Plutôt méconnue, la peinture germanique de la fin du Moyen Âge et du début de la renaissance fait l’objet d’une triple exposition d’envergure nationale à Dijon, Besançon et Colmar. L’occasion de découvrir de nombreuses toiles et retables inédits, pour beaucoup restaurés pour l’occasion. Suivez le guide !
Longtemps ignorée par l’historiographie, la peinture germanique du moyen-âge et de la renaissance connaît un regain de popularité grâce au travail d’une chercheuse, Isabelle Dubois-Brinklann, assistée d’Aude Briau qui ont établi un catalogue de près de 500 œuvres réparties sur le territoire national. C’est sur ce travail d’ampleur que s’appuient trois musées, le musée des Beaux-Arts de Dijon, le musée archéologique de Besançon et le musée Interlinden de Colmar pour proposer trois expositions simultanées autour de ce grand pan de la peinture européenne.
L’exposition dijonnaise « Maîtres et merveilles, peintures germaniques des collections françaises (1370-1530) », reconnue par le ministère de la Culture comme d’intérêt national, s’ouvre le 4 mai prochain. Elle regroupe 75 pièces exceptionnelles, dont nombre ont été restaurées pour l’occasion, provenant des réserves du musée des Beaux-Arts de Dijon, et de prêts de grandes institutions et de privés. L’exposition s’ouvre sur une toile de Nikolaus Schit (vers 1500) qui résume à elle seule les problématiques touchant les œuvres des primitifs allemands, longtemps mal considérées. « Ce personnage androgyne représenté à cheval a longtemps été considéré comme une image de Jeanne d’Arc, mais les recherches récentes montrent qu’il s’agit de Saint Georges combattant le dragon », détaille Isabelle Dubois-Brinklann. Acquise par des privés, comme la plupart des toiles des primitifs allemands se trouvant en France, la peinture a été ultérieurement léguée par les Besnard, un couple de collectionneurs français, au musée d’Orléans, ville de la pucelle, ce qui, avec le relatif désintérêt des curateurs et des chercheurs, a sans doute contribué à cette fausse croyance.
La peinture allemande du Moyen Âge, il est vrai, ne facilite pas toujours les recherches. Le Saint Empire romain germanique qui en est le terreau se caractérise par sa territorialité variable, s’étendant au plus fort de sa puissance de Cologne à Besançon, Genève, Vienne, Berlin et Hambourg, et ses très nombreux soubresauts politiques. Et une fâcheuse tendance des artistes à ne pas signer leurs œuvres. « Jusqu’au XVIe siècle la pratique de la signature est exceptionnelle et l’identité des créateurs n’est généralement pas connue », confirme Isabelle Dubois-Brinklann.
S’ajoute un tropisme certain de la France pour la peinture italienne, qui laisse les Allemands longtemps dans l’ombre. Pourtant, il est énormément question de lumière dans cette exposition pleine de couleurs et de finesse. De nombreuses toiles représentent la lumière à l’aide de dorures embossées, intégrées à la peinture. Pour mesurer leur effet, les scénographes ont choisi de présenter une toile dans une pièce obscurcie, éclairée par une lumière vibrante censée simuler l’éclairage à la bougie de l’époque. L’effet s’avère saisissant, la toile s’anime subtilement tandis que la lumière révèle les dorures.
Organisée autour de 4 thématiques, l’exposition explore la relative homogénéité du langage formel de la peinture allemande du moyen-âge à la renaissance, et met également en exergue la fonction de ces toiles, entièrement pensées pour la dévotion personnelle de leurs propriétaires. « Ces peintures, alternativement cachées ou déployées selon le calendrier liturgique, guident la prière des dévots », précise la chercheuse. Deux volets d’un superbe retable de la Passion (vers 1500) de l’Atelier du maitre à l’œillet et au brin de lavande de Baden révèlent l’attention portée aux détails dans la peinture germanique ainsi qu’un autre trait caractéristique : l’apparence extérieure des personnages décrit leurs qualités intérieures. Les Saints apparaissent beaux et sereins, là où les tortionnaires tendent au grotesque, leur visage disgracieux affublé de verrues. Ce qu’il y a à l’intérieur se voit à l’extérieur…
Parmi les nombreuses pièces remarquables présentées, un Saint Florian (vers 1460) non attribué mérite un petit focus : il s’agit de la dernière œuvre acquise par le musée des Beaux-Arts de Dijon en matière de peinture allemande, présentée pour la première fois au public.
👉 « Maîtres et merveilles, peintures germaniques des collections françaises (1370-1530) » au musée des Beaux-Arts de Dijon du 4 mai au 23 septembre.
💶 Entrée : 9 euros (5 euros tarif réduit), gratuit le premier dimanche de chaque mois.