Le festival Musique & Vin au Clos Vougeot fête ses dix ans d’existence, du 23 juin au 1er juillet. Si ses géniteurs ne sont pas n’importe qui par ici (Bernard Hervet, Aubert de Villaine, David Chan, François Faiveley), l’événement dégage en réalité un élitisme de façade : il interpelle, entre simplicité et élégance, notre rapport à l’art de vivre. Et confirme une fois de plus que les notes de classique et de pinot sauront toujours s’entendre. Musique !
Par Alexis Cappellaro
Photos : Bénédicte Manière
Harmonie, notes, rythme, attaque, longueur… Musique et vin sont non seulement historiquement liés ; ils parlent le même langage, ce qui ne gâche rien. Dans la Grèce antique, on célébrait Dyonisos à grand renfort de fêtes démesurées où défilait un cortège ivre et chantant. Au Moyen Âge, l’Église n’était pas une grande adepte de ces réjouissances, mais on lui doit paradoxalement les techniques de viticulture moderne et la base des chants liturgiques. Le château du Clos de Vougeot, dont les vénérables pierres sont cisterciennes depuis neuf siècles, est donc un point de ralliement tout trouvé pour la musique et le vin. Que personne n’en doute.
Agréables préludes vineuses
Bernard Hervet sait tout de cet héritage. L’ex-conseiller de la maison nuitonne Faiveley est un grand fan de musique classique depuis la découverte de Chopin au lycée – son fils Charles, violoncelliste prometteur, jouera d’ailleurs au festival. Sa rencontre avec David Chan du Metropolitan Opera de New York fera naître Musique & Vin. L’inconditionnel soutien d’Aubert de Villaine fera le reste, donnant une autre dimension à l’événement. Un événement qui ne pouvait consacrer autre chose, entre les ceps de Vougeot, que les vins de Bourgogne. Ainsi, depuis dix ans, d’agréables préludes vineuses rythment les concerts dans l’ancienne cuverie du Château du Clos de Vougeot ou les caves du Château de Meursault, avec le soutien (en liquide, cela va de soi) d’une quarantaine de domaines partenaires.
Les organisateurs sont pragmatiques : aucun festival ne vit de ses recettes de billetterie. C’est pourquoi il est financé par des fonds privés et des mécènes qui se bousculent, pour permettre une politique de prix relativement modeste (ticket d’entrée à 30 euros) au regard du caractère extraordinaire du rendez-vous. L’aspect caritatif est d’autant plus au cœur du propos avec cette vente aux enchères tenue lors du dîner de gala dans le grand cellier vougeotin, dimanche 1er juillet. La recette profite comme chaque année à la Bourse Jeunes Talents ainsi qu’au Fonds instrumental, pour confier à terme la réalisation de 33 violons, altos et violoncelles à des luthiers de haut niveau. Autant qu’il y a de grands crus en Bourgogne. Ces instruments seront prêtés entre un et trois ans à des espoirs de la musique classique, qui en feront assurément bon usage. Ce sont eux qui ouvriront le festival, samedi 23 juin, sous les halles beaunoises. Un concert gratuit à 18h30, suivi du brillant Orchestre Dijon-Bourgogne.
Programmation de haut niveau
Suivront une série de concerts publics (les 23, 24, 26, 29 juin et 1er juillet) et privés (25, 27 et 28 juin) entre le château du Clos de Vougeot, le domaine du Clos Frantin et l’église de Meursault. Autant de lieux dont la spiritualité nourrit ces virtuoses de l’archet. Car la programmation n’est évidemment pas choisie au hasard. On demande souvent à David Chan, le directeur artistique, comment il fait. « Si la question vient d’un amateur de vins éclairé, je souris puisque je peux facilement expliquer que c’est comme choisir les vins pour une occasion spéciale », commente le violoniste et chef d’orchestre américain, aligoté à la Bourgogne depuis de nombreuses années. Ainsi, comme on choisit soigneusement un flacon pour une grande occasion, il a élaboré une remarquable partition d’où émergent de grands noms tels que Kristóf Baráti (violon), Joseph Calleja (tenor), Gautier Capuçon (violoncelle) ou encore Emmanuel Krivine. Ce dernier clôturera la fête en dirigeant l’Orchestre des Climats de Bourgogne, cet ensemble éphémère composé cette année des deux premiers cités.
Chaque spectateur aura alors le temps d’apprécier le niveau d’un festival qui doit tout, une fois de plus, à la dimension mondiale de nos breuvages. D’où la notable discrétion de l’événement, qui se suffit à lui-même et n’a pas besoin d’égosillement superflu. Ces saines bases encouragent le haut niveau et apportent du pinot au moulin de David Chan, qui n’hésite pas à varier les styles et les talents. « Les combinaisons les plus improbables peuvent fonctionner à merveille ; sans doute par un lien sous-jacent qui n’est pas évident sur le papier mais qui le devient quand on l’expérimente dans son contexte. » On croirait l’entendre parler d’accords mets et vins ! Cela n’a rien d’étonnant pour ce grand connaisseur, qui appréhende chaque édition comme un nouveau millésime. Un millésime « qui apporte chaque fois quelque chose de connu mais qui toujours éclaire de nouvelles possibilités ou une facette restée cachée jusqu’ici ». Musique !
Programmation et réservation en ligne
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Bourgogne Magazine offre 2×2 places pour le concert du dimanche 24 juin
à 18h30 au château du Clos de Vougeot