Il a passé près de 30 ans au service des Domaines Albert Bichot. Alain Serveau, ancien directeur technique et figure emblématique de la maison, évoque les plus beaux souvenirs de sa carrière.
Alain Serveau, quelles sont les trois plus belles bouteilles jamais bues lors de votre longue carrière et en quelles circonstances ?
👉 Clos de Bèze 1947 (domaine Pierre Damoy) – Dégusté en 1985
J’étais assez jeune dans le métier et n’avais pas eu l’occasion de boire beaucoup de grands crus jusqu’ici. Alors déguster un Clos de Bèze, d’autant plus sur un millésime aussi iconique que 1947, ça marque… J’ai le souvenir d’un vin racé mais surtout d’une grande élégance, d’une grande fraicheur, ce qui m’a surpris pour un vin de presque 40 ans.
👉 La Tâche 1995 (domaine de la Romanée-Conti) – Dégusté en 1997
Lorsque je suis arrivé à la maison Albert Bichot, il y avait une coutume initiée par Denis Thomas (maison Moillard) de faire une dégustation comparative des terroirs de La Tâche et des Vosne-Romanée 1er cru Malconsorts, avec Aubert de Villaine. J’ai pu me rendre compte assez rapidement que la notion de terroir et de maîtrise de la vinification confirmaient une marche entre ces deux crus que nous nous sommes évertués à réduire au fils des ans. La longueur en bouche et le soyeux des tannins de La Tâche m’ont fasciné.
👉 Château Léoville Las Cases 1961 – Dégusté en 2015
Étant en Angleterre pour une dégustation sur ce marché, nous avons été invité par un de nos clients à passer la soirée dans un club londonien dont ce dernier était membre. Ce privilège permet donc d’avoir sa cave sous le club. Arrivés à la fin du repas, après avoir essayé de cerner mes goûts et mes vins favoris, ce client a fait monter de sa réserve une bouteille de Château Léoville Las Cases 1961 qui, vous l’aurez compris, ne pouvait me laisser insensible… Si ce n’est pas le plus grand vin que j’ai gouté, c’est celui qui m’a procuré le plus d’émotion car je savais cet instant unique.
Quels sont vos 3 plus grands souvenirs en 30 années de maison Bichot ?
👉 Parmi les aventures les plus belles que l’on peut vivre de l’intérieur chez Albert Bichot, il y a les ventes des vins des Hospices et particulièrement celle des Hospices de Beaune. Notre statut de premier acheteur depuis de longues années ne se conserve pas naturellement. C’est le fruit d’un travail commercial important et des élevages des cuvées achetées correspondant à l’attente du client final. Sinon, cela ne durerait pas. Parmi toutes les ventes auxquelles j’ai assisté, une m’a particulièrement marquée : celle de 2016. Albéric a eu un empêchement de dernière minute. On m’a dit le samedi à 18h : « Demain, c’est toi qui aura le paddle (ndlr, qui mènera les enchères). Quelle responsabilité ! »
👉 La visite sur les marchés à l’international permettant d’essayer de comprendre les différentes cultures, les différents concurrents et positionnements. Une année, pour ne pas perdre trop de temps, je suis allé aux États-Unis et j’ai continué dans la foulée à Tokyo avant de revenir à Paris. Quels chocs culturels, mais quels souvenirs !
👉 J’ai eu l’occasion d’animer avec Clive Coats, journaliste émérite qui nous a malheureusement quittés en 2022, des dégustations verticales comparatives entre nos Vosne-Romnée 1er cru Malconsorts et Château Pichon Longueville Baron, représenté par Christian Seely. Ces dégustations portaient sur les millésimes 2000 à 2010 et j’ai été très surpris que, sur la plupart des millésimes, l’effet climatologie pouvait être une constante malgré les différences de cépages, de vinifications et d’élevages.
Citez 3 lieux rêvés pour écouler une retraite tranquille en Bourgogne et dites-nous pourquoi ce choix.
Étant né à Nuits Saint Georges, je ne pourrais mentir de rêver mieux. Néanmoins, ayant sillonné la Bourgogne viticole qui s’étend de l’Yonne au Rhône, il y a des lieux qui apportent la sérénité comme ces villages du Mâconnais où chaque église est une merveille de l’art roman. Plus près, en Côte-d’Or, les Hautes-Côtes de Nuits ou de Beaune et leur charme rural sont des lieux d’où émane une quiétude bienfaisante.