Le secteur de l’hôtellerie et la restauration, si malmené en ce moment, est un pan important de l’enseignement supérieur au sein de l’École des Métiers de Dijon Métropole. Rencontre avec une génération qui fera tout pour ne pas être sacrifiée.
Les planètes étaient pourtant bien alignées. L’École des Métiers a beaucoup investi pour offrir à ses apprentis un outil pédagogique de haute performance. Avec la promesse, bientôt tenue, d’un pôle de restauration alimentaire complètement repensé, de deux belles cuisines pour le restaurant pédagogique, d’une cuisine masterchef et d’un espace formation dédié à la sommellerie.
Seulement voilà. Il s’est passé ce qui s’est passé. La désintégration totale de tout ce qui touche au monde de la table en particulier, au secteur CHR en général. Avoir plus de 20 ans en 2020 revient à avoir tiré le (mauvais) gros lot. Les apprentis n’apprendront que par la vidéo ou presque. Le palpable n’est plus au programme. Pourtant, cette génération que l’on qualifie de sacrifiée ne baisse pas les bras.
À l’image de Chloé, Emilie et Margot, 22 ans toutes les trois, qui gardent le cap de leur BTS réception. La première, bien qu’inquiète sur ce sujet, a hâte de retrouver la cuisine étoilée qu’elle a eu l’occasion de côtoyer au contact de Yohann Chapuis au Greuze (Tournus) et William Frachot au Chapeau rouge (Dijon). Emilie, elle, veut ajouter une corde à son arc. Margot, après un bac pro de gouvernante, rêve de travailler dans un hôtel en Suisse, car le voisin helvète est la référence en la matière.
Plus inattendu est le parcours de Jordan, 24 ans. À Chaumont, il a ouvert un bar associatif avec des potes. « On a échoué au bout de 10 mois, parce qu’aucun d’entre nous n’était du métier », reconnaît celui qui, une fois bien aguerri, se lancera certainement dans l’ouverture d’un irish pub et cocktail bar dans la lignée du Sham’rock Pub.
Un restaurant à mangas
Pour Théo, 20 ans, originaire de Genlis, la voie est tracée. Un BTS option cuisine, un traiteur dans la famille et une expérience l’été dernier au château de Gilly le confortent dans son choix. Même si, effet Covid oblige, « le point de vue sur le métier ne cesse d’évoluer ».
D’autres nourrissent des projets encore plus fous. Saloua, 22 ans, vient du Maine-et-Loire. Sa hantise ? « La peur que tout soit robotisé et automatisé, car j’aime le contact. » Son projet ? Être barman et sommelière, avoir son propre restaurant manga en costumes, « c’est une passion, j’ai 400 mangas chez moi ».
En attendant de retrouver l’Epicerie et Cie, Place Emile Zola à Dijon, le restaurant avec lequel elle s’est engagée en alternance, Saloua devra se contenter de patienter en lisant ses mangas. Elle et ses petits camarades de la génération Covid des apprentis arriveront à l’étape du diplôme sans avoir eu vraiment la possibilité de suivre l’enseignement pratique nécessaire à leur réussite. Alain Tomczak, le directeur de l’Ecole des Métiers en convient le premier : « Il faudra bien trouver une solution pour que ces jeunes ne soient pas pénalisés par la situation et puissent rattraper le temps perdu. » Un défi de plus à relever quand nous sortirons enfin de cette crise.