Le cassis de Bourgogne a aussi droit à des cuvées parcellaires. Depuis bientôt dix ans, la ferme Fruirouge (Concœur-et-Corboin) produit et commercialise (sous allocation !) une cuvée millésimée issu du lieu-dit « Au Champ Gonot ».
Juillet 2015. Les climats du vignoble de Bourgogne font leur entrée au Patrimoine mondial de l’Unesco. À Concœur-et-Corboin, dans les Hautes-Côtes de Nuits, la bonne nouvelle donne des idées à certains. Isabelle et Sylvain Olivier font tourner la ferme familiale et sont connus pour leurs crèmes de cassis de Bourgogne bio. Camille, le fiston, tombé dans la marmite quand il était petit, suit un BTS à la Viti de Beaune. « En rentrant d’un cours de géologie, j’ai questionné mon père sur une parcelle que l’on possède entre Concœur et Corboin, au milieu des bois, au lieu-dit Champ Gonot. »
Camille lance la première perche. Après tout, pourquoi le cassis de Bourgogne n’aurait-il pas ses climats ? « On a beaucoup discuté et on a décidé de faire des études de sol et d’isoler les fruits issus de cette parcelle, d’en faire une infusion et de les comparer aux autres plantations. » Banco ! La première cuvée parcellaire de crème de cassis de Bourgogne est née, quelques semaines à peine après l’entrée des climats à l’Unesco. Une crème plus complexe que les autres de la maison, plus typée, plus longue en bouche.
Des flacons numérotés et sous allocation
Le fiston a eu le nez fin : les études de sol sont très intéressantes. À la ferme Fruirouge, la quasi totalité des cassissiers tirent leurs racines dans des sols argilo-calcaires, à environ 30 cm de profondeur… Sauf dans la parcelle Au Champ Gonot (1 hectare environ), située sur une faille de Marne. Tiens donc ! « Le sol est plus tendre, les racines pénètrent jusqu’à 1m40 ! » Autre caractéristique de ce lieu-dit : son humidité naturelle. « Mon arrière-grand-mère mettait des vaches pour brouter cette belle herbe toute verte. D’ailleurs, on n’a jamais recours à l’arrosage goutte-à-goutte dans cette parcelle, même en plein été. »
C’est décidé, la famille Olivier lance sa première cuvée parcellaire (et millésimée) « Au Champ Gonot », avec un joli effet collection : les bouteilles sont en terre cuite, numérotées, conditionnées dans de belles caisses en bois et vendues sous allocation. Pas mal pour fêter les 20 ans de la ferme familiale ! Chaque année, la ferme Fruirouge en produit 300 flacons. Chaque millésime est parrainé et décrypté par un sommelier différent. Aspect visuel, olfactif, gustatif, accords… Tout y passe, comme pour un vin. Maxime Brunet, sommelier de l’Hostellerie du Chapeau Rouge** à Dijon, est le premier à se prêter au jeu en 2015.
La cuvée 2024 « d’une rare subtilité »
« Au Champ Gonot » 2024 vient d’être mis en bouteille. Parrain de ce nouveau millésime, Romain Iacovella lui trouve « un côté poivré, avec des touches de lavande ». Le chef barman des Sources de Caudalie (le groupe est propriétaire du château de Gilly) dans le Bordelais, poursuit : « C’est une cuvée d’une rare subtilité et complexité. La longueur en bouche est remarquable et nous laisse sur des notes de fruits confits. » Parfait pour accompagner un gravlax de truite, un canard à l’orange ou une pavlova à la fraise.
Ce produit de prestige fait la fierté de Camille Olivier. « C’est une crème de cassis comme il n’en existe pas d’autre, avec des arômes secondaires qui s’affirment au fil du temps et des arômes différents d’un millésime à l’autre. » En 2025, la priorité sera de renouveler des plants arrivés en fin vie. « C’est important pour nous de faire perdurer cette notion de terroir. » Voilà qui a du sens au pays des climats de Bourgogne.