Le tout premier héros gaulois de la BD sera au centre de la programmation 2023 du MuséoParc Alésia, à travers une exposition du 13 mai au 30 novembre. En capitalisant sur l’œuvre du grand imagier de l’Antiquité Jacques Martin, le site d’Alise-Sainte-Reine emmènera le visiteur dans un inoubliable peplum.
Jacques Martin (1921-2010) vient de l’école de la ligne claire. Dernier monument du style cher à Hergé, il se définissait simplement et joliment comme « un raconteur d’histoires », aimant s’imprégner de lectures savantes pour ressentir le vent d’une époque, avant de laisser planer son imaginaire puis de le retranscrire dans un langage graphique. Telle est la magie de la BD. Ce fils d’aviateur alsacien a conservé toute sa vie durant, y compris lorsqu’il l’a terminée aveuglé par une vilaine maladie, le goût des grandes aventures à partager. Son nom, oublié ou fondu dans celui de son homonyme cathodique, échappe aujourd’hui au grand public. Alix lui a survécu.
Né en 1948, « l’intrépide » (nom du premier tome) blondinet n’a pas pris une ride. Jeune esclave gaulois adopté par un riche romain, l’émissaire de César se frotte toujours aux mondes barbares de l’an 50 avant J-C. Tout cela sans potion magique mais avec Enak, son fidèle compagnon (et plus si affinités, l’auteur laissant volontairement le doute…) d’origine égyptienne. Le duo fit d’abord les belles cases du Journal de Tintin chaque jeudi. Puis il vécut sa vie propre, assez tardivement il est vrai, aux éditions Lombard dès 1956. Dix ans plus tard, Casterman reprit le flambeau pour étirer avec succès la saga – plus de 12 millions d’exemplaires et des traductions dans une quinzaine de langues – et la décliner (Les Voyages d’Alix, Alix Senator, Alix Origines). Le 41e tome de la série mère est sur le point de paraître. Remarquable vitalité.
Astérix et Alix, même combat
« La série tranche par son réalisme, son souci documentaire. C’est une série beaucoup plus adulte qu’il n’y paraît », estimait Patrick Gaumer, spécialiste de la BD et auteur d’une remarquable monographie « martinienne », interrogé par le non moins excellent site Cases d’Histoire. Dans le cadre des 10 ans du MuséoParc, son responsable éditorial Thierry Lemaire avait d’ailleurs livré une série de chroniques très appréciée sur les bandes-dessinées dont l’action se situe pendant la Rome antique. Lesquelles sont légion, cela va de soi.
Stéphanie Focé s’en était régalée. La responsable accueil et développement du MuséoParc est bien placée pour apprécier la puissance du genre littéraire. En 2015, elle avait accueilli Albert Uderzo en personne. Du haut de ses 88 ans, le génial auteur avait découvert l’exposition « Astérix entre mythes et réalités » à Alise-Sainte-Reine. Un véritable carton qui avait réuni sans distinction petits et grands, lesquels passaient en moyenne 3h30 à 4h sur site. « La BD est un genre universel, qui colle parfaitement à nos objectifs intergénérationnels et pédagogiques », estime-t-on au MuséoParc.
« Entrer dans la BD avec Alix »
Présentée au public du 13 mai au 30 novembre, construite en partenariat avec l’éditeur, l’exposition sur Alix formera le temps fort de la programmation 2023. La scénographie proposera « d’entrer dans la BD avec Alix ». Le visiteur découvrira les mondes du héros gallo-romain à travers un passionnant panorama du Ier siècle avant J.-C : Marseille, Rome, Pompéi, Athènes, Olympie, Babylone, Jérusalem, Pétra et Alexandrie. Ou comment comprendre ce qui se jouait, en même temps que le siège d’Alésia, dans tout le bassin méditerranéen.
« La déambulation s’étendra au-delà de l’espace d’exposition temporaire, dans l’atrium et le parcours de visite permanent », précisent les responsables du musée. Cochée de longue date dans le calendrier, l’expo sera aussi un baptême pour Laurent Bourdereau. Le nouveau directeur, installé officiellement le 13 février, trouve là un beau motif de ralliement pour booster la fréquentation.
L’œuvre du grand Jacques ne s’en portera que mieux : « À la différence d’Hergé qui souhaitait que son œuvre prenne fin avec lui, Jacques Martin (voulait) qu’Alix lui survive. Son rêve (était) qu’après sa mort, des artistes puissent continuer à travailler sur sa série et offrir ainsi de nouvelles aventures d’Alix aux lecteurs », racontait Patrick Gaumer. En plus d’un bel hommage, le MuséoParc Alésia va donc livrer une nouvelle bataille pédagogique, comme il en mène depuis dix ans, en apportant au pied du visiteur la preuve que culture et émerveillement sont en tous points compatibles. Le visiteur en sera le grand gagnant : il en ressortira plus savant qu’avant. Et « Alix à Alise », cela pourrait être le nom d’un nouveau tome…