Entretien réalisé par Yves Remord
Monique Le Chou est la chroniqueuse de poids et politiquement incorrecte de l’Echo des communes. Elle sort de sa réserve rurale et gourmande pour affronter à sa manière divers problèmes de société. Hors champs et sentiers battus, un entretien à Dijon aussi croustillant que déjanté. Dans lequel il faut savoir parfois trier le bon grain de l’ivresse.
Née rue des Cochons de laits à « Chââalon surrrr la Saône », Monique le Chou a bien vécu avant de poser ses « cabats »(*1) dans le désert côte-d’orien. La cinquantaine à peine entamée, la savoureuse chroniqueuse du site l’Echo des communes lève le voile sur une personnalité complexe, dont le roulement de tambour des « r » dans la bouche, n’est que la façade pudique de profondes réflexions sur la vie, les femmes, le sexe et la société dans son ensemble. La preuve.
Une mère dame pipi et un père garde-chasse, ça fait de drôles de parents ça ?
Quand vous allez faire pipi vous tirez bien la chasse, non ? Plus sérieusement, mon père a mal fini. Il s’était déguisé en sanglier pour carnaval avant de se faire tirer par le préfet. Simone, ma maman était ivre de chagrin. Elle est ensuite devenue la seule bonne sœur de l’abbaye de Cîteaux.
Dur, ça.
Oui, d’autant que mon frère, le Riton, s’est fait sauvagement attaqué par un babouin au Parc des biches. Ce qui en fait malgré tout un bon parti pour les dames. Surtout depuis que le babouin lui a mangé une oreille. Il a beaucoup de succès car il a de l’écoute. Quand on lui parle ça rentre dedans et ça ne sort pas. Ça reste.
Et vous-même alors ?
J’ai également beaucoup de succès auprès des messieurs, mais je suis très sélective.
Par obligation ou par choix ?
Comment ça ? Vous êtes un rustre. Ce ne sont pas les propositions qui manquent. Monique Le Chou est beaucoup plus profonde qu’il n’y paraît. La liberté de la femme, les problèmes de solitude qui frappent toutes les catégories de femmes me préoccupent. D’où l’idée d’apporter ma contribution à la société.
De là est né votre sens du spectacle ?
Oui, mais pas pour faire n’importe quoi. On m’a demandé, à Hollywood, de faire le macabé pour la série Esprit criminels. Je me voyais mieux faire le brise cœur. Mais ils ont des anorexiques là-bas. Ils se sont sûrement dits que mon charme fatal aurait raison de tous les acteurs.
Quoi, vous êtes allée aux States ?
J’ai travaillé à New-York, pour le compte de l’Université, au développement des producteurs fermiers locaux. Ainsi que sur l’impact de ces derniers sur l’économie et la population. Dans notre pays, Monsieur Yves Rrrremorrd, on a la chance d’acheter au producteur. Dans le New Jersey c’est interdit. Les fermiers se rebiffent. Là-bas, on parlait donc déjà de circuits courts et du slow food dont j’ai rencontré l’un des inventeurs.
C’est pour ça que vous écrivez dans l’Echo des communes ?
J’écris effectivement les chroniques de Monique Le Chou pour Monsieur Choplain, mais ma spécialité, Monsieur Yves Rrrrrrremorrrrd, c’est la défense des femmes.
Monique Le Chou, ça veut dire que vous venez de nulle part. Quand on naît dans un chou, on vient de nulle part.
On s’appelle Le chou depuis des générations. Y’a bien une Claudia Choux-fleur, une Monica Brocoli, cette pale imitation qui clame à tout le monde qu’elle a jamais fait de régime et qu’elle aime manger. Mon œil.
Sans doute pour ça qu’elle divorce.
Je ne pense pas, une femme qui aime manger ne divorce pas, Monsieur Yves Rrrrrremorrrrd. Les hommes n’aiment pas les chipoteuses. Vous savez ce qu’on dit : chipote à table, chipote au lit.
Alors, le sexe, ça vous taquine aussi.
C’est l’autre cause importante de ma vie. Tout est lié, la preuve, c’est qu’en vieillissant la bouffe c’est la sexualité des vieux. Vous mettrez pas ça dans votre rubrique, y vont pas aimer (ndlr : on va se gêner). J’écris sur les relations entre hommes et femmes, j’anime des séminaires pour les femmes. Je suis présidente de l’association des fêtes paroissiales des femmes laïques célibataires de Bourgogne.
C’est pas un paradoxe ça ?
Non, parce qu’à ce qu’il paraît qu’au Vatican, y’a une crèche dans le sous-sol. Ceux qui en font le plus en parlent le moins et vice-versa. Mais enfin, je ne veux pas fâcher nos amis de Cîteaux. Donc, j’organise des séminaires pour ces dames, qui s’intitulent modestement « préparation H ». Je leur apprends comment harceler un homme et ne plus le lâcher.
Mouais, pas très convaincant.
Dans le monde actuel, les hommes et les femmes n’arrivent plus à se parler. Dans le temps, il était question de cohésion sociale. On pensait que la femme était soluble dans le mariage, Madame assurait ses arrières grâce au mariage. Aujourd’hui, Monsieur Yves Rrrrrremorrrrd, elle fait comme elle veut de son arrière-boutique et c’est tant mieux. Je suis pour la femme non pas libérée mais libre, monsieur Yves Rrrrrremorrrd, car libérée implique qu’elle suive des modes.
Vous avez vous-même bien évolué depuis.
Il y a eu la période bricoleuse ensuite. Mais je me suis dit que si le bon Dieu avait donné de grosses paluches aux hommes et des petites paluches à moi, ça n’était pas pour rien. J’ai appris du même coup qu’un homme, faut pas lui ôter sa virilité, faut qu’il ait l’air compétent.
Et qu’avez-vous donc à proposer?
Pour éviter une guerre sans merci entre les sexes, on a intérêt à se réconcilier. C’est là qu’entre en scène le string. A une époque, les femmes anorexiques mettaient des culottes qui se perdaient dans les plis. Moi, je milite pour la réimplantation de la culotte gainante à double armature latex en milieu urbain. C’est la seule qui me permet de prendre de l’époisses et du pommard. L’élasticité des tissus Monsieur Yves Rrrrremorrrd, l’élasticité des tissus je vous dis. Les hommes préfèrent les femmes qui ne chipotent pas.
Mais encore…
Le divorce est à la famille ce que le cordon bleu (ou escalope) est à la gastronomie, c’est-à-dire pas grand chose. On veut moins de divorce. On veut que les femmes puissent retrouver leur poids gourmand sans culpabilité, qu’on puisse se réapproprier nos sens et tout ce qui fait le bonheur dans l’existence.
Vous devriez vous lancer en politique.
Non, je suis trop politiquement incorrecte.
Pourtant, y’a un marché à prendre.
On a déjà beaucoup de clowns. Moi je veux travailler dans l’ombre.
Pour faire quoi ?
Ce qu’on fait aujourd’hui. Voir les producteurs de Côte-d’Or, l’un après l’autre. Faire avancer le cochon en Bourgogne, jambon après jambon, agir localement. Réinsuffler l’envie de manger et de cuisiner. D’ailleurs si vous connaissez un monsieur disponible, qui aime cuisiner, faudra me le présenter. Dire que certaines femmes ne comprennent pas mon positionnement !
Sans doute parce qu’elles n’ont pas la même stature que vous, ni les mêmes pare-chocs…
Ni le même charisme, ni le même bonnet. Mais elles se demandent : « un homme, pour quoi faire ? » J’ai beaucoup de réponses face à cette question. L’homme ne peut pas vivre sans moi. Comme la nature a horreur du vide, pour un homme, tout vaut mieux qu’un vide existentiel, même une Monique le Chou.
Avis aux amateurs.
(*)Des sacs en patois bressan.