Agriculteur à Saulx-le-Duc, président de la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or depuis 2013, Vincent Lavier estime que communes rurales et paysans ont encore leurs destins liés. Il faut prendre soin de ce lien.
Le monde agricole ne semble plus aussi impliqué dans la vie municipale. Comment expliquer cette impression ?
Vincent Lavier : Le maire agriculteur est encore bien d’actualité, mais il a tendance à être retraité ou jeune retraité*. Il y a 50 ans, dans ma commune, plus de la moitié des conseillers étaient agriculteurs. Ils sont deux aujourd’hui. Cela tient à une logique socio-démographique. Être maire est aussi devenu plus complexe, il faut s’y consacrer pleinement. Dans le même temps, notre profession s’est diversifiée, avec de plus en plus d’activités chronophages. Notre époque aspire aussi beaucoup plus à s’occuper des enfants et des petits-enfants, ce qui n’est pas plus mal. Cela devient plus compliqué d’aller chercher des profils pour s’investir directement au bénéfice d’une commune et représenter une corporation. Il y a aussi quelques cas où la profession agricole souffre d’une mauvaise relation avec sa commune, sur fonds d’enjeux écologiques mal perçus, ou bien parce que l’agriculteur n’a pas toujours été très précautionneux dans la conduite de son exploitation. Mais cela reste heureusement très rare.
Pourquoi l’agriculteur est-il une espèce aussi recherchée dans les conseils ?
Le plupart des maires savent qu’un agriculteur est précieux pour sa commune. Au-delà de sa potentielle activité sociale – vente à la ferme, sur les marchés, pédagogie pour les plus jeunes… – il sait rendre des services, prêter une remorque ou un télescopique. Dans ma commune, j’ai été au conseil pendant 19 ans, mon frère a pris le relais. Nous posons chaque année les guirlandes de Noël. L’agriculteur exploite la terre, il a une bonne connaissance globale de tout ce qu’il se passe sur le territoire, a souvent une histoire locale sur plusieurs générations donc une mémoire du village, parfois sur des sujets techniques comme la gestion de l’eau via de petits syndicats locaux.
Agrivoltaïsme et méthanisation sont à la mode dans les communes rurales. Comment la Chambre d’agriculture agit-elle sur ces sujets ?
Elle suit de près ces grands cycles. Il y a eu le photovoltaïque sur les toits des exploitations, qui progresse doucement mais sûrement. Aujourd’hui, c’est la méthanisation agricole, qui permet certains débouchés via des Cives (Cultures intermédiaires à vocation énergétique). La Chambre accompagne les porteurs de projets. Idem pour l’agrivoltaïsme, qui requiert des conditions bien particulières. La Chambre s’est prononcée en faveur des panneaux au sol, mais sur des terres à faible potentiel parce que c’est ici que les exploitants ont le plus de difficultés et qu’ils peuvent trouver un complément de revenu intéressant, alors que les récoltes sont plus que jamais soumises aux aléas climatiques. Nous avons aussi été missionnés pour mener un important chantier d’identification de terres non agricoles, qui pourraient accueillir des panneaux. Pour les nouvelles générations, face à un contexte incertain, proposer une exploitation avec ce genre d’équipements peut constituer un début de solution. Cela dit, il faut aussi souligner que le principal point de blocage demeure le raccordement de ces installations. Le dialogue avec l’exploitant Enedis et les communes est donc indispensable.
* En Côte-d’Or en 2019, 107 maires sur 691 étaient agriculteurs. Le statut le plus représenté (15,5 %), devant les retraités du secteur privé (11,9 %) et les retraités agricoles (8,8 %).