Et-ce que l’art tourne rond, à Dijon, ou tourne en rond ? La ville vient, en tout cas, d’inaugurer Le Compteur du temps, une nouvelle œuvre d’art dans son espace public, place Grangier, conçue par l’artiste Gloria Friedmann, qui a déjà réalisé Semper Virens, le visage enfeuillé de la place François Rude.
À écouter le public, Le Compteur du temps, la nouvelle sculpture, semble plutôt plaire. Elle est sans doute assez décorative pour ne susciter aucune réelle opposition. Installée près de l’unique chêne de la place Grangier, l’œuvre est un vaste globe argenté « de plus de trois mètres de hauteur », au relief un brin irrégulier, percé de 13 horloges, et surmonté d’un personnage tenant une autre horloge qui donne l’heure dijonnaise. Sur le globe, chacun des cadrans livre l’heure d’une ville du monde, de Riga à La Havane. L’idée qui prévaut semble d’assurer que la métropole dijonnaise est connectée au reste du monde, si tant est qu’il soit possible d’en douter.
L’amusant de l’affaire est que l’œuvre de Gloria Friedmann, qui partage sa vie à Aignay-le-Duc avec le plasticien côte-d’orien Bertrand Lavier, est quelque peu occultée, dans les conversations, par l’installation qu’elle remplace sans que ce soit dit, à savoir le Jardin Miniature, de Didier Marcel, alias « l’arbre mort qui tourne ». Une œuvre qui a semblé susciter un rejet généralisé, et a été régulièrement vandalisée. Ce tronc contesté, installé rue de la Liberté face aux Galeries Lafayette, a finalement été démonté et remplacé par un vrai arbre, avec un vrai banc autour. L’œuvre est en attente de réinstallation, et à la mairie on assure « explorer plusieurs pistes » quant au lieu de la nouvelle plantation.
« C’est bien, hein ? »
François Rebsamen venu inaugurer la nouvelle installation de la place Grangier, s’enquiert auprès des spectateurs : « Ça vous plait ? C’est bien, hein ? », avant de confesser, en baissant le ton, qu’il est bien difficile de prédire si une œuvre installée dans les rues dijonnaises va s’intégrer au paysage, ou susciter un rejet frontal. Franck Gautherot, qui dirige le centre d’art contemporain le Consortium, abonde dans son sens. « Allez savoir ce qui peut faire réagir les gens… Peut-être que certains diront qu’il est scandaleux qu’une horloge donne l’heure de La Havane, que c’est de la propagande castriste ! »
Arnaud Morel
L’art public à Dijon
Plusieurs dizaines d’œuvres contemporaines sont disséminées dans les différents quartiers de Dijon : les sculptures Inquiétude, l’ours polaire de Guillaume Duc (place Granville), Semper Virens de Gloria Friedmann (place François Rude), Les Roseaux et Femmes au miroir, deux œuvres murales réalisées par l’artiste dijonnais Loïc Raguénès (aux abords du cinéma Eldorado), l’Anti-Robot, sculpture mondialement connue de Karel Appel (Campus universitaire), la sculpture monumentale Improvisation Tellem d’Alain Kirili, l’imposante œuvre Le Meilleur Travailleur du Crous, composée de dix portraits noir et blanc de l’artiste Yan Pei Ming.