteinte d’une tumeur rare qui lui déformait le visage et lui causait de terribles douleurs. Elle avait trois enfants dont une fille mineure et a fini par se donner la mort chez elle (ndlr, le 19 mars 2008, après avoir demandé en vain au tribunal de Dijon d’autoriser un médecin à lui prescrire un traitement létal). Je les appelle « les héros et héroïnes de l’ultime liberté ». Ils ont été un certain nombre en France. Parmi eux, il y a évidemment Chantal et Alain.


      Jean-Luc Romero-Michel dédicacera Le serment de Berne – De la mort solitaire à la mort solidaire (Ed. L’Archipel, 192 pages, 19€) mercredi 6 mars à 15h30 à la librairie Gibert de Dijon. À 18h, il animera une réunion publique à la Maison des associations.