L’Audace d’Entreprendre lance son mouvement au Zénith de Dijon le 1er octobre. Animés par les vertus du collectif et de l’engagement, son créateur Jean-Philippe Girard et son commissaire général David Butet veulent faire brûler plus fort encore la flamme de l’entrepreneuriat, au travail ou dans le monde associatif, que l’on ait 10 ou 70 ans. Interview en forme olympique.
L’Audace d’Entreprendre dit assez bien son nom et ses intentions. Un mouvement de plus dans la « start-up nation » ?
Jean-Philippe Girard : Pas du tout, L’Audace d’Entreprendre est complémentaire de toutes les initiatives actuelles. C’est un mouvement territorial, citoyen et d’intérêt général, qui aborde toutes les formes d’entrepreneuriat de 10 à 70 ans que ce soit sur les plans économique, social, sociétal, environnemental, caritatif, solidaire… Il abordera également des notions fondamentale comme la philanthropie et le capitalisme responsable.
David Butet : La France n’est pas qu’une « start-up nation ». Elle compte de très nombreux entrepreneurs, de TPE, PME, ETI et grands groupes, mais aussi des présidents d’associations, de fondations, de fonds de dotation… Notre mouvement vise à déterminer, pour chaque Français, quel entrepreneur il est.
Les acteurs économiques adhèrent, à l’image du réseau Entreprendre Bourgogne pour ne citer que lui. Notre écosystème local mérite-t-il une médaille olympique ?
JPG : Il mérite une médaille « par équipe » ! Les acteurs régionaux se mobilisent chaque jour pour accompagner, aider, susciter les créations et reprises d’entreprises, d’associations, de fondations, sans oublier d’aider à rebondir.
DB : Le réseau est dense, c’est vrai. Il arrive que des individus soient encore seuls dans leur « couloir de nage » et ne voient pas celui d’à côté. L’Audace d’Entreprendre permet ces synergies.
Ce mouvement national est appelé à faire des petits…
DB : Il est fait pour être décliné. Nous considérons que l’échelle départementale est la plus efficace pour l’entrepreneuriat, car les réseaux locaux sont très proches des porteurs de projets et donc performants.
JPG : Lille, Orléans, Paris, Bordeaux, Lyon et Marseille sont déjà intéressées. Leurs représentants seront présents à notre lancement au Zénith de Dijon.
Conférences et tables rondes, le monde de l’entreprise connait… et a parfois le nez sur son smartphone durant les débats. En quoi l’événement fondateur de « L’Audace d’Entreprendre » sera-t-il audacieux ?
JPG : C’est vrai, ce sera notre premier combat… Nous voulons susciter l’envie, allumer une flamme pour éviter de regarder son smartphone, sauf pour y prendre des notes et prendre des contacts !
DB : Chaque réseau d’accompagnement proposera ses conférences, tables rondes, ateliers ou animations. Le lancement de « L’Audace d’Entreprendre » ne sera pas un énième salon, mais nous aurons de nombreux espaces pour permettre de vivre des expériences : escape games, jeux de plateaux, quiz, jeux vidéo…
Le « mur des idées » est une bonne idée. Quel en est le principe ?
JPG : Des entrepreneurs ont des idées dans des cartons qu’ils n’ont jamais eu ou pris le temps de développer. Pourquoi les perdre ? Mieux vaut les proposer à de futurs entrepreneurs qui pourraient les booster et en faire des succès.
DB : Nous voulons être le plus pragmatique possible. Ce mur permettra à chacun d’exposer son idée en quelques lignes et de la proposer à tous les visiteurs du 1er octobre. Les intéressés pourront ensuite être mis en relation avec le porteur ou la porteuse de l’idée, la développer ensemble ou avec d’autres. Peut être le début d’une grande histoire.
Vous avez été photographié devant notre mur, une fabrication maison et imagée. Le post-it est-il encore un bon support, à l’ère de l’IA ?
DB : Pendant très longtemps, j’ai été un adepte du post-it pour noter des idées, les contacts que j’avais, mes to-do lists. Depuis le smartphone, j’utilise mes notes, qui sont classées et m’accompagnent en permanence.
JPG : Me concernant, le post-it a été un support étonnant de réussite, même au niveau national. Il a une vertu universelle et permet de libérer l’expression de mots, de pensées, de désaccords parfois, de messages que beaucoup hésitent à évoquer par peur du ridicule ou de la foudre.
L’initiative concerne les 10 à 70 ans. Pour les tranches d’âge du milieu, on voit à peu près. À quoi ressemble l’entrepreneuriat à 10 ans ? Et à 70 ?
JPG : Des initiatives formidables naissent dans des écoles primaires et des collèges grâce à des gens comme Jean-Michel Cadet et l’association Eosis. Son programme « Germes d’entrepreneurs » invite des jeunes de 10 à 12 ans à comprendre ce qu’est l’acte d’entreprendre. C’est formidable et ressourçant. Puis il y a la fédération « Entreprendre pour apprendre », « Les Entrep’s » du Réseau Entreprendre, et plein d’initiatives universitaires et territoriales. À 70 ans, on entreprend pour les autres, on partage son expérience à des porteurs de projets, on leur évite quelques pièges… On revit l’entreprise au travers de créateurs et repreneurs audacieux et déterminés. Beaucoup de seniors dans ce cas me disent que ça leur fait du bien.
DB : Lors de notre conférence de presse de lancement, nous avons fait témoigner Flavie, une jeune de 10 ans qui avait participé à « Germes d’entrepreneurs ». Elle a déjà pour projet d’aider les enfants qui ne peuvent pas parler à leurs parents de leurs problèmes. Cette idée pourrait devenir une association ou une entreprise. L’essentiel est surtout son éveil à l’entrepreneuriat. Je connais des « jeunes entrepreneurs » de 70 ans, qui ont passé leur vie en tant que salarié et ont créé une entreprise de conseil ou une association. Beaucoup vivent aussi l’entrepreneuriat « par procuration » en devenant actionnaires d’entreprises ou donateurs réguliers pour des associations, tout en accompagnant des conseils d’administration. Il n’y a pas d’âge pour entreprendre, seules la volonté et la persévérance sont nécessaires !
La jeunesse a besoin d’espérance et d’un déclic pour se lancer. C’était quand, vous ?
JPG : C’est quand on n’attend pas l’idée du siècle pour se lancer ! Je l’ai compris quand je suis passé de de l’envie de créer mon entreprise à l’envie de réussir mon entreprise.
DB : Pour ma part, après dix ans dans un groupe international de communication sur Paris, j’ai vécu la perte d’un ami proche avec qui je travaillais. Je me suis rendu compte que la vie était éphémère et qu’il fallait que je fasse ce que je m’étais promis lors de mes études. J’ai donc démissionné et je suis revenu dans ma ville de Dijon pour reprendre une première entreprise à 30 ans. Cela fait dix-sept ans que je suis entrepreneur, jamais je ne me suis levé en me disant que je n’étais pas au bon endroit et dans le bon costume.
L’école est un espace de pédagogie privilégié. A-t-on besoin de cours d’éducation à l’entreprise ?
DB : Dans les cahiers d’école de ma grand-mère, au début du XXe siècle, j’ai découvert des cours de gestion de budget familial. Des choses simples mais essentielles. Il faut reconnaître que ce genre de cours fait cruellement défaut aujourd’hui. Nos enfants devront pourtant construire la France de demain, ils ont besoin de cette base de réflexion.
JPG : C’est un lieu idéal pour faire connaître l’entreprise, pas seulement l’économie. Il faut absolument enseigner l’entreprise responsable et faire naître des vocations pour garder une France attractive, terreau de l’entrepreneuriat. Sur le terrain, ça marche : l’accueil actuel est formidable, tant côté enseignants que côté élèves.
L’esprit d’entreprise est-il une drogue ? Plutôt douce ou dure ?
JPG : J’ai du mal avec le mot drogue, je préfère l’adrénaline. C’est ce qui me fait me lever chaque matin. Cette envie de créer, d’accompagner, de susciter des vocations.
DB : Entreprendre est à la portée de chacun et quand on y a goûté, c’est difficile de ne pas continuer… Je suis convaincu que nous sommes tous entrepreneurs, chacun à sa façon : mon voisin qui préside l’association de pétanque de mon village est entrepreneur. Ma belle-sœur qui gère l’asso des parents d’élèves de l’école de ses filles est entrepreneuse. Elle organise une des plus belles kermesses du pays avec une poignée de bénévoles. Je peux vous dire que ça, c’est entreprendre !
Derrière le storytelling motivant du « tout est possible », il y a la dure réalité de l’échec. Ce mot est-il toujours tabou ?
DB : « Le succès c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme », disait Churchill. J’adore cette citation, elle est tellement vraie. Il faut que l’enseignement en France prenne en compte cette dimension et valorise les « petits échecs » du quotidien comme des expériences, des erreurs qui ne se reproduiront plus. Il y aura encore et toujours des entrepreneurs, d’associations ou d’entreprises, qui déposeront le bilan. Ce n’est pas une fatalité, des associations comme 60 000 Rebonds sont là pour ça, et nous considérons que ces personnes ont des qualités immenses : résilience, combativité, gestion du stress, responsabilités…
JPG : En France, on n’a le droit ni d’échouer, ni de réussir ! On accepte que Mbappé gagne 100 M€ mais on refuse qu’un entrepreneur gagne 1 M€. Tout cela doit changer grâce à une dynamique entrepreneuriale nouvelle, qui impliquerait et récompensait plus les équipes. Un salarié cadre doit devenir un « associé du succès ». Cette volonté de « taxer les riches » pour aider les pauvres est d’une stupidité sans nom. Incitons plutôt les riches à la philanthropie, au partage de la réussite et de la valeur, à construire un avenir pour tous. J’ai testé avec Eurogerm, c’est possible.
Si l’on devait faire votre psychanalyse de dirigeant, en toute franchise, quel serait votre « plus bel échec » ?
JPG : D’avoir cru en certaines personnes qui m’ont trahi ou volé.
DB : Effectivement, la variable humaine est la plus incertaine et parfois cruelle… J’ai accompagné des collaborateurs qui se sont servis pendant les périodes fastes et qui ont fui quand l’entreprise était en difficulté. J’ai déposé le bilan d’une de mes entreprises d’événementiel, contraint et forcé, suite à la crise du Covid, et pour sauver d’autres structures de mon groupe.
69% des Français déclarent qu’ils trouveraient plus de sens à leur travail au quotidien s’ils étaient leur propre patron. D’où vient ce décalage entre les bonnes intentions et la vérité des actes ?
JGP : Je pense qu’il faut accepter ce saut vers l’inconnu et le risque. Cela suppose quelques sacrifices. Fini la garantie de salaires, les six semaines de congés payés pendant des années, les grasses matinées. J’entends beaucoup parler de sens, parlons plutôt de courage et d’engagement.
DB : En fait, ce sens vient par le volume de travail nécessaire pour réaliser et se réaliser. Entreprendre est une décision à prendre seul et pour soi-même. La prise en compte de son environnement, notamment familial, est une donnée de plus pour l’entrepreneur.
Avec le bénéfice du recul, en quoi avez-vous été audacieux professionnellement ?
JPG : J’ai toujours aimé agir pour ne pas subir. L’audace, ce n’est pas de se contenter de critiquer un système mais de bouger pour le changer.
DB : Par mon côté très « commercial » : j’ai souvent signé des contrats en ayant convaincu quelqu’un de travailler avec moi, sans pour autant avoir, à l’instant T, tous les moyens de réalisation. J’ai toujours considéré que je construirais les solutions après, en m’adaptant. Bien m’en a pris, car j’ai toujours trouvé les moyens d’honorer une mission signée…
D’ailleurs, la fortune sourit-elle toujours aux audacieux ?
DB : Fortune veut dire « chance ». Cette chance se provoque, au moins à 50 %. Par son attitude, son respect de la vie et même avec le sourire, nous pouvons aussi soulever des montagnes. Alors oui, la fortune sourit toujours aux audacieux !
JPG : Je suis comme David, je le crois sincèrement. Pas de réussite, pas de fortune sans sueur, sans humanité et sans audace.