Charlie… Sept lettres, et un séisme sur la France. Des artistes ont été assassinés, des croqueurs du quotidien, des caricaturistes. Patrick Grillot fait partie de cette corporation. Ou plutôt de cette famille dont on revendique aujourd’hui plus que jamais la liberté d’expression.
Par Michel Giraud – Photo : Jean-Luc Petit
Article extrait de Dijon-Beaune Mag
« Tu te rends compte? » Une à une, Patrick Grillot dévoile ses cinq dernières caricatures… il y a là Tignous, Honoré, Wolinski, Cabu, Sharb… Sa manière à lui de rendre hommage aux victimes de l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo: « C’est un peu de ma famille qui est partie. Je ne les connaissais pas. Je n’avais pas cette chance. Mais c’est mon métier qui a été frappé de plein fouet. Je suis resté trois-quatre jours, sans dormir ou presque, j’avais constamment la boule au ventre. Et surtout, je n’ai pas dessiné pendant dix jours. Mes confrères ont réagi immédiatement par le dessin, moi je n’ai pas pu. »
Patrick Grillot a fait ses armes du côté des Arts Déco, mais depuis trente ans, c’est dans la caricature qu’il excelle. Depuis le 1er janvier 1985, très exactement. Un anniversaire vite balayé par les « événements » de ce début d’année. Pendant qu’on enchaîne les « jus » sur le zinc du Café de l’Industrie, « Pat » n’a qu’un mot à la bouche ce matin-là: liberté.
Explication: « J’ai toujours été indépendant, je n’ai jamais eu de patron. C’est, pour moi, la première étape de ma liberté d’expression. Je ne travaille pas pour le tiroir-caisse, et ça aussi, ça aide à être un esprit libre! Je revendique cette liberté. Je ne m’interdis rien, je ne pratique pas l’autocensure. Surtout, je ne rentrerai jamais dans une corporation, je ne mangerai jamais dans la main des politiques. J’ai mes idées, je vote, mais il ne faut pas tout mélanger. C’est vrai que la caricature fait peur aussi bien au personnage public, qu’à l’anonyme que vous pouvez croquer au détour d’une fête. C’est un art parfois difficile à appréhender. Il faut savoir jusqu’où on ne peut pas aller. C’est hyper facile d’être méchant. Moi je cherche à égratigner, à montrer la réalité par l’exagération. Inconsciemment, il y a une réflexion. Je ne suis pas là pour faire n’importe quoi. Je travaille toujours dans le respect de la personne. Les seules personnes pour qui je ne peux pas avoir de respect, ce sont les antisémites. Là, je ne fais rien. »
Patrick Grillot a parcouru le monde avec son crayon, toujours précis, et son regard, affûté. Des pays pas toujours simples: la Birmanie, le Koweit, le Cambodge, le Vietnam. « Tu te rends compte? Si maintenant, tu ne peux plus dessiner, tu ne peux plus porter ton regard… Tu me vois avec quatre vigiles autour de moi? Je suis fier de travailler dans un des pays les plus libres du monde. Cette liberté que les gens ont défendue en descendant dans la rue. Cette liberté qu’on a tous vue en danger. S’il n’y avait pas eu ce mouvement populaire, je me serais posé des questions. Aujourd’hui, je suis fier de cette solidarité. Sur les frontons des mairies, derrière Liberté, Egalité, Fraternité, j’ai envie de rajouter Laïcité. Ça aurait de la gueule. »
De son sac magique, Patrick continue de sortir des caricatures, il continue un à un d’égrainer ses souvenirs passés, ses dessins, forcément, le dalaï-lama, Rebsamen, Patriat, Sauvadet, De Broissia, DSK, Besson… Toujours piquant, sans cesse mordant, toujours respectueux. Surtout un esprit libre…