Avec leur gamme de vins bio éco-conçue, Nuiton-Beaunoy et Vignerons des Terres Secrètes avaient déjà frappé fort. Les caves coopératives de Beaune et Prissé poussent le bouchon : au printemps, Cerço va devenir la première bouteille de vin de Bourgogne consignée et réemployable.
La consigne, faites passer le mot, pourrait bien devenir à la mode dans le secteur viticole. Sacrifiée sur l’autel du recyclage dès les années 1960, cette pratique ne fera pas de mal à un marché des bouteilles en tension. Elle serait surtout moins pire pour la planète, estime Nuiton-Beaunoy. Au printemps dernier, avec sa cousine mâconnaise des Terres Secrètes, la seule cave coopérative de Côte-d’Or avait déjà fait un choix fort d’éco-conception, en présentant cinq vins bio sous le nom de Cerço. Cette « gamme annonciatrice d’un changement de paradigme » n’avait pas tardé à recevoir les récompenses au niveau national.
Un intermédiaire clé
Jamais en manque de projets, les deux caves bourguignonnes persistent à bousculer les conventions. D’ici quelques mois, elles feront de Cerço la première bouteille de Bourgogne apte au réemploi. Ce n’était pas du gâteau, à écouter Charles Lamboley : « Dès 2019, notre groupe de travail en charge de la bouteille Cerço avait naturellement identifié la consigne et le réemploi comme élément de durabilité. Mais nous ne savions pas faire, il manquait un maillon logistique entre le producteur et le laveur proche de nous », précise le directeur communication et marketing des Vignerons Associés. Cet intermédiaire essentiel est né.
Après une période de gestation, J’aime mes Bouteilles a fait son entrée sur un marché du réemploi qui se structure lentement mais sûrement, au rythme des décisions de lois et des « éco start-ups ». Intégrée au réseau national France Consigne, cette entreprise jurassienne est l’ange gardien de toutes les étapes du réemploi. C’est elle qui collecte les flacons vides, les stocke soigneusement, puis les confie à l’entreprise spécialiste du lavage Serge-Cheveau, basée à Ladoix-Serrigny, avant d’assurer la remise en circuit. Une même bouteille peut ainsi trouver le même usage une vingtaine de fois. Cette boucle est gagnante sur tous les tableaux : l’énergie bien sûr, la production de déchets, l’émission de gaz à effet de serre et tutti quanti.
Chez Cerço, cela concerne environ 95 000 bouteilles réemployables. Pas grand-chose à l’échelle des deux coopératives, d’où sortent bon an mal an 9 millions de cols. « Mais c’est justement un bon volume test. Le réemploi est parfaitement en phase avec le label national Vignerons Engagés, il fait partie de notre ADN. On dépasse le cadre du bio, c’est intéressant. »
Dans tous les Biocoop
À compter du millésime 2021, tous les vins Cerço entameront donc leur vie dans une bouteille homologuée pour le réemploi, certes plus lourde qu’avant (560 g au lieu de 395 g) mais à la solidité indispensable pour résister aux chaînes de lavage. Commercialisées dans les deux caveaux à Beaune et Prissé, elles pourront également être rapportées un peu partout en France, dans des enseignes ou points de collecte actuellement en voie de labellisation.
« Localement, nos caveaux seront bien sûr les premiers points de collecte. Une PLV sera mise en place et J’aime mes bouteilles formera courant mars nos équipes à ces pratiques. Le dispositif concernera également tous les Biocoop de Bourgogne-Franche-Comté, une enseigne particulièrement captive car rompue au réemploi. Nous visons aussi les chaînes de cavistes plutôt urbaines comme Nicolas », détaille Charles Lamboley, au centre de discussions avec les distributeurs. Il estime ces dernières « en bonne voie, car Cerço a déjà trouvé sa place chez plus de 600 cavistes en France ».
Sur le papier, tout cela semble plein de bon sens. Le réemploi demeure cela dit une pratique exigeante à tous les niveaux, à commencer par le consommateur, qui devra intégrer le principe de consigne à 50 centimes par bouteille au moment de passer commande. « Il faudra délivrer une grande pédagogie, activer les réflexes, créer des conditions les moins contraignantes possibles », résume-t-on chez Nuiton-Beaunoy. La Bourgogne entière ne va pas se mettre aux bouteilles réemployables du jour au lendemain, le chemin vertueux est encore long, mais ce « Cerço nouveau » a le mérite « d’interroger en profondeur les pratiques d’un secteur ». Jusqu’au bout du goulot, pourrait-on dire.