Elle brûle d’impatience de porter la flamme olympique chez elle, à Saulieu. La nouvelle PDG du groupe Bernard Loiseau garde surtout le cap de la simplicité, avec une maison-mère solide, qui lui fait assumer plus que jamais l’esprit « bistrot »…
Allons-y dans l’ordre : rénovation de Loiseau des Vignes à Beaune, rénovation de l’étoilé Loiseau des Ducs à Dijon, ouverture d’une chocolaterie dans la boutique de Saulieu, création d’une salle de fitness au Spa Loiseau des Sens en lien et place d’un restaurant qui déménage juste en face… Les nouveautés s’enchainent, ces derniers mois, dans la maison Bernard Loiseau. Elles portent la signature d’une autre « BL », Bérangère Loiseau, devenue officiellement l’été dernier, à 34 ans, la PDG d’un groupe familial côté en bourse, employant 130 personnes (dont 80 dans le Morvan) et naviguant entre 9 et 10 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Le cœur qui irrigue
« Saulieu est le cœur qui irrigue, notre ancrage où l’on doit rester forts, pour pouvoir se projeter ailleurs », image-t-elle, heureuse d’avoir pu mener à bien, fin 2022, l’acquisition de l’Hostellerie de la Tour d’Auxois, juste en face du Relais, où il lui arrivait d’aller déjeuner petite, le mercredi midi avec sa maman. Une bâtisse du XVIIe fort bien tenue, 35 chambres, des espaces réceptifs prometteurs et un restaurant rénové puis rebaptisé illico Loiseau du Morvan, avec sa belle rotonde et une terrasse qui fait honneur au soleil. Pour trouver une alternative au deux étoiles, avec un menu déjeuner à 28 euros, il suffit donc de traverser la rue, comme dirait l’autre.
Bérangère imprime son style. Elle reconnait aimer quand les choses vont vite. Tout en capitalisant sur la puissance d’un nom de famille et d’une marque, elle semble cultiver plus que jamais un goût pour la simplicité. « Pourquoi Bernard Loiseau était aussi connu ?, fait-elle mine de demander. Il était multi-étoilé mais populaire dans tous les sens du terme, connu dans l’intimité des cuisines grâce à ses livres de recettes. Il savait parler aux gens. »
L’esprit bistrot de la famille Loiseau
Exit donc, ces farfeluteries marketing du monde de la restauration et cet adjectif « bistronomique » que l’on nous sert à toutes les sauces. Le groupe Bernard Loiseau revendique maintenant sa petite constellation de « bistrots », des valeurs on ne peut plus sûres, dans des villes où l’on sait vivre (Beaune, Besançon, Saulieu), supervisés notamment côté carte par Alexandre Dutat, jeune et créatif chef de Loiseau des Vignes.
Tout cela autour de plusieurs marqueurs forts, dont l’élégante et copieuse œnothèque et le chariot de desserts. Ce positionnement a beaucoup de sens. Il en va de même pour cette chocolaterie nouvellement installée dans la boutique, tant Bérangère est une fan inconditionnelle du produit et y passait son argent de poche, comme son père, « l’un des premiers chefs à intégrer une chocolaterie à sa cuisine ».
L’ainée des BL reste en effet la fille de ses parents. On le voit à ce café qu’elle prend systématiquement avec du lait, héritage d’une tradition alsacienne maternelle, ou à ce caractère de fer caché sous ses vestes en velours. Et cette façon naturelle qu’elle a de redemander un peu de sauce au restaurant, quand elle trouve ça vraiment bon…
Cette culture de la gourmandise se fond dans un parcours assez original. À 12 ans, Bérangère est partie quelques mois dans une famille en Chine pour apprendre le mandarin et d’autres choses qui ouvrent l’esprit. « Maman avait lu ce livre d’Alain Peyrefitte, Quand la Chine s’éveillera le monde tremblera (1973), ça l’avait beaucoup marquée », confie celle qui a repris les cours intensément et est capable de tenir une conversation.
« Si ça touche, t’achètes ! »
La PDG supervise donc un groupe à sa manière, « où la notion de transmission s’opère tous les jours, à tous les niveaux », en gardant actif son « radar à talents » qui lui permet de promouvoir par exemple la jeune Vanessa Gasté, directrice de salle à Dijon. Elle surveille aussi les opportunités foncières à proximité immédiate de la maison-mère, parce qu’il faut toujours anticiper, suivant les préceptes d’un certain Paul Bocuse : « Si ça touche, t’achètes ! »
Sa sœur Blanche, encore une BL, va rester plusieurs mois à Tokyo pour lancer la grande aventure Loiseau de France. « Une vraie fierté de revoir ce nom à l’international, dans un pays qui aime Bernard Loiseau et auquel nous sommes très attachés », loue la dirigeante, tout en confirmant que d’autres projets à l’étranger suivront un jour ou l’autre, au fil des opportunités, sans folie des grandeurs.
Qu’en pense la reine mère ? Dominique Loiseau prend un peu de repos mérité dans son jardin secret de Saulieu. Elle se fait marraine d’événements qui la touchent et retrousse les manches pour les Journées gourmandes, dont elle est la présidente d’honneur.
Le 12 juillet, entre 10h et 10h30, sa fille ainée portera la flamme olympique le long de l’avenue Bernard-Loiseau. Pour l’encourager, la pâtissière maison Lucile Vigilant a créé une flamme en chocolat, exposée à la boutique. « Et moi, je m’entraîne en portant une bouteille d’eau ! », dédramatise l’intéressée, un brin intimidée par le cérémonial mais déterminée à en faire un événement historique. Les Loiseau ont la niaque, on l’a dit, redit et re-redit. Cette année, c’est un peu particulier : Bérangère a la flamme.