Depuis 2020, Joy-Astrid Poinsot et Alexis Blanchard (les danseurs à droite sur la photo ci-dessous) font des merveilles à Arnay-le-Duc. Gardiens d’un héritage étoilé et quasi centenaire, le couple écrit sa propre histoire avec un équilibre parfait entre tradition et créativité.
Chez Camille, il faut le voir pour le comprendre, est une véritable institution de l’ex-RN6. Une histoire quasi centenaire, une cuisine généreuse qui ne prétend pas « revisiter » à toutes les sauces les fondamentaux du goût, un cadre nostalgique et intimiste… En 2020, à quelques jours du premier confinement, Joy-Astrid Poinsot reprend cette maison historique, jadis tenue pendant une trentaine d’années par ses parents Armand et Monique, et entraine dans son sillage entrepreneurial son cuisinier préféré, Alexis Blanchard. « En faisant les marchés les premiers mois, on s’est fait un nom sur la place », assure le duo. Originaire de Normandie, Alexis s’est taillé une réputation de « roi des abats de Paris », époque Chez Grenouille, dans le 9e arrondissement.
Première étoile en 1951
Joy-Astrid et son époux sont les gardiens d’un héritage quasi centenaire. Il faut remonter à 1934 pour trouver la première trace de l’établissement dans le Michelin, décrit comme un hôtel-restaurant « sans confort moderne, avec l’eau froide sur le palier ». Cela dit, on y mange déjà très bien : quiches morvandelles, jambon à la crème, truite à la chambrette… En 1951, le chef Laromanie décroche sa première étoile, qu’il conservera une vingtaine d’années. Un certain Armand Poinsot y entre en apprentissage. Dans les années 80, « à point », il reprend l’hôtel-restaurant avec son épouse Monique et le modernise.
En 1987, l’ancien apprenti décroche à son tour un macaron, porté par des proprositions aux noms délicieusement surranés : crème de grenouille aux perles du Japon, fricassée de chapon fermier archiduc arrosée de vin rouge, lasagnettes d’escargots aux champignons…
Pas si traditionnel
« Ces plats sont de vrais souvenirs d’enfance, c’était une cuisine gourmande et très généreuse », se souvient Joy-Astrid, qui cultive le même goût des autres, dans un univers bien à elle, pas si traditionnel : dans les menus Chez Camille (38 euros) et dégustation (de 58 à 80 euros), l’araignée de mer en pince pour le bœuf, tandis que la volaille est accompagnée d’une purée parfumée… au cacao. Même l’œuf en meurette, dont elle est officiellement la championne du monde depuis son titre au château du Clos de Vougeot, a son brin d’originalité. Alexis, lui, fait des merveilles avec ses pâtés en croûte d’exception. épaulé par une jeune et valeureuse équipe, le couple veut (se) faire plaisir, dans son style enjoué et parfois décalé. Il joue volontiers sur l’esthétique « vintage » des lieux, comme lorsqu’il organise un shooting photo en tenue des années 50.
Les gens sont fans de cet état d’esprit. La trentaine de couverts n’a jamais de mal à trouver preneurs. Le Dijonnais en mal de quiétude ou le touriste revenu du Morvan voisin ne s’y trompent pas. Certains viennent même parfois d’assez loin, comme ce couple suisse ayant fait l’aller-retour dans la journée après avoir vu à l’œuvre, sur les réseaux sociaux, notre reporter-gourmet Gauthier Pajona (lire encadré). Ils sont venus, ont vu, puis sont partis heureux et repus. Chez Camille, de toute façon, c’est un peu la tradition.
👉 Hôtel-restaurant Chez Camille : 1 place Édouard Herriot à Arnay-le-Duc – Site web
Le mot de Gauthier Pajona
« Vieux motard (que jamais), j’ai toujours aimé baguenauder sur nos routes départementales et nationales. Elles ont le parfum de la France d’avant, comme notre fameuse RN6 qui traverse la Bourgogne, et sa copine RN7, plus nivernaise, à l’ouest. Sur ces axes étaient implantées de belles auberges de bord de route. Le menu visible depuis la chaussée figurait un chef rondouillard : maquereau au vin blanc, coq au vin, chou farci… Il y en avait pour tous les goûts. Ces adresses deviennent rares désormais. Quand on traverse Arnay-le-Duc, il est plaisant de béquiller devant Chez Camille. Une maison qui en a sous le pied, avec du cœur à revendre. Le hall est parsemé des clichés de ces vaillants acteurs de l’histoire de la maison.
Pendant 40 ans, inlassablement, Armand et Monique Poinsot y ont accueilli des gens de tous horizons. Leur fille Joy-Astrid a repris le flambeau, entrainant son époux Alexis dans l’aventure. La (top) cheffe reine de l’œuf meurette et le roi du pâté en croûte ont du bonheur à revendre. Le menu à 38 euros est un modèle du genre, d’un imparable rapport qualité-prix ! J’ai encore le goût de la crêpe Suzette, flambée sous mes yeux un soir d’hiver. Et que dire de ce saumon brioché honoré à l’ombre d’un ficus. Chez Camille, on émonde, on assaisonne, on farcit, on tamise, on saisit, on mijote… Bref, on cuisine. Pourtant, la maison n’a même pas droit à une petite citation du Bibendum. Rien, nada, walou ! Joy-Astrid et Alexis ne courent pas après les astres, mais quand même. Une étoile, ce ne serait pas un scandale. »