La Bourgogne et plus particulièrement le château du Clos de Vougeot célèbrent Brillat-Savarin, par une brillante et savoureuse exposition. L’occasion de réviser quelques notions autour du délicieux triple-crème IGP, avec le concours du fromager Philippe Delin et le groupement de promotion de la filière qu’il préside…

Jean-Anthelme de son prénom
À la toute fin du XIXe siècle, on le savourait déjà chez la famille Dubuc, en Seine-Maritime, sous le nom d’Excelsior. Mais c’est dans les années 1930, avec le crémier parisien Henri Androuët, que le triple crème s’empare du nom du grand gastronome Jean-Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826). Depuis début avril, l’auteur de la Physiologie du goût (1825) fait l’objet d’une exposition inédite au château du Clos de Vougeot, visible deux ans durant, dans le cadre des 270 ans de sa naissance et du bicentenaire de cet ouvrage culte de la gastronomie française.
Avec un cœur bourguignon
Le Brillat-Savarin a décroché le sésame de l’IGP (Indication géographique protégée) le 19 janvier 2017. Son aire de fabrication et d’affinage s’étend du sud-est de la Bourgogne au centre de la Seine-et-Marne. Soit 879 communes et cinq départements dont la Côte-d’Or, la Saône-et-Loire et l’Yonne. La Bourgogne est au cœur du sujet.
En mode triple crème
On ne le surnomme pas « foie gras des fromages » pour rien. Le lait de vache entier qui le compose est mélangé à de la crème de lait de vache. Mais attention, il y a une teneur minimale en matière grasse à respecter : mesurée sur l’extrait sec, elle doit être supérieure ou égale à 72 % ! Doux au palais, ce fromage à pâte molle à croûte fleurie se consomme jeune et frais.
3700 « ouvrières »
En 2024, on a produit plus de 2000 tonnes, ce qui est la norme. Pour faire autant de Brillat-Savarin, il faut mobiliser environ 3700 vaches laitières, précieuses ouvrières en capacité de fournir 28 millions de litres de lait. Une « usine » naturelle qui tourne à plein régime !
Presque toujours affiné
95% de la production consommée est affinée. Vendu avec ce qualificatif, le Brillat-Savarin est âgé d’au moins 5 jours pour les petits formats, 8 jours pour les grands. L’affinage s’opère entre 5 et 14°C et donne cette fameuse croûte qui goûte le sous-bois. On peut aussi le déguster frais : sa texture nuageuse et ses arômes lactiques sont un vrai bonheur !
Un gabarit maîtrisé
En grand format, son « tour de taille » requiert un diamètre de 110 à 140 mm, une épaisseur de 40 à 70 mm et un poids maximum de 500 grammes (il existe aussi en format plus petit). Ce joli bébé crémeux nécessite 2,4 litres de lait enrichi.
Ambassadeur cocorico
15% de la production du Brillat-Savarin est exportée, principalement vers l’Allemagne, la Belgique, l’Angleterre et l’Amérique du Nord. C’est particulièrement le cas en période de fêtes, dans sa version truffée. Delin, qui exporte 30 à 40% de ses fromages, a même créé un conditionnement en cloche favorisant l’affinage durant les 25 jours de transport maritime outre-Atlantique.
Connu sous 8 noms différents
La filière compte huit opérateurs dont deux affineurs : le plus important n’est autre que Delin à Gilly-les-Cîteaux (lire encadré), qui en produira bientôt 45% à lui seul. Viennent ensuite Lincet à Saligny (89), Fromagers en Bourgogne à Verdun-sur-le-Doubs (71), Gaugry à Brochon (21), Pré-Foret à Fontenay-Trésigny (77), Rouzaire à Tournan-en-Brie (77), Hess à Beaune (21), Fromagerie des Bries de Saint-Rémy (77).
Delin et Brillat-Savarin, quasi moitié du triple-crème
Historique producteur de fromages enrichis en matière grasse, la Fromagerie Delin, à Gilly-les-Cîteaux, est un acteur majeur de la filière, en constante progression. Le 1er janvier 2025, Philippe Delin a ainsi pris les commandes de son confrère saône-et-loirien Fromagerie Girard à Torcy. « Nous produisons près de 2000 tonnes de fromage par an et le Brillat-Savarin IGP représentait jusqu’ici 35% de notre production. On devrait passer à 45 % », projette le dirigeant. Une perspective inspirée par des applications nouvelles car « ce fromage en pleine expansion, doux, crémeux et très tendance, peut se cuisinier à l’envi ». Son vieux complice Jean-Alain Poitevin, cuisinier du restaurant local L’Orée des Vignes dans lequel il est aussi très investi, en apporte une savoureuse illustration : en mousse, dans des préparations salées comme sucrées, le Brillat a de la ressource. Bon appétit !
