Mesure-t-on vraiment à quel point la Côte-d’Or est une terre bénie du BMX français ? Bien avant que la Dijonnaise Anne-Caroline Chausson conduise la discipline au sommet de l’Olympe, Beaune, Messigny-et-Vantoux et Saulon-la-Chapelle ont pris très tôt le guidon de ces petits vélos…
Ces petits vélos ont une grande histoire. Héritage direct de la culture motocross californienne, le « bicross » déferle en France au tout début des années 80. Les ados en quête de liberté se jettent sur le guidon. C’est l’époque des Motobécane, Peugeot et autres Raleigh Grifter, des prés mal tondus et des ballots de paille.
Beaune est une terre promise. C’est ici que le premier club de France est créé en 1978, grâce à René Nicolas. Sous l’impulsion de Marcel Seurat, un importateur de motos et papa des BMW de la marque Bicross, ce dernier prend même la présidence de la toute jeune association française de bicrossing. La pratique, certes marginale, se structure. Des gamins de la côte s’emparent du phénomène et, porté par leur talent et leur insouciance, deviendront des légendes de la discipline, à l’instar de Claude Vuillemot ou Fabrice Vettoretti.
Cocorico !
Aujourd’hui, le BMX reste un sport de niche en France. Environ 20 000 licenciés garçons et filles (dix fois moins que la pétanque !) pour 250 clubs affiliés à la Fédération française de cyclisme. Mais sur le plan mondial, cocorico, nous sommes deuxièmes derrière les États-Unis et gagnons régulièrement au plus haut niveau. Rappelons que le premier champion du monde de l’histoire, en 1981 à Pontiac aux États-Unis, était le Français Olivier Imbert !
D’un point de vue régional, le club de Besançon, qui a accueilli les Championnats d’Europe l’été dernier, est intouchable. Mais la Côte-d’Or n’a pas à rougir. Beaune, Saulon-la-Chapelle et Messigny-et-Vantoux ont tous stabilisé leur effectif autour d’une centaine de licenciés et font preuve d’une très bonne entente. Leur réputation d’excellents clubs formateurs n’est plus à faire, comme à Saulon-la-Chapelle, installé dans la zone de loisirs du village, à côté du terrain de foot, et présidé par Nicolas Montenot.
« La plus belle école du cyclisme »
Son confrère Arnauld Goichot, négociant de métier et président de Beaune BMX, mesure de son côté une telle responsabilité d’être le plus vieux club de France. « Tous les anciens et les speakers le savent, on aime bien nous faire un clin d’oeil sur les compétitions, cela nous oblige d’autant plus », commente-t-il depuis la piste de la zone de Vignoles, qui a vu passer quelques phénomènes de la trempe de Baptise Vieillard, champion du monde 2016 en Colombie.
À Beaune, une bonne moitié des pilotes a moins de 18 ans. On peut commencer dès 3 ans avec la section draisienne. Le président est bien placé pour en parler : ses trois petits gars forment la « Goich’team » ! Et quand le niveau s’envole, ces mômes d’une dizaine d’années se retrouvent en Azerbaïdjan pour vivre un Championnat du monde.
« On peut commencer dès qu’il n’y a plus de roulettes sur le vélo. C’est la plus belle école du cyclisme », confirme Jean-Marc Bonhomme. Le président du club de Messigny, au nord de Dijon, a repris le flambeau de son père Bernard, véritable figure de la vie locale, qui avait monté le club en 1983. « Avec un de mes frères ainés, on faisait du bicross dans les lotissements. Mon père a voulu structurer notre pratique… et surtout la sécuriser », sourit l’intéressé. La piste a connu des heures de gloire dans les années 2010, devenant une référence européenne avec des compétitions de très haut niveau. « Le cadre est magnifique, au milieu des pins et des chênes, beaucoup de clubs nous l’envient. Par temps clair, vous voyez des Vosges aux Alpes. »
Le BMX aux JO
Il se compose de deux disciplines : le racing, épreuve olympique depuis 2008, et le freestyle, olympique pour la première fois lors des Jeux de 2021. Durant les JO de Paris 2024, les épreuves de BMX racing se dérouleront sur le site de Saint-Quentinen-Yvelines, où 48 athlètes hommes et femmes se défieront les 1er et 2 août. C’est la place de la Concorde qui accueillera le BMX freestyle (24 athlètes, les 30 et 31 juillet) dans un véritable stade ouvert temporaire en plein cœur de Paris.
Les filles de Messigny
Messigny fait état d’un effectif encore plus jeune. 75% des troupes a moins de 12 ans ! Tout ce petit monde est couvé par des parents « généralement très impliqués » et quelques piliers bénévoles comme Jacky Thibaut, très investi sur le plan national. Le club témoigne d’une belle vitalité, boostée il est vrai par l’absence d’un club dijonnais depuis les années 2010 et la destruction de la seule piste dans le quartier de la Fontaine d’Ouche, ce qui n’avait pas manqué de créer quelque polémique à l’époque.
Là aussi, plusieurs pilotes brillent : « Nos féminines s’illustrent particulièrement, c’est notre petite marque de fabrique », précise Jean-Marc, prenant à témoin des championnes comme Léonie Burgel, 14 ans, membre du Team Sport Dijon et sacrée championne d’Europe dans sa catégorie l’an dernier. Derrière le président, des jeunes s’entrainent justement. Ça vole haut. Personne ne recule devant « Berta », la plus grosse bosse du circuit. Cette école du courage et de la maitrise de soi apporte de bonnes valeurs. « J’aimerais me rapprocher d’un établissement scolaire de Côte-d’Or pour créer une section sportive dédiée à la discipline, afin d’accompagner les jeunes dans des doubles projets sportifs et scolaires », projette le président, qui a transmis la passion à ses enfants Julien et Aurore. Ces têtes blondes, comme tant d’autres, sont nées avec la bosse du BMX. Ont-ils seulement connu l’époque des prés mal tondus et des ballots de paille ?
Anne-Caroline Chausson, à jamais la première
Le 22 août 2008, à Pékin, la première finale olympique de l’histoire du BMX féminin consacre une Côte-d’orienne : Anne-Caroline Chausson. « Elle est arrivée avec le professionnalisme du VTT, elle nous a fait faire un bond énorme », se souvient Jean-Marc Bonhomme. Avant de rafler 19 titres mondiaux (VTT descente) et ce graal olympique, « Anne-Caro » avait crotté ses premières roues dans la gadoue de Mâlain, suivant les roues de ses frangins. Aujourd’hui installée dans le Vaucluse, sortie victorieuse de la course la plus difficile de sa vie contre un cancer, Anne-Caroline Chausson sera la capitaine d’un relais collectif pour porter la flamme olympique sur les pentes du mythique Mont Ventoux, dans sa région adoptive qu’elle aime tant. À jamais la première…